Charles de Jonquières (1879 - 1943), la Marine en héritage
Portrait proposé par Alice Aldebert (sa petite-fille) - 15/11/2015
L’itinéraire d’un marin dans la tourmente de la guerre jusqu'à sa rencontre et sa vie avec Alice Nicolas. De l’ombre à la lumière…
Au son de Ludovico Einaudi Svanire (mise en ligne Elliott Walsh)
https://www.youtube.com/watch?v=56F4oJFQ3fM
La Marine
En dehors de quelques affrontements majeurs, la guerre navale pendant la première guerre mondiale est assez peu connue.
Voici les engagements de la Marine Française dans le conflit :
1914
Manche - Mer du Nord |
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Le navire Amiral Ganteaume transportant 2500 réfugiés belges est torpillé par un sous-marin allemand mais peut être remorqué jusqu’à Boulogne |
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Méditerranée |
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Repère |
Bataille d’Antivari en Adriatique. |
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16 août |
La marine française (dont Le Courbet, le Jean bart), avec la marine anglaise, coulent le croiseur autrichien Zenta lors du combat d'Antivari. |
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21 décembre |
Le cuirassé Jean Bart est torpillé par l’U-12. Il gagne Malte pour réparations. |
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24 décembre |
Le sous-marin français Curie se prend dans les filets défendant la base autrichienne de Pola |
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Atlantique |
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Repère |
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13 novembre |
le croiseur Bruix bombarde Victoria (Cameroun) |
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Pacifique |
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Repère |
Bataille de Penang |
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22 septembre |
Les croiseurs SMS Gneisenau et Scharnhorst bombardent Papeete et coulent la canonnière Zélée |
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28 octobre |
Le croiseur SMS Emden coule le croiseur russe Jemtchoug et le contre torpilleur Mousquet lors du combat de Penang |
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1915
Manche - Mer du Nord |
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Repère |
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30 mars |
Le vapeur français Sainte-Jehanne éperonne et coule l’U-37 au large de Fécamp |
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Méditerranée |
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Repère |
Attaque navale franco-anglaise contre le détroit des Dardanelles |
15 janvier |
Le sous-marin français Saphir s'échoue et est capturé dans les Dardanelles |
03 février |
Les bâtiments français Requin et D'Entrecasteaux défendent victorieusement le canal de Suez contre les turcs |
23 février |
Le torpilleur français Dague saute sur une mine devant Antivari |
18 mars |
Perte du Bouvet, de L'Océan et de L'Irrésistible, lors de l'attaque franco-anglaise des Dardanelles. |
27 avril |
Le croiseur cuirassé français Léon Gambetta est torpillé par le U-autrichien. Il coule en quelques minutes. 137 survivants sur un équipage de 821 hommes. C'est aussi la première fois qu'un sous-marin torpille sa cible en plongée |
31 mai |
Le croiseur français Latouche-Tréville bombarde Bodrum |
13 août |
Le contre torpilleur Bisson coule l’U3 |
09 septembre |
L’U-39 coule les vapeurs Aude et Mostaganem au large d'Oran |
07 novembre |
Le patrouilleur Nord-Caper prend à l'abordage une goélette turque |
Mer Noire |
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Repère |
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30 octobre |
Le sous-marin français Turquoise est capturé par les Turcs |
1916
Manche - Mer du Nord | |
12 avril | Au nord-ouest d’Ouessant, l’U-55 attaque le vapeur Toro |
Méditerranée | |
08 février | Des monitors britanniques bombardent Smyrne. Le croiseur-cuirassé français Amiral Charner est torpillé par l’U-21 au large de Beyrouth |
04 mai | Le sous-marin français Bernouilli torpille le torpilleur autrichien Czepel dans l'Adriatique |
27 décembre | Le cuirassé français Gaulois, en route pour Corfou, est torpillé par l’UB-47 |
Atlantique | |
Repère | bataille de Funchal |
25 novembre | Le cuirassé Suffren est coulé par l’U52 |
02 décembre | La canonnière Surprise est torpillée par le sous-marin allemand U-38 |
Mer Noire |
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30 mars |
Le navire hôpital français Portugal est torpillé par l’U33 |
1917
Méditerranée |
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Repère |
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19 mars |
Torpillage du cuirassé français Danton par l’U64 |
25 mai |
Au large de Cattaro, l’U24 est torpillé par le sous-marin français Circé |
13 décembre |
Le croiseur français Chateaurenault est coulé près de Céphalonie par l’UC-38. Ce sous-marin est coulé à son tour par les torpilleurs français Lansquen et et Mameluck |
Atlantique |
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27 juin |
1918
Méditerranée |
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08 avril |
La goélette Madeleine III, bateau-piège français, est torpillée devant Bizerte par un sous-marin autrichien |
Atlantique |
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07 août |
Le croiseur-cuirassé Dupetit-Thouars est torpillé par l’U-62 au large de Brest |
Les pertes matérielles françaises totales de la guerre :
4 cuirassés,
5 croiseurs,
16 destroyers,
16 sous-marins,
Plusieurs navires auxiliaires.
Récapitulatif : toutes marines confondues (Marine française venant en appui des victoires alliées)
1914
16 août |
Mer Adriatique |
Victoire française sur l'Autriche-Hongrie |
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26 août |
Golfe de Finlande |
Victoire russe sur l'Allemagne |
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28 août |
Mer du Nord |
Victoire britannique sur l'Allemagne |
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Combat de Penang |
28 octobre |
Détroit de Malacca |
Victoire allemande sur France et Russie |
Bataille de Coronel |
01 novembre |
Large du Chili |
Victoire allemande sur Royaume-Uni |
Combat des îles Cocos |
09 novembre |
Océan indien |
Victoire australienne sur l’Allemagne |
Bataille du cap Sarytch |
18 novembre |
Mer noire |
Victoire russe sur l’Allemagne |
Bataille des Falklands |
08 décembre |
Atlantique sud |
Victoire britannique sur l’Allemagne |
1915
Bataille de Dogger Bank |
24 janvier |
Mer du nord |
Victoire britannique sur l’Allemagne |
Bataille de l’île de Gotland |
02 juillet |
Large côte Suède |
Victoire russe sur l’Allemagne |
Bataille de Kefken |
05 août |
Mer noire |
Victoire russe sur l’empire ottoman |
Bataille lac Tanganyka |
26 décembre |
Est africain |
Victoire britannique sur l’Allemagne |
1916
Bataille du Jutland |
1er juin |
Mer du nord |
Victoire britannique sur l’Allemagne |
1917
Raid du Pas de Calais |
05 août |
Manche |
Victoire britannique sur l’Allemagne |
Bataille d’Otrante |
15 mai |
Adriatique |
Victoire allemande et Autriche Hongrie |
Bataille de Muhu |
17 octobre |
Baltique |
Victoire allemande sur la Russie |
Bataille de Helgoland |
17 novembre |
Mer du nord |
Victoire britannique sur l’Allemagne |
Bataille de l’atlantique |
Année 1917 |
Atlantique |
Victoire alliée sur l’Allemagne |
1918
Raid sur Zeebrugge |
23 avril |
Manche |
Victoire indécise britannique sur Allemagne |
Les faiblesses de la Marine française (source la revue d’histoire maritime)
La marine française était loin d'être aussi mobile que les flottes britanniques et allemandes, rivalisant en Manche avec leurs croiseurs de bataille. En fait, elle a surtout opéré sur le théâtre qui correspondait le mieux à la composition de sa flotte, en Méditerranée. Certes, elle n'a jamais participé à de grandes batailles du fait notamment du poids additionnel conséquent des flottes Italiennes et françaises, opposées à la flotte austro-hongroise, qui fut incroyablement attentiste (fleet in being), bien à l'abri de la rade de Pola. Cependant les Français participèrent activement aux bombardements des Dardanelles, et y perdirent plusieurs navires, notamment du fait des U-Boot.
D’autre part, la France avait choisi de dégarnir ses chantiers maritimes et d’envoyer ses ouvriers en première ligne.
Le drame du « Bouvet » pose de nouvelles questions :
Coulé par une mine lors de l’opération des Dardanelles le 18 mars 1915, ce drame interroge sur la stabilité des navires de cette génération. La dangerosité des pré-dreadnoughts francais est avérée et donne lieu à des échanges entre le vice-amiral de Jonquières et le directeur des constructions navales sur l’utilité de travaux de « soufflage ». le soufflage consistant à construire sur la coque et au voisinage de la flotaison un dispositif qui a pour objectif d’augmenter la surface et par conséquent la stabilité du navire.
La revue d’histoire maritime poursuit :
L’homme, sa jeunesse et sa carrière
Charles
Charles Eugène André Marie Fauque de Jonquières (1879 - 1943)
Il est né à Toulon le 30 novembre, décédé à Rennes en 1943, le 28 février
Cette année 1879
La marseillaise est adoptée comme hymne national.
Le Reichstag octroie une constitution aux territoires occupés d’Alsace-Lorraine. Ils disposent d’une certaine autonomie sous l’autorité d’un gouverneur nommé par l’empereur.
Confirmation de l’alliance austro-allemande, alliance défensive contre la Russie. Ce traité d’assistance militaire consacre la fin de la ligue des trois empereurs à la suite de la guerre russo-turque dans les Balkans, qui a démontré que les intérêts stratégiques de la Russie s’opposaient à ceux de Vienne. Deux axes émergent, l’un franco-russe, l’autre austro-allemand. Déjà les bruissements d’une guerre à venir…
Sa famille, une longue lignée de marins et des racines provençales
Ses parents
Sa sœur aînée, Marie-Carmen épousera l’officier de marine Emile Roux
Ses ascendants :
Ernest de Jonquières 1820-1901 - Amiral, mathématicien - Homme de lettres et père d’Eugène
Eugène 1850-1919 - Chef d’état-major de la Marine en 1915 - Commandant en chef
Escadre de Méditerranée occidentale et du levant
Il est également poète et dessinateur
Education
Il est scolarisé chez les jésuites de Dijon, loin de sa famille et de ses racines, il en souffre, d’autant qu’il ne peut revenir dans sa Provence que durant les grandes vacances. Il écrit régulièrement à ses parents. L’hiver les dortoirs n’étant pas chauffés il souffre d’engelures, il en fait part à sa mère, lui demandant conseil pour soulager ses douleurs.
Malgré tout, il est un brillant élève et passe son bac avec 2 ans d’avance et une dispense de l’Etat. Ses parents lui conseillent alors l’école polytechnique qu’il intègre.
Elève à l’école Polytechnique en 1899, il se dirige ensuite vers la Marine. Le plus beau métier du monde, dira-t-il.
Il écrit :
« C’est un dur métier, mais à côté de ses inconvénients, il a d’immenses avantages ; vous vivez dans un milieu éminemment cultivé, à l’esprit large, à la personnalité marquée, la discipline y est adoucie par la politesse des chefs qui n’oublient jamais qui vous êtes en dehors du service. La vie que vous menez est trop mouvementée, trop diverse pour que l’ennui puisse s’y glisser ; les occupations dont elle est remplie ont toute leur intérêt et un aspect scientifique qui les fait échapper à la routine de la vie militaire, en même temps qu’il vous oblige à garder le contact, à vous tenir au courant de certains progrès. Il n’est pas un poste, une fonction, à bord, qui ne vous apprenne quelque chose, car un bateau est une énorme usine où les applications de la science sont innombrables, et de la science la plus récente.
Elle vous apprend plus encore au point de vue moral ; elle apprend à obéir et surtout, ce qui est plus difficile, à commander. Elle apprend la patience et aussi la décision ; de très bonne heure et à chaque instant elle vous oblige à prendre une responsabilité qui souvent n’est pas un vain mot car la vie des autres en dépend ; elle vous habitue à regarder la mort en face car souvent, tout près de vous, et parfois on sent sur soi- même son souffle froid.
Les incessants départs et retours font mieux ressentir la joie du foyer, elle rajeunit ou ravive l’amour, évite l’embourgeoisement. En un mot, pour tremper un caractère, pour ouvrir l’esprit, pour faire un homme enfin, il n’est pas de plus beau métier ! »
Il écrit : « d’octobre 1901 à mars 1918, soit pendant 16 ans ½ je n’ai vécu à terre que 22 mois. J’ai donc passé plus de 15 ans à bord et pendant ces 15 années, j’ai navigué sur 15 bâtiments différents et passé 9 années hors de France. J’ai dû traverser la France 14 fois de Toulon à Brest, Lorient, Cherbourg. Enfin, de 1912 à 1918 ; je n’ai passé en France que 3 mois en 2 séjours. La seconde partie de ma carrière sera plus calme ».
Carrière
Aspirant le 1er octobre 1901
Au 1er janvier 1903, sur le croiseur "PASCAL", Escadre d'Extrême-Orient
Enseigne de vaisseau le 1er octobre 1903. Au 1er janvier 1904, port TOULON. Au 1er janvier 1906, sur le croiseur "GALILÉE", Escadre de Méditerranée.
Officier breveté canonnier.
Au 1er janvier 1909, sur le croiseur "ISLY", Escadre du Nord
Au 1er janvier 1911, sur le cuirassé "PATRIE"
Quand éclate le premier conflit mondial, le Patrie participe à l'opération menée à l'orée de l'Adriatique le 16 août 1914 et qui voit la destruction du croiseur autrichien Zenta.
A partir de 1915, le cuirassé est affecté à la Méditerranée orientale multipliant les patrouilles et les escortes de convois dans le but de soutenir l'armée d'Orient engagée depuis Salonique. Il subit un grand carénage à Toulon à l'été 1916 avant de regagner la Méditerranée orientale. C'est ainsi que sa compagnie de débarquement participe aux événements d'Athènes le 1er décembre 1916.
Bâtiment amiral de la division de Salonique (appelée également division d'Orient) en juillet 1917, il est de retour à Toulon en 1919.
Lieutenant de vaisseau le 30 mars 1911, il navigue sur le cuirassé Ernest Renan
Au 1er janvier 1914, il est affecté sur le croiseur cuirassé "MONTCALM", division navale d'Extrême-Orient
Charles 2ème en partant de la droite de face
Puis, prend le commandement du Torpilleur 250 en Méditerranée orientale
En 1918, il rejoint le port de Toulon. La guerre est terminée.
« Le 11 novembre 1918, l'armistice… mettait fin au plus grand drame que le monde ait jamais connu ». écrit Pierre Bonte.
Guillaume II fera inscrire au-dessus d’une cheminée monumentale du château du haut Koenisgbourg : « Ich habe es nicht gewollt » (dénégation ?)
La vie de famille heureuse avec Lily
Il écrit :
«… La seconde partie de ma carrière sera plus calme ».
Il rencontre Alice Nicolas et se marie
La guerre est finie, Charles, parlant couramment l’allemand, est mandaté par la marine pour faire appliquer les clauses du traité de Versailles comme suit. Il part donc en Allemagne avec sa jeune épouse.
Traité de Versailles 1919, clauses militaires navales
Navires dans les ports allemands :
Ammon |
Fürst Bülow |
Answald |
Gertrud |
Bosnia |
Kigoma |
Cordoba |
Rugia |
Cassel |
Santa Elena |
Dania |
Schlesvig |
Rio Negro |
Möwe |
Rio Pardo |
Sierra Ventana |
Santa Cruz |
Chemnitz |
Schwaben |
Emil-Georg von Strauss |
Solingen |
Habsburg |
Steigerwald |
Meteor |
Franken |
Waltraute |
Gundomar |
Scharnhorst |
Article 187.
Les croiseurs auxiliaires et bâtiments auxiliaires allemands, ci-après énumérés, seront désarmés et traités comme navires de commerce :
Article 188.
A l'expiration du délai d'un mois à dater de la mise en vigueur du présent traité, tous les sous-marins allemands, ainsi que les navires de relevage et les docks pour sous-marins, y compris le dock tubulaire devront avoir été livrés aux principales puissances alliées et associées. C’est dans ce cadre que Charles, comprenant et parlant allemand, est envoyé par la Marine pour l’inspection des navires
Ceux de ces sous-marins, navires et docks, qui seront reconnus par lesdits Gouvernements comme étant en état de naviguer par leurs propres moyens ou d'être remorqués, devront être conduits par les soins du Gouvernement allemand dans tels ports des pays alliés, qui ont été désignés.
Les autres sous-marins ainsi que ceux qui se trouvent en cours de construction, seront démolis intégralement par les soins du Gouvernement allemand et sous la surveillance desdits Gouvernements. Cette démolition devra être achevée au plus tard trois mois après la mise en vigueur du présent traité.
Article 189.
Tous objets, machines et matériaux quelconques provenant de la démolition des bâtiments de guerre allemands, quels qu'ils soient, bâtiments de surface ou sous-marins, ne pourront être utilisés que dans un but purement industriel ou commercial.
La vie de famille heureuse avec Lily
Il fait froid en Allemagne, elle souhaite vivement retrouver les couleurs et la douceur de la Provence où est désormais sa vie. Ils rentreront fin 1919.
Vive, Elle entraîne son mari solitaire vers les plaisirs de la vie ensemble. Ils prennent des bains de mer à la plage des Sablettes, ils montent à cheval, font des balades en montagne, passent de longs moments au col du Lautaret avec leurs enfants. Ici, à la mer de glace (Lily et le guide en 1er plan, Charles de face).
Ils montent à cheval,
A Château Aguillon où ils habitent, elle peint.
Voici 2 de ses tableaux, dans le jardin de Saint Rémy
Ils jouent avec leur fille aînée Claude
Son royaume est Château Aguillon
Elle donne naissance à 4 beaux enfants.
Ici de gauche à droite, Simone, Philippe et Claude (ma mère)
Claude, Simone, Philippe dans le jardin de Bonne Maman de Xoulces
Elle meurt en donnant naissance à son 4ème enfant, et la maison n’est plus qu’une chapelle de larmes…
La chapelle des larmes, mont Saint Odile
Elle avait 34 ans, elle était ma grand-mère.
Voir aussi Alice Nicolas (1893-1928) son portrait
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