Feuilles de route 1914-1918 (Pierre Bonte) 4/ EN CHAMPAGNE
La vie de Pierre Bonte recouvre assez bien le XXème siècle. Né en 1896 à Roubaix d'une famille de quatre enfants (y compris Louise dont le journal est déjà paru sur le blog), il meurt en 1995. Père de huit enfants, il est représentatif de la société des industriels chrétiens et entreprenants qui ont bâti un monde, celui des fondateurs des grandes dynasties familiales du Nord de la France.
Le 7 avril 1915, Pierre Bonte rejoint son dépôt du 8e d’infanterie à Bergerac, il a 19 ans.
Document transmis par Michel Bonte, son fils 18/11/2014
Pierre Bonte en 1916 en Champagne - 20 ans
La 162e division débarqua à une heure du matin à Pogny, à quinze kilomètres de Châlons-sur-Marne. Pendant quinze jours on occupa les hommes à des travaux de propreté et l'entraînement des spécialités : grenadiers, signaleurs, fusils-mitrailleurs.
Logés dans des granges et nourris convenablement, cette période fut une détente agréable. Le jour de la Toussaint, un service solennel célébré par l'aumônier divisionnaire avait rempli l'église.
Nous quittâmes Pogny pour cantonner à Courtisols, sur la route de Châlons à Ste MenehouId, près de Lépine et y rester un mois. Les troupes y étaient soumises à un entraînement plus fatiguant.
A la fin novembre, je suivis un stage de grenadier au camp de La Noblette à une dizaine de kilomètres de Courtisols.
Cette période de repos devait se terminer le 8 décembre. Des convois autos emmenèrent le régiment à Suippes, à vingt kilomètres environ et le lendemain on monta en première ligne par le village de Souain et un dédale de plusieurs kilomètres de boyaux.
Ce secteur était typiquement calme lors de notre arrivée. Environ mille mètres séparaient nos lignes de la première tranchée allemande dont nous distinguions à peine le parapet crayeux. Le front était stabilisé depuis si longtemps qu'on avait eu le temps d'aménager des abris souterrains profonds et que tranchées et boyaux étaient entretenus chaque jour très soigneusement.
Le service de garde était seulement rendu pénible du fait que chaque unité occupait un front très étendu de sorte que les hommes de garde devaient rester au parapet deux heures sur quatre et n'avaient guère que trois ou quatre heures de repos par nuit.
Après sept jours en première ligne, nous connûmes sept jours de repos à Suippes, puis une nouvelle période en première ligne.
Le jour de Noël fut une véritable fête. Un débrouillard était allé à Suippes chercher deux poulets, du vin bouché et des friandises pour le réveillon. A minuit, l'aumônier du bataillon, l'abbé Delattre, avait célébré la messe en première ligne. Le 1er janvier fut également l'occasion de réjouissances.
Peu à peu, le secteur commença à s'agiter. Les torpilles rendaient peu agréable le séjour dans les petits postes que nos guetteurs occupaient à cent cinquante mètres en avant de nos lignes et nous répondions par des V.B. (grenades envoyées par fusils).
A la fin de janvier, je partis de Cuperly en permission et passai sept jours rue Schœlcher chez ma tante Madame Thomas.
Ma permission terminée, j'appris à la gare de l'Est que la 162e division (327e, 127e, 43e) avait quitté la Champagne et on m'aiguilla sur Fismes dans l'Aisne. C'est là que je retrouvai mon régiment.
Le Menu de Noël 1916 dans les tranchées de Champagne
A suivre…
5/7 - 1917 - Le Chemin des Dames
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