14-18Hebdo

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Carnets de guerre (Anna Vautrin) – N° 80 – 30 oct au 5 nov 1916

Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils - 26/10/2016

 

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Alexis Vautrin

 

Lundi 30 octobre 1916

Alexis est parti ce matin pour Cornimont en auto pour une réunion de la société. Ils ont déjeuné chez Camille Humbert. Il est rentré à 7 heures.

 

Suzanne est toujours à Gérardmer. Paul est à l’arrière dans la Somme.

 

Le Kaiser est allé dans la Somme voir ses troupes. La situation est tendue entre la Norvège et l’Allemagne à cause des torpillages de bateaux norvégiens par les Allemands. Les Allemands et les Autrichiens avancent en Roumanie. Le port de Constance est occupé par les Autrichiens qui tentent de franchir le Danube pour arriver à Bucarest. Les Russes viennent d’arriver au secours des Roumains. Ils s’efforcent de repousser les Autrichiens. C’est le général allemand von Mackensen qui commande les troupes du côté du Danube et le général von Falkenhayn commande les troupes du côté de la Bulgarie. Ils tâchent de se joindre pour arriver à Bucarest. Les Roumains sont dans une triste posture. Espérons qu’on arrivera à les sauver. Il y a une mission française de 40 officiers qui viennent de partir pour la Roumanie pour les secourir et seconder les Roumains.

 

Mardi 31 octobre 1916

Comme je me trouvais à la poste cet après-midi, j’entends le tocsin et la sirène qui sont le signe d’un bombardement. Tout le monde court, on descend dans les caves. Dans les hôpitaux, on descend les malades à la cave et on s’aperçoit qu’on s’est trompé. Un officier avait téléphoné que l’on voyait de la fumée sortir de la pièce qui nous bombarde à 15 kilomètres. Ce n’était qu’une alerte !

 

Mercredi 1er novembre 1916

C’est le jour de la Toussaint. Des délégations se rendent aux deux cimetières de Préville et du Sud. Toutes les tombes de nos soldats sont très bien arrangées. Le maire prononce un discours et pendant ce temps là des aviateurs viennent et laissent tomber plusieurs bouquets sur les tombes.

 

Jeudi 2 novembre 1916

C’est aujourd’hui le jour des morts. Dans toute la France, on pense beaucoup aux soldats morts pour la patrie. Combien encore tomberont pendant cette guerre horrible. Qui dure déjà depuis deux ans. Quand finira-t-elle ?

 

Vendredi 3 novembre 1916

En sortant de chez moi, je rencontre Madame Aerts qui a toujours ses parents prisonniers des Allemands à Mont-St-Martin. Ils habitent un beau château où ils logent un état-major allemand. Les Allemands ne leur ont laissé que deux chambres. Leurs domestiques doivent servir les Allemands. Au commencement de la guerre, Monsieur Dreux a déjà dû payer 1 million à l’Allemagne. Ils lui ont demandé un autre et comme il ne payait pas tout de suite, ils ont emmené Monsieur Dreux en otage à Longwy pendant dix jours avec d’autres Messieurs. Les Allemands sont allés aussi au château de Parivaux à Gorcy demander à Madame de Gorcy un million. Comme elle disait qu’elle n’avait pas cette somme. Oh ! Cela est très facile ont-ils répondu ! Vous n’avez qu’à faire venir cette somme de la banque du Luxembourg à la banque de France.

 

Les vivres deviennent rares et surtout les chaussures.

 

Dans plusieurs villes de France envahies par les Allemands telles que Lille, Roubaix, les vivres deviennent rares. Un jambon coûte 100 francs et la livre de viande 9 francs, les œufs 1 franc pièce. A Lille, les Allemands se sont montrés très barbares en emmenant des habitants en otage en Allemagne. Ils passaient dans les maisons et choisissaient plusieurs personnes surtout des jeunes filles qu’ils envoyaient en Allemagne les sauvages !

 

Samedi 4 novembre 1916

Je pars à 7h du matin avec Gogo (Marguerite Vautrin) pour Bar-le-Duc où nous allons sur la tombe d’Edouard. Il est au dépositoire et depuis le commencement de la guerre. On en a déjà construit six. Pour la Toussaint, on a très bien arrangé le tour des dépositoires avec des fleurs. Nous y déposons une corbeille et nous revenons à midi. Dans la ville de Bar-le-Duc, nous remarquons inscrit sur plusieurs murs cette inscription « Cave pouvant contenir 10 personnes ou 30 ou 100 ». C’est en cas de bombardement des taubes pour qu’on puisse se réfugier. Il y a même un passage souterrain sous le chemin de fer qui est indiqué comme refuge.

 

Pour entrer dans la ville de Bar-le-Duc, cela est très difficile, maintenant il faut une permission spéciale du général commandant un corps d’armée. Nous avons dû envoyer nos photographies avec le motif du voyage à Bar-le-Duc. Nous avons reçu nos sauf-conduits valables pour un voyage seulement.

 

Dimanche 5 novembre 1916

Les becs de gaz dans la ville de Nancy sont badigeonnés au bleu pour qu’ils soient moins lumineux. La ville est tout à fait sombre le soir. On a peine à se diriger et il faut prendre une petite lampe électrique. En sortant, j’aperçois en l’air un avion français très bas sur la ville faisant des loopings, se retournant et se renversant. Tout le monde regarde et il parait que c’est le gendre du directeur de la banque de France. Il est à Verdun et est envoyé en mission à Nancy. Il est venu en avion de Verdun à Nancy en un quart d’heure. Il est allé planer sur la banque de France pour dire bonjour à ses beaux-parents et il est reparti sur Verdun.

 

Grande nouvelle aujourd’hui sur les journaux, les Français ont repris le fort de Douaumont en deux heures. Les Allemands l’avaient depuis le 26 février 1916. C’est notre pauvre Edouard qui l’avait défendu à ce moment là !



28/10/2016
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