86e semaine de guerre - Lundi 20 mars au dimanche 26 mars 1916
LUNDI 20 MARS 1916 - PRINTEMPS - SAINT JOSEPH - 596e jour de la guerre
MARDI 21 MARS 1916 - SAINT BENOIT - 597e jour de la guerre
MERCREDI 22 MARS 1916 - SAINTE CATHERINE DE GENES - 598e jour de la guerre
JEUDI 23 MARS 1916 - SAINT FIDELE - 599e jour de la guerre
VENDREDI 24 MARS 1916 - SAINT SIMEON - 600e jour de la guerre
SAMEDI 25 MARS 1916 - ANNONCIATION - 601e jour de la guerre
DIMANCHE 26 MARS 1916 - OCULI - IIIe DIM. DE CAREME - 602e jour de la guerre
Revue de presse
- Le torpilleur "Renaudin" coulé en Adriatique par un sous-marin allemand
- L'adjudant Navarre abat son septième avion boche
- Le Kronprinz cherche en vain à élargir son front d'attaque à l'ouest de la Meuse - Une division allemande essuie de grosses pertes entre Avocourt et Malancourt
- Le général Haig, commandant en chef des forces anglaises, exprime au général Joffre son admiration pour les indomptables soldats de France
- Les Russes à Ispahan
- Recrudescence du bombardement sur la région Douaumont-Vaux
- Les Italiens repoussent plusieurs attaques de l'ennemi qui subit de grosses pertes
- La Roumanie vend à l'Allemagne 1,400,000 tonnes de céréales et de légumes
- Les Russes avancent dans la région de Dvinsk où les combats continuent
- Le "Sussex" paquebot non armé torpillé sans avertissement - Il y aurait une cinquantaine de victimes - Il y avait des neutres à bord
Morceaux choisis de la correspondance
Mes salières se comblent petit à petit, je serai de nouveau belle pour recevoir mon petit mari chéri à sa prochaine permission. En parle-t-on assez souvent de cette fameuse permission et combien on y pense et combien on s’en réjouit surtout, quoique ces six jours soient bien courts et laissent derrière eux tant de regrets.
20 mars - ELLE (Arcachon).- Nous rentrons, Robert et moi, d’Arcachon où nous sommes allés en tram pour nous peser comme nous le recommande notre docteur chaque huit ou dix jours, et nous avons constaté pour tous deux une bonne augmentation de 350 gr. pour Robert et de 500 gr. pour moi. Tu vois que nous ne nous laissons manquer de rien et que le séjour ici ne nous est pas contraire,
Maman nous écrit qu’on entend de chez nous jour et nuit des coups de canons terribles, tels que dans la maison de Thérèse moins solidement bâtie les pendules s’arrêtent et les cales qu’on avait mises derrière pour les mettre d’aplomb tombent. On a dit à Maman que c’était certainement le canon de Verdun et que ces gros coups venaient de nos obusiers de 400. Il paraît que notre vallée est dans une zone de son. Crois-tu que ce soit possible ? Toute la vallée de la Meurthe, de St Dié à Raon, continue à être très bombardée. La maison que Jean Gérardin avait achetée à St Dié pour y faire des réparations et l’habiter est complètement démolie, elle a brûlé l’autre jour.
Je me réjouis d’avoir des échos de la réunion des H.P. hier. J’en aurai j’espère de deux sources par Adrien et Maman. Mais je suis sûre que l’oncle Paul tout en criant derrière n’aura rien dit du tout car Pétrus le médusera.
Nous avons devant nous le cap Ferret, et son phare allumé tous les soirs fait dans la mer de vrais feux de Bengale tantôt rouges, tantôt tout blancs. Hier soir, il faisait si bon, je les ai regardés un bon moment, c’était si joli et je pensais à mon chéri qui à ce moment peut-être regardait aussi les étoiles de son observatoire et envoyait un baiser à sa petite femme dans la nuit en même temps qu’elle-même lui disait un tendre bonsoir. Je reçois ta lettre du 17, tu vois que cela va vite. Je sais bien que tu ne me grondes pas et que tu penses que je fais ce que je peux pour nos enfants.
21 mars - ELLE (Arcachon).- Nous ne savons décidément pas prédire le temps ici. Nous nous couchons très souvent en nous promettant pour le lendemain un réveil ensoleillé et pas du tout, c’est la brume et le vent. Il est vrai que le temps change extrêmement vite ici. Ce matin, j’aurais cru qu’il allait pleuvoir à torrent et pas du tout, nous voilà à 4 heures et nous n’avons pas encore eu de pluie.
Je suis allée chercher André et Noëlle à leur leçon de piano. Leur maîtresse est contente d’eux et d’André surtout qui est plus attentif que sa sœur. Tu penses s’il était fier d’entendre cette parole. Mais cette brave dame trouve qu’ils ont une méthode déplorable. Je le sais bien, que Mlle Marchal n’a pas du tout la bonne manière et qu’il vaudrait mieux que je leur donne leurs leçons. Si je vais mieux au retour, j’essaierai de m’y remettre.
Je te joins la lettre du docteur Solomon Iser. Tu verras qu’il a une petite écriture comme celle des mathématiciens, il est d’ailleurs docteur ès Sciences, et tu verras surtout qu’il me promet de me remettre sur pied, ce qui me plaît fort. Je suis d’ailleurs ses prescriptions très sérieusement et vis une vraie vie de mollusque.
Je n’ai encore rien reçu de Maman et ne sais rien à te raconter sur la réunion. C’eût été bien le cas de faire l’inventaire puisque les usines sont arrêtées. Les employés auraient le temps. Mais je crois que personne n’en a envie, pas plus Pierre que les employés et qu’on attend mon chéri pour ce grand travail.
Je ne sais pas si je t’ai dit que j’avais offert à mon ancienne cuisinière Louise Bürck, qui s’ennuyait à Nancy où elle était évacuée depuis que les Allemands l’avaient chassée de Val et Châtillon, de venir à Cornimont, où je l’emploierais dans le jardin. Comme on n’a pas de manœuvres, elle aidera Pauline. Elle a eu l’air enchanté et cela fera une charité et me rendra service en même temps, je lui ai promis 50 francs par mois. Elle a dû arriver samedi à Cornimont et logera chez nous avec sa petite fille en attendant que les quelques meubles qu’elle a achetés arrivent. Mr Perrin lui a réservé un appartement de 2 pièces dans une des cités des Champs à Nabord où elle s’installera. Son mari est mobilisé. Avec son allocation elle pourra vivre ainsi et sera mieux que dans la caserne Molitor où on a rassemblé tous les évacués.
22 mars - ELLE (Arcachon).- On nous annonce des Vosges un très beau temps. Ici, c’est très moyen, nous attendons toujours cette bonne chaleur que nous y sommes venus chercher. Tout le monde va bien, c’est l’important. Je te joins la lettre de Maman reçue ce matin. Tu y verras que la réunion des H.P. a été, comme toujours, la même, on n’y a rien résolu, ce fut le règne de l’incohérence. Je me demande ce que vient faire Gillot et pourquoi Mr Humbert refuse la nouvelle proposition à cause de son ex-gendre.
Je suis allée en forêt avec les enfants de 1 à 4 heures, il y faisait très bon. Elise m’emporte ma chaise longue, les enfants jouent ou s’assoient autour de moi. Nous sommes rentrés pour le goûter et maintenant on va faire les devoirs.
Je ne t’ai pas raconté une bonne réflexion que Noëlle nous a faite l’autre jour. Maurice avait apporté à la gare de Toul en allant y voir sa femme tout un paquet de livres et bonbons. Thérèse pensait que c’était pour ses enfants, ensuite Maurice a écrit qu’il fallait partager avec les nôtres et que c’était de la part du colonel. On a donc décidé que Noëlle écrirait une lettre de remerciements et que tous les autres signeraient. Quand il s’est agi de terminer la lettre, Noëlle demande ce qu’il faut mettre, Thérèse lui dicte « au revoir, cher Monsieur, je vous embrasse ». Voilà Noëlle qui se met à pleurer, mais non, je ne veux pas l’embrasser, je ne le connais pas ce colonel, quand Maman écrit à des messieurs qu’elle ne connaît pas, elle ne les embrasse pas, elle met toujours ses sincères salutations, je vais les mettre aussi ». On avait beau lui dire que ce n’était pas la même chose, elle ne sortait pas de son idée. A la fin, tout de même, elle s’est rendue, mais elle disait encore d’un petit air dégoûté : « Heureusement que c’est sur le papier, parce que je n’aime pas embrasser un colonel ». Tu vois que ta fille a des idées de morale bien arrêtées. Tout ce petit monde est parfois bien amusant à entendre discuter et bavarder et nous nous regardons souvent Thérèse et moi en souriant quand nous les entendons.
Je pense recevoir une lettre de toi ce soir, je m’en réjouis et t’embrasse bien tendrement. Mimi.
Il faut beaucoup de patience pour attendre ton retour, car tout serait encore meilleur près de toi et avec toi.
23 mars - ELLE (Arcachon).- Ma lettre ne partira pas à son courrier habituel aujourd’hui et je le regrette pour toi qui auras une déception, quoique mes lettres ne soient pas passionnantes. L’heure du courrier, pour vous, comme pour nous, doit être la bienvenue et quelque chose manque quand le facteur ne laisse rien autre que la gazette. Nous avions changé les habitudes, et les enfants, au lieu de sortir de suite après le déjeuner, avaient fait leurs devoirs pour pouvoir assister aux prières et à la bénédiction du St Sacrement, car tu sais, ou plutôt tu ne dois pas savoir, qu’on a commencé aujourd’hui des prières nationales et je désirais que les enfants y prennent part, quoique leurs prières ne soient guère ferventes.
Ensuite on devait goûter et partir en promenade. Mais au moment où on commençait à goûter, nous est arrivée une belle visite, Mme de Lamothe et sa fille, amies de Maguy, que Thérèse a vues l’an dernier à Angoulême et qu’elle avait rencontrées hier dans un magasin d’Arcachon. Elise a fait le thé, pauvre petit thé bien mesquin avec de la vaisselle qui n’a rien d’élégant, mais ainsi le temps a passé et mon pauvre Geogi est forcé d’attendre. Je t’écris donc sous la lampe à côté de mon Dédé qui fait ses devoirs très gentiment, je lui vote des félicitations d’ailleurs car depuis quelques jours il est très obéissant et attentif.
J’ai institué que chaque soir, quand on a été sage et qu’on a bien travaillé, on a un sou, ce qui les enchante. Je leur ai donné pour partir à chacun 5 francs dans leur tirelire. Ces cinq francs, s’ils ne servent pas à payer quelque dégât ou casse dans la villa au départ, seront dépensés à Paris et on fonde grand espoir sur ce pécule additionné du gain journalier.
Pauline m’a écrit qu’on a reçu des bombes à Cornimont, il en est tombé 7. Une est tombée à la Roche, une autre près des Mangin, une derrière l’école libre, les autres sur le lac. Il y a un E.M. à Cornimont, il avait demandé à venir à la maison et finalement s’est décidé pour chez Mr Nicolas, ce qui m’enchante. Louise Bürck fait le jardin avec Pauline, Mr Ringenbach s’en occupe aussi puisque les usines sont arrêtées depuis huit jours.
Rassure-toi, mon spleen a passé. Une bonne exquise lettre comme j’en ai reçue de toi hier me remettrait d’ailleurs s’il en était besoin. Je suis si heureuse de me sentir aimée comme tu m’aimes mon adoré chéri, c’est si bon, on ne se sent pas seule, tout est partagé, joies et peines, mais il faut beaucoup de patience pour attendre ton retour, car tout serait encore meilleur près de toi et avec toi. Tu me diras dans ta prochaine lettre si tu vas bien, si tu te sens bien, n’est-ce pas Geogi et surtout soigne-toi bien.
Je t’embrasse tant que je peux. Ta Mi.
Les Allemands semblent vouloir passer à toute force du côté de Verdun, pourvu qu’ils ne réussissent pas ! Les pauvres soldats qui y sont doivent subir de bien terribles combats et bombardements.
24 mars - ELLE (Arcachon).- Quel affreux pays que cet Arcachon, on y vient chercher le soleil et on n’y trouve que la pluie et la tempête. C’est stupide, stupide. Pendant ce temps, on nous écrit des Vosges qu’il y fait délicieux, qu’on n’a plus besoin de chauffage dans les maisons, que le soleil suffit et nous sommes obligés de faire un bon feu le matin pour pouvoir rester dans les chambres. J’écouterai encore les avis des gens qui me vanteront leur pays et feront semblant de geler dans le nôtre.
Nous allons partir au chemin de la Croix qui se fait à 3 heures à l’église. A ce sujet, Dédé nous a fait une bonne réflexion hier soir. Comme j’annonçais qu’on irait au chemin de Croix et que j’expliquais pourquoi on le faisait : pour rappeler la montée du Calvaire et la refaire avec et comme Jésus, etc., voilà André qui dit : « Alors nous tomberons trois fois aussi ? Cela va être amusant de voir Mr le Curé et toutes les dames culbuter ». Voilà Mr Dédé qui avait juste retenu cela de ses leçons d’histoire sainte et le servait avec des fous rires à la clé. Tu penses si les autres étaient heureux de rire en pensant à toutes les culbutes. On se fait quand on est enfant de la joie avec peu de chose. Ils sont gais et heureux de vivre.
Demain s’il ne fait pas mauvais, je les emmènerai à la bénédiction des barques à Arcachon. Il paraît que c’est la fête patronale et qu’en temps de paix, c’est très impressionnant. Il y a des masses de bateaux, Arcachon est le 2e port de pêche de France, il vient de suite après Rochefort, mais tous les chalutiers importants ont été réquisitionnés pour aller aux Dardanelles et servir de relève-mines, il ne reste plus que les barques à voile de peu d’importance. Néanmoins, je pense que ce sera un joli spectacle qui intéressera les enfants. J’ai prié leur maîtresse de piano de remettre leur leçon à l’après-midi pour leur laisser la matinée libre.
Les Allemands semblent vouloir passer à toute force du côté de Verdun, pourvu qu’ils ne réussissent pas ! Les pauvres soldats qui y sont doivent subir de bien terribles combats et bombardements.
24 mars - Paul Cuny (Paris) à Georges Cuny, son frère.- Je n’ai pas cru devoir t’envoyer un pouvoir pour les HGP car je suis agréé par la gérance donc par toi-même comme représentant de la branche Cuny et cela suffit. D’ailleurs tu sais que la réunion fut remise au 19 mars et, rappelé pour affaires urgentes dans les Vosges, je n’assisterai pas à la réunion et Adrien Molard me remplacera.
Cheniménil marche tant bien que mal sans directeur (Auptel est rappelé au régiment après avoir été réformé) et sans contremaître de préparation digne de ce nom. Nous avons en mauvaise marche 38 000 broches. Mais faut-il arrêter ? ou tant pis marcher comme cela ?
Actuellement tout le trafic est suspendu et nous manquerons de tout, ce qui peut-être va arrêter nos affaires sous peu de jours. Et toi que deviens-tu ? J’aimerais recevoir de tes nouvelles en présence surtout des événements actuels. Quelle triste chose pour les Vautrin !
Dieu sans doute m’avait pris sous sa protection car c’était terrible, de quoi rendre l’homme le plus cuirassé fou.
24 mars - Victorin Noël (de Verdun) à Georges Cuny, son patron.- Je profite de ce que j’ai un peu de repos pour vous envoyer quelques lignes. Je suis sorti de la fournaise sain et sauf, je vous dirai que depuis le début de la campagne je n’avais pas encore assisté à pareils bombardements, les monstres, les obus de 105 – 150 – 210 - 380 – 420, tout leur était bon jusqu’aux obus lacrymogènes qu’ils ne nous ménageaient pas, comment en suis-je revenu, je n’en sais rien, Dieu sans doute m’avait pris sous sa protection car c’était terrible, de quoi rendre l’homme le plus cuirassé fou.
Ce qui me change le plus, c’est de revoir des femmes. Là-haut où nous étions, nous sommes restés 3 mois sans voir personne d’autre que les copains.
25 mars - ELLE (Arcachon).- Nous sommes allées ce matin à la bénédiction des barques à Arcachon. On est allé de l’église à la jetée en procession, des vétérans de 70 portaient un drapeau encadrés par des permissionnaires ou soldats en traitement dans les divers hôpitaux de la ville, puis des vieux marins portaient une grande statue de la Vierge toute dorée, une longue théorie d’enfants de chœur habillés de bleu pâle et des prêtres qui chantaient à pleine voix l’Ave Maris Stella, une foule nombreuse. Puis un très beau sermon patriotique fait par un prêtre, qui est mobilisé m’a-t-on dit, il a une très belle voix, on l’entendait parfaitement malgré le bruit de la mer et le murmure de la foule. Ensuite a eu lieu la bénédiction des barques qui étaient pavoisées et fleuries, mais il n’y en avait qu’une vingtaine. Le temps est superbe aujourd’hui et de la jetée on avait une vue ravissante sur tout le bassin.
Après la bénédiction, nous sommes restés un peu sur la jetée laissant les prêtres et la foule rentrer à l’église pour la messe solennelle, les enfants voulaient voir les barques, et j’ai entendu deux hommes qui causaient, l’un était âgé, l’autre semblait avoir 30 ans mais était en civil, ils avaient très fort l’accent de ce pays. Le vieux disait : « Cela fait plaisir de revoir notre bassin, hein petit, cela vaut mieux que les tranchées » - « Oui, disait l’autre, mais vous ne savez pas ce qui me change le plus, c’est de revoir des femmes. Là-haut où nous étions, nous sommes restés 3 mois sans voir personne d’autre que les copains ».
Nous sommes rentrés pour midi. J’avais demandé à la maîtresse de piano de reporter la leçon des enfants à l’après-midi. Ils y sont partis de suite après le déjeuner. Robert joue sur le balcon près de moi, Thérèse est retournée à Arcachon pour montrer Françoise à un docteur qu’elle n’a pas trouvé ce matin, car Françoise a de nouveau une éruption de gros boutons comme elle en a eu déjà l’an dernier dont Thérèse voudrait la débarrasser, car cela lui donne des nuits agitées.
J’ai bien aimé la lettre dans laquelle tu me disais que l’amour de la musique gardait parfois les jeunes gens d’un autre amour plus dangereux. Est-ce bien vrai ? Espérons-le. En tout cas il est bien évident que si un garçon aime à s’occuper chez lui, il est moins tenté de chercher des distractions au dehors. Quand on voit de braves petits enfants comme les nôtres on ne s’imagine pas facilement qu’ils deviendront des petits polissons avant d’être des hommes.
T’ai-je dit dans une lettre d’hier que Maman avait reçu de Georges des nouvelles ennuyeuses. On l’a changé de camp et celui dans lequel il est maintenant est très mauvais, baraques en planches, alimentation très mauvaise et pas moyen de se procurer aucune amélioration. Il fait des démarches pour retourner à Wahmbeck où il était à peu près bien. « Mais, rassurez-vous, dit-il enfin, s’il faut rester ici, je m’y ferai, l’habitude fait beaucoup ». Nous sommes bien ennuyées de le sentir si mal, le pauvre garçon.
Il vit dans l’espoir de pouvoir retourner à Wahmbeck.
26 mars - ELLE (Arcachon).- J’irai demain à Angoulême car j’ai reçu de Paul une aimable carte insistant pour que je vienne les voir. Il craint de ne pas obtenir de permission pour venir ici et, comme je ne l’ai pas vu depuis 3 ans passés, je ne voudrais pas être venue si près sans aller lui faire une petite visite. J’irai donc demain, Thérèse veut bien garder nos enfants pendant 2 jours. Je prends tellement l’habitude de ne pas bouger que ce voyage m’ennuie à l’avance, mais j’aurai quand même du plaisir à les revoir tous les trois. Maguy ne viendra ici que vers le 5 avril avec Jeangeo comme elle l’appelle.
Maman m’envoie la lettre de Georges Boucher qui a été transféré dans un autre camp où il est très mal. « Je me suis aperçu, pendant mon voyage de Wahmbeck à ici que j’ai été transféré ici du fait d’une fausse interprétation de texte. J’ai aussitôt déposé entre les mains du commandant une réclamation explicative et j’ai bon espoir d’en obtenir mon prochain transport pour Wahmbeck. Ne sont en effet visés par l’ordre que les anciens sous-officiers de carrière. Il y a lieu en attendant de prendre de nouvelles dispositions pour mes paquets hebdomadaires. Notez qu’il faut que je puisse me nourrir avec ce que vous m’enverrez. Abonnez-moi donc à recevoir de Suisse chaque semaine
Tu vois que le pauvre garçon n’a pas l’air trop gai et surtout qu’il vit dans l’espoir de pouvoir retourner à Wahmbeck. Pourvu qu’on le lui accorde, car il serait bien déçu.
Nous allons tous bien, mais voudrions plus de chaleur. Les bonnes et les enfants se promènent. Nous sommes restées Thérèse et moi avec Robert et Lili, l’un trop petit, l’autre que j’aime mieux garder au calme avec moi, il a le temps de s’exciter au jardin avec les autres au retour.
Tes jeunes lieutenants ne font-ils plus de photos ? A l’occasion, s’ils t’en donnent, pense à me les envoyer. Je voudrais bien voir votre installation nouvelle pour me rendre compte et te voir en pensée.
26 mars - Paul Cuny (Epinal) à Georges Cuny, son frère.- Je fais des vœux pour que tu conserves ta belle santé et que tu sortes indemne de cette terrible guerre. D’ailleurs tu as eu déjà ta bonne part. Souhaitons aussi la fin, mais une fin telle que notre pays soit pour longtemps à l’abri d’une pareille épreuve. Tout nous parvient si difficilement que je passe mon temps à me disputer avec mes fournisseurs. On manque de tout. J’ai du coton payé depuis deux mois non encore parti du Havre. Pour la houille c’est pire. On nous annule les marchés sous prétexte qu’on ne trouve pas de wagons. Enfin à Cheniménil qui emploie des caisses lourdes on manque absolument de caisses ou on a réquisitionné le plus grand nombre ! Que faire ? Arrêter ? Non je réserve les quelques restantes pour la trame, puis j’ai fait faire dans le mélange trois grands casiers, et on y jette toute la chaîne. La voilà en silos comme du blé tout simplement. Nous n’avons toujours pas notre directeur.
Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 26/03/1916 (N° 1318)
Pendant la bataille de la Meuse - Une charge à la baïonnette
L’envoyé spécial du ‘Petit Journal’ dans la région de Verdun rapportait l’autre jour l’impression unanime des blessés qu’il a vus, avec lesquels il a causé. Tous le déclarent, tous, même ceux qui ont assisté aux plus terribles rencontres de ces dix-huit mois de guerre : la bataille de la Meuse, disent-ils, est la plus formidable des batailles. Jamais, sur aussi peu d’espace, ne fut concentrée autant d’épouvante. Le canon, la mitrailleuse ont joué les rôles principaux dans ces terribles journées, mais la baïonnette, l’arme française, a fait aussi à maintes reprises sa belle besogne. Un officier a raconté qu’au bord d’un petit bois près de Vaux, des hommes s’impatientaient, dans la tranchée, de ne pouvoir lutter corps à corps avec l’ennemi. Ils le voyaient s’avancer en masses sombres, et ces ombres rampantes dans cette obscurité percée d’éclairs mystérieux les rendaient fous. Ils gémissaient de ne pas comprendre, de ne pas voir, d’être comme ligotés dans ce caveau de terre. « Tout à coup, raconte l’officier, sans même que je puisse les en empêcher par un ordre, ils sautent hors la tranchée. Dans la nuit les voilà tombant sur les Allemands à coups de baïonnette, en hurlant comme des fauves. Ils avaient toutes les chances, par une telle imprudence, de mourir jusqu’au dernier sous le feu des mitrailleuses allemandes. Le hasard les a bien servis. Ils ont pu revenir presque tous à l’abri après leur exploit d’une minute. Ils sont revenus calmés. Ils avaient enfin percé, au risque de mort, le mystère de la nuit, ce mystère peuplé de fantômes et d’affolantes lueurs, cette angoisse du champ de bataille qui donne le frisson aux plus braves. » C’est de cet incident glorieux et tragique de la grande bataille que notre gravure fixe le souvenir.
Les héros obscurs
Les héros obscurs ce sont les ambulanciers, les infirmiers, tous les soldats de l’hôpital et de l’ambulance. Nous célébrons dans notre « Variété » leur courage, leur abnégation, en faisant un rapide historique du service de santé aux armées. Ces jours derniers encore, un major revenant du front d’Artois contait l’histoire héroïque d’un ambulancier qui sauva dix de ses camarades ensevelis par une mine. Des traits de ce genre sont innombrables. Rendons hommage à ce héros : l’ambulancier du champ de bataille, que les marmites boches n’épargnent guère, et qui mérite sa place au livre d’or de la vaillance française.
Les instantanés de la guerre (photos)
Nos zouaves dans les dunes de Belgique
Nos poilus aménagent leurs tranchées
La relève des tranchées
Une chambrée à 3 mètres sous terre
Un poste de télégraphie optique
Installation d'un obusier de 58
Un poilu en tranchée de première ligne
Obus chargés sur les camions automobiles
Obus de gros calibre 270
Dans une tranchée de 1re ligne. Le ravitaillement en grenades
Les instantanés de la guerre (photos)
Une attaque de gaz par les Italiens
Enterrement d'un officier russe
Lancement du ballon observateur
L'aéronat va partir
Une passerelle sur la Moselle gardée militairement
Une buche en ski
Le nettoyage d'une tranchée
Dans une forge abandonnée, les faiseurs de bague font fondre l'aluminium
Monceau de douilles de 75 et caisses de munitions vides
La confection d'un piège à rats dans une tranchée de 1re ligne
Thèmes qui pourraient être développés
- Aviation - L'adjudant Navarre abat son septième avion boche
- Les Russes à Ispahan
- Les évacués
- Religion - Prières nationales
- Enseignement - Le concours d'admission à l'école de Saint Cyr
- Religion - Le chemin de Croix
- Arcachon - La bénédiction des barques
- Prisonnier - Changement de camps de prisonniers
- Arme - Pendant la bataille de la Meuse - Une charge à la baïonnette (LPJ Sup)
- Blessés - Du champ de bataille à l'ambulance (LPJ Sup)
- Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)
- Conseils pratiques - Courrier des lecteurs (LPJ Sup)
- Religion - Fête religieuse - Annonciation - 25 mars
- Religion - Fête religieuse - Oculi - IIIe dimanche de Carême
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