164e semaine de guerre - Lundi 17 septembre au dimanche 23 septembre 1917
LUNDI 17 SEPTEMBRE 1917 - SAINT LAMBERT - 1142e jour de la guerre
MARDI 18 SEPTEMBRE 1917 - SAINT JOSEPH DE CUPERTINO - 1143e jour de la guerre
MERCREDI 19 SEPTEMBRE 1917 - SAINT JANVIER - 1144e jour de la guerre
JEUDI 20 SEPTEMBRE 1917 - SAINT EUSTACHE - 1145e jour de la guerre
VENDREDI 21 SEPTEMBRE 1917 - SAINT MATTHIEU - 1146e jour de la guerre
SAMEDI 22 SEPTEMBRE 1917 - SAINT THOMAS DE VILLENEUVE - 1147e jour de la guerre
DIMANCHE 23 SEPTEMBRE 1917 - AUTOMNE - SAINT LIN - 1148e jour de la guerre
Revue de presse
- La république proclamée en Russie - Korniloff arrêté par Alexeieff
- Les majorités austro-hongroises
- L'Allemagne fait des excuses à la Suède
- Brillante avance anglaise à l'est d'Ypres - D'importantes positions ont été enlevées - Plus de 2,000 prisonniers
- M. Turmel inculpé de commerce avec l'ennemi
- L'effervescence contre l'Allemagne augmente à Buenos-Aires
- En Russie révolutionnaire
Morceaux choisis de la correspondance
18 septembre - F. Hamant (Les Ardennes), prêtre éducateur, à Mimi Cuny.- Je retrouve par hasard une dernière feuille du beau papier à lettre que Magui m’avait donné l’an dernier, et comme il est d’un format un peu plus ample ce papier sera pour vous, parce qu’il me permet de vous écrire un peu plus longuement.
En ce qui concerne mon petit envoi à votre frère, ce colis est parti de Périgueux seulement au commencement de 7bre. Il se compose de 12 boîtes de conserves : Lapin en gibelotte (2), Bœuf mode (2), Veau fricandeau tomates (2), Veau rôti petits pois (2), Galantine de dinde (1), saucisson aux haricots (1), saucisses aux choux (1), Pâté de foie (1). Je vous donne cette liste pour que Georges puisse vérifier si on ne lui a rien escamoté en cours de route. Sur les entrefaites j’ai appris qu’il y avait à la gare bâdoise de Bâle de très nombreux colis pour les prisonniers qui restaient en souffrance.
Les boches sont capables des méchancetés les plus infernales, comme de faire souffrir les prisonniers de bonne famille pour attendrir et briser la résistance des familles bourgeoises françaises ; car c’est dans cette classe de la population que se trouve, selon eux, l’âme de la résistance française. La femme de chambre qui s’occupe ici de mon petit domicile me raconte qu’elle a son mari prisonnier et que celui-ci, de son état garçon de café, reçoit régulièrement tous ses colis, tandis que, dit-il dans ses cartes, les officiers du même camp sont très à plaindre, ne recevant presque rien. Jamais nous n’arriverons à sonder tout le génie de férocité qui existe dans ce peuple. Je me souviens d’avoir lu jadis dans le livre de Bernhardi sur la guerre future à peu près ceci : c’est que pour briser le moral des Français, qui ont peu d’enfants, il faudra faire beaucoup de prisonniers, et parmi ces derniers faire un sort spécial à tous ceux dont la souffrance est particulièrement susceptible d’influencer l’opinion. « La France est l’otage que nous tiendrons sous le pressoir pour agir sur les autres. » Voilà les voisins que nous avons, et que nous garderons.
Je suis bien content que vous ayez trouvé un arrangement avec Marie Mathieu pour Dédé ; c’est une personne sérieuse, qui s’est fait beaucoup estimer dans la famille de la Villéon où elle est restée 6 ans. Evidemment l’analyse est indispensable, quoique assommante. Croyez-moi, chère Madame, ne parlez pas de ces ennuis à Dédé, il les trouvera bien tout seul ; dites-lui au contraire que c’est très intéressant, et surtout, surtout, soyez bien persuadée que vos enfants n’apprendront rien sans se donner du mal. L’étude est comme tous les devoirs d’ici bas une chose pénible et qui pèse. Soutenez le courage de vos enfants, ne compatissez jamais à l’effort qu’ils auront à produire tant que leur santé physique n’est pas en cause. Plus tard ils vous en aimeront davantage de leur avoir appris la grande et salutaire loi du travail et de la peine à se donner. Mais je m’attarde bien discrètement à vous donner des conseils ; c’est proprement enfoncer une porte que je sais déjà ouverte depuis toujours.
Nous en aurions certainement fini depuis longtemps sans la triste défaillance de la Russie.
18 septembre (suite) - F. Hamant (Les Ardennes), prêtre éducateur, à Mimi Cuny.- J’ai été très heureux du bonheur que vous avez eu de posséder pendant quelques jours votre cher mari. Ah ! la guerre est une dure épreuve pour les pauvres femmes si longtemps et si cruellement sevrées de l’amour de leurs hommes et abandonnées à elles-mêmes dans l’œuvre si pénible de l’éducation des enfants. Elle est dure aussi, et peut-être plus encore pour les pauvres hommes qui sont obligés de vivre sous la mort dans la solitude du cœur. Seuls des criminels ou des brutes peuvent souhaiter la prolongation de cette souffrance au-delà du strict nécessaire. Nous en aurions certainement fini depuis longtemps sans la triste défaillance de la Russie. Ces révolutionnaires voudraient bien nous lâcher, à n’importe quel prix, mais ils savent que dans ce cas la paix se fera sur leur dos, soit que les puissances occidentales et l’Amérique leur coupent le crédit et l’argent, soit que le Japon et la Chine, stylés par l’Amérique, les attaquent en Asie. Ils savent que leur faction est perdue si elle établit son pouvoir sur la ruine du pays, car tôt ou tard la réaction se produira et les traîtres seront punis. La nation se ressaisira un jour et se vengera cruellement de ceux qui l’auront précipitée dans l’abime. J’en arrive maintenant à tout craindre de ces gens-là, même une paix immédiate de lâcheté, et même une entente avec l’Allemagne pour la ravitailler, en alléguant comme prétexte la nécessité de remédier à la détresse économique par la reprise des exportations.
Mais je crois aussi que la détermination de l’Amérique a été renforcée par la défaillance russe, parce qu’une victoire de l’Allemagne en Occident comme en Orient serait aussi maintenant une catastrophe américaine. Le bruit court que vers novembre-décembre Wilson saisira le moment où les préparatifs américains seront suffisamment avancés pour lancer une nouvelle offre de paix avant de déclencher l’attaque à fond. A moins d’un succès considérable sur un autre front, qui lui relève le moral, l’Allemagne, à mon avis, ne voudra pas entrer en lutte à fond avec les Américains. Déjà depuis plusieurs mois il est visible qu’on négocie plus qu’on ne se bat.
Les boches ont, paraît-il, inventé de nouveaux gaz beaucoup plus dangereux et contre lesquels les masques en usage sont à peu près impuissants. Il faut s’attendre sans cesse à de nouvelles surprises de ce genre avec cette nation de chimistes.
Les boches ont, paraît-il, inventé de nouveaux gaz beaucoup plus dangereux et contre lesquels les masques en usage sont à peu près impuissants. Il faut s’attendre sans cesse à de nouvelles surprises de ce genre avec cette nation de chimistes.
Mais je m’aperçois que ma lettre s’allonge au-delà des bornes de la décence et que je vous prends indûment votre temps. Aussi je m’abstiendrai de vous dire quelque chose de moi, n’ayant d’ailleurs de ce côté rien qui puisse vous intéresser. Je n’ai plus qu’une dizaine de jours de classe dans ce château, qu’habitent des personnes agréables, mais où je me sens trop dans la situation d’un oiseau de passage. Il y a bien des petites choses qui me déplaisent et parfois me font souffrir, car, comme vous le savez, je sens très fortement des riens. Mes élèves sont d’intelligence moyenne, sans plus, l’aîné est nerveux à l’excès et assez prétentieux, le second est bébé et mou. Le père est maniaque, la mère très autoritaire ; elle m’a fourré dans un service comme on ferait à un employé de bureau dont la besogne est toute tracée, et ce service est réglé avec l’exactitude d’un chronomètre. J’aurais cru que mon âge, mon expérience et la dose de zèle et de dévouement que j’apporte toujours à tout ce que je veux bien faire m’eussent donné droit à un peu plus de crédit et d’initiative. Mais comme je ne suis ici qu’en passant, je ne veux pas m’en offusquer ; comme disent les poilus, « il ne faut pas s’en faire ». Le père de mes élèves possède à Issy une usine d’aviation dont il paraît se désintéresser complètement. La mère appartient à une grande famille d’armateurs du Hâvre, elle est la belle-sœur du député de l’endroit et d’un général. Il y a 6 enfants, dont le dernier, un garçon de 15 mois, est une « ravisotte » venue juste à point pendant la guerre pour procurer au père, officier de cavalerie et décoré, l’agrément d’être démobilisé. L’aînée est une jeune fille de 17 ans, intelligente, mais tout à fait infirme, marchant très péniblement, pouvant à peine faire usage de ses mains, et parlant avec une extrême difficulté. Elle n’a pas place à la table de famille, parce qu’elle est incapable de se servir toute seule. Il paraît que les parents ont voulu à toute force s’épouser sans attendre la convalescence complète du père, qui relevait d’une terrible diphtérie. Voilà le résultat de ce caprice d’amoureux.
J’envoie un bon baiser à vos mignons chéris. »
23 septembre - Marie Paul Cuny (Houlgate) à Mimi Cuny, sa belle-sœur.- Paul m’écrit que Georges est reparti, très courageux, comme toujours. Tu l’auras été également, j’en suis certaine, au moment de cette nouvelle séparation. Mais la force de caractère, l’acceptation du devoir n’empêchent point l’émotion et la tristesse du cœur ; permets que je dépose un très affectueux baiser sur tes jolis yeux encore humides. Les jours joyeux passent trop vite. C’est bien le sentiment des enfants, je pense, en voyant déjà finir les vacances. André acceptera très raisonnablement de reprendre le travail, l’intérêt que Noëlle apporte à ses études lui en facilitera la reprise, Robert, le cher lutin aura plus de peine à délaisser la vie de plein air pour s’absorber dans la lecture et les chiffres, mais il n’en aura que davantage de mérite.
Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 23/09/1917 (N° 1396)
Le général Muteau
On les appela les « gaillards de Muteau », ces soldats héroïques qui, le 15 décembre 1916, enlevèrent la côte du Poivre et le village de Vacherauville, devant lesquels le général Guillaumat au début de mars 1916 avait arrêté la progression ennemie. Et leur chef aussi est un « gaillard ».
Né le 30 juin 1854 à Chalon-sur-Saône, il entra à Saint-Cyr en 1873 et fut promu colonel le 12 octobre 1901. Il fut nommé général de brigade le 28 janvier 1906 et général de division le 20 décembre 1910.
Le 2 août 1914, il recevait le commandement d’une division d’infanterie et un mois après, le 4 septembre, à l’est de Montmirail, il était grièvement blessé par un éclat d’obus. Il fut cité à l’ordre de l’armée (O. du 29 octobre 1914) pour sa belle conduite en cette circonstance. Appelé le 19 décembre 1916 au commandement d’un corps d’armée, il a eu sous ses ordres les 11e et 1er corps. Une nouvelle citation à l’ordre de l’armée, du 29 janvier 1917, atteste que l’armée française a en lui un de ses chefs les plus brillants. En avril suivant, ayant atteint la limite d’âge, il est maintenu en activité.
La citation du 10 juillet 1917, qui accompagne sa promotion à la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur, n’est pas moins élogieuse que les précédentes : « N’a cessé, depuis le début des opérations, d’affirmer les plus belles qualités de commandement. Placé successivement à la tête d’une division, puis d’un corps d’armée, s’est montré partout un chef vigoureux et énergique, sachant inspirer à ses troupes, par son exemple et sa haute valeur morale, une confiance absolue. »
« Et si je te donnais la Légion d’honneur ? »
Ce sont de ces gestes et de ces mots qui faisaient, auprès des soldats, la popularité du « Petit Caporal ». Le général Pétain inspectait l’autre jour les chasseurs alpins de la 47e division et distribuait des récompenses bien méritées par ces soldats d’élite. Il arrive devant un sous-officier auquel il destinait la médaille militaire, et dont le ruban vert et rouge était constellé de cinq étoiles, plus une palme. « -- Qu’est-ce que tu as donc fait ? questionna le général. -- Bast ! répondit le sergent… comme les autres. -- Et si je te donnais la Légion d’honneur ? » Avant que le sous-officier fût revenu de sa surprise, le grand chef avait épinglé sur sa poitrine le ruban rouge avec la croix.
La scène n’est-elle pas admirable dans sa simplicité ? Et le dialogue également éloquent de la part du chef et de la part du soldat ?
Les instantanés de la guerre (photos)
Tir de nuit sur un vaisseau anglais
Le cuistot territorial
En Mésopotamie - Embarquement de mules
Quelques bonnes recommandations
Le dernier adieu au camarade
La saucisse va s'élever
Une position boche transformée en poste de secours
En Macédoine - Une batterie d'artillerie change de position
Le repos dans la tranchée
Camp de prisonniers bulgares
En Macédoine - Un convoi au repos
Brancardier transportant un blessé à travers un bois fauché par la mitraille
Thèmes qui pourraient être développés
- Russie - La république proclamée en Russie - Korniloff arrêté par Alexeieff
- Front - Brillante avance anglaise à l'est d'Ypres - D'importantes positions ont été enlevées - Plus de 2,000 prisonniers
- Procès - M. Turmel inculpé de commerce avec l'ennemi
- Prisonnier - Les soldats reçoivent tous leurs colis mais pas les officiers
- Mobilisation - Les pères de 6 enfants sont démobilisés
- Enfant anormal suite à une diphtérie terrible du père
- Le général Muteau, grand-croix de la Légion d'honneur (Portrait dans LPJ Sup)
- Allemagne - L'ivresse rituelle (LPJ Sup)
- Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)
- Conseils pratiques - Comment traiter un blessé aveugle (LPJ Sup)
A découvrir aussi
- 128e semaine de guerre - Lundi 8 janvier au dimanche 14 janvier 1917
- 144e semaine de guerre - Lundi 30 avril au dimanche 6 mai 1917
- 147e semaine de guerre - Lundi 21 mai au dimanche 27 mai 1917
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 392 autres membres