14-18Hebdo

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Carnets de guerre (Anna Vautrin) – N° 97 –26 février au 4 mars 1917

Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils - 16/02/2017

 

 1916 Famille Vautrin Saulxures 2.jpg

Famille Vautrin en 1916 : La dernière fois où la famille était réunie avant la mort d’Edouard Michaut.

De gauche à droite : Suzanne Boucher, Alexis Vautrin, une amie, Madeleine Michaut, Paul Boucher, Marguerite Vautrin, Yvonne Vautrin au dessus, Edouard Michaut assis et Annette Boucher enfant le tenant par l’épaule

 

 

Lundi 26 février 1917

Anniversaire de la blessure d’Edouard

 

Il y a aujourd’hui un an, Edouard a été blessé près de Douaumont. Journée mémorable qui a fait reculer les Allemands et qui a sauvé la France de l’invasion des Allemands.

 

Pauvre Madeleine, son grand chagrin se renouvelle à cette date terrible. Son mari a été blessé à cheval, d’un éclat d’obus dans le bois de la Caillette. Quel avenir brisé et quelle tâche elle a à remplir pour ses deux petites filles, Colette qui a maintenant 2 ans et demi et Marie-Edouard qui a 10 mois.

 

Madeleine est très courageuse mais quelle peine cruelle de la voir souffrir. Elle est partie ce matin à 7 heures avec sa belle-mère pour Bar-le-Duc où repose son mari dans un dépositoire au cimetière. En y arrivant, elles ont vu qu’une bombe d’avion allemand était tombée dans le cimetière sur un dépositoire près de celui d’Edouard. Les cercueils n’ont pas été touchés. Les boches ne peuvent donc pas laisser nos héros morts reposer en paix ! Il faut encore qu’ils les poursuivent jusque dans la tombe !

 

Quelle journée triste pour nous tous.

 

Mardi 27 février 1917

Nancy est calme aujourd’hui. Pas de taube ni de canon. Beaucoup d’artillerie est passée ce matin sur le cours Léopold. Il y avait des canons de 75 et 90, tous maquillés pour qu’on ne les voie pas. Nous apprenons les morts de Monsieur d’Entraygues, fils du colonel, et de Monsieur Lumière, le fiancé de Lili Meyer, petite-fille de Madame Grillon. Quelle jeunesse fauchée !

 

Aujourd’hui, nous voyons au dessus du plateau de Malzéville une saucisse qui nous paraît très rapprochée puisque nous distinguons la nacelle et les cordes qui la tiennent. Elle est en observation. Il y a plusieurs versions pour l’offensive prochaine. Quelques-uns disent qu’il faut quitter Nancy, qu’il va se passer des choses effroyables et qu’il ne sera plus temps de partir après. Les autres disent au contraire qu’il n’y aura pas d’attaques des Allemands autour de Nancy pendant ce printemps et que les terribles attaques seront plutôt du côté de Soissons.

 

Qui croire ! A la grâce de Dieu.

 

Mercredi 28 février 1917

Anniversaire de la mort d’Edouard.

 

Edouard est mort il y a un an à l’ambulance du couvent de la Doctrine à Bar-le-Duc. Comme il n’y a cette année que 28 jours dans le mois de février, c’est donc aujourd’hui que nous assisterons au service anniversaire puisqu’il n’y a pas de 29 février.

 

Nous venons d’aller à la messe à St Fiacre pour lui. Nous avons toutes communié. Il y avait beaucoup de monde parmi nos amis.

 

Quel triste anniversaire ! Quelle vie brisée pour notre enfant !

 

Jeudi 1er mars 1917

Le gouvernement a décidé que les pâtisseries seraient fermées 2 jours par semaine, le mardi et le mercredi, par conséquent on ne peut acheter ni gâteaux ni bonbons ces jours là. Le sucre est très rare et on a beaucoup de difficulté de s’en procurer aussi on établit des cartes de sucre pour un mois. Il y aura des tickets pour chaque personne, 750 grammes de sucre par mois ce qui fait 2 morceaux de sucre par jour. Les carnets de sucre fonctionnent à Paris depuis aujourd’hui 1er mars. A Nancy, nous les aurons aussi bientôt.

 

A partir d’aujourd’hui, le gouvernement a décidé aussi pour faire des économies de supprimer le pain de luxe et le pain frais. Nous ne mangeons plus que du pain rassis. C’est défendu d’en vendre de l’autre. Tout le monde doit avoir le même pain. Les boulangers ne peuvent plus vendre que des pains du même poids et rassis. Il n’y a plus qu’une sorte de pain pour tout le monde, riches ou pauvres, fait avec la même farine. Les petits pains, croissants, brioches sont supprimés. On fait en France des économies de toutes sortes car si la guerre dure, les denrées deviendront rares.

 

L’Angleterre a décidé de ne plus rien importer, ni exporter chez elle. Cela va faire beaucoup de tort à la France qui envoyait beaucoup d’objets de luxe en Angleterre. C’est la guerre.

 

Vendredi 2 mars 1917

Nous voyons Henri Cuny. Il est toujours au ravitaillement près de Bouxières-aux-Dames. Il nous dit que lorsque Nancy a été bombardée le 17 février par 120 obus de 380, ils entendaient très bien passer au dessus de leurs têtes les gros obus qui étaient destinés à Nancy. De Château-Salins, ils passaient au dessus de Bouxières-aux-Dames pour arriver à Nancy. On entendait parait-il comme un bruit de train qui passe très fort car ces gros obus ne sifflent pas et passent trop haut pour les voir.

 

J’ai installé dans notre cave un lit et des fauteuils. De cette façon, on pourra se coucher et se reposer si le bombardement arrive la nuit.

 

Samedi 3 mars 1917

On est très calme à Nancy, sans canon ni taube. Il faut dire qu’il fait mauvais temps. On est presque heureux maintenant quand il pleut car on est tranquille pour toute la journée.

 

Du côté des boches, à 11 heures du soir, nous avons entendu beaucoup d’aéroplanes qui gardaient Nancy. On entendait les moteurs dans la nuit jusqu’à une heure du matin. Certains moments, j’ai entendu le bruit de mitrailleuses. Il y avait un combat entre nos avions et un taube. Le canon s’est mis à tonner très fort.

 

Un grand bateau anglais a été coulé par un sous-marin allemand car l’Allemagne a décidé qu’elle coulerait tous les navires de toutes les nations pour empêcher de ravitailler les Alliés. Deux Américaines qui se trouvaient sur ce navire anglais ont été noyées.

 

L’Amérique est donc bien près de déclarer la guerre à l’Allemagne. Il vient d’arriver à Bordeaux deux navires américains qui ont pu passer par la zone dangereuse sans être torpillés. Ces deux bateaux sont L’Orléans et Le Rochester, on a fêté leur arrivée.

 

Les Anglais font en ce moment une offensive du côté de Bapaume, ils ne sont plus qu’à quatre kilomètres. Ils ont pris 60 villages aux environs depuis le mois de juillet. C’est la bataille de l’Ancre qu’ils ont gagnée.

 

On est assez tranquille sur tous les autres fronts. Il y a des reconnaissances un peu partout mais du côté allemand comme de notre côté, c’est pour faire des prisonniers et savoir ce qui se passe et étudier les projets d’attaque des deux côtés. On se tâte pour savoir les forces de chacun pour la grande offensive.

 

Dimanche 4 mars 1917

On vient de décider à Nancy de transporter les orphelins de St Stanislas et les vieillards de l’hospice St Julien dans un couvent à Sion. C’est en vue d’un bombardement plus important à Nancy au printemps car cela est trop difficile de faire descendre à la cave des vieillards impotents et des enfants. Il y a quarante ans que les sœurs sont installés à St Stanislas.



23/02/2017
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