14-18Hebdo

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130e semaine de guerre - Lundi 22 janvier au dimanche 28 janvier 1917

 

LUNDI 22 JANVIER 1917 - SAINT VINCENT - 904e jour de la guerre

MARDI 23 JANVIER 1917 - SAINT RAYMOND DE PENNAFORT - 905e jour de la guerre

MERCREDI 24 JANVIER 1917 - SAINT THIMOTHEE - 906e jour de la guerre

JEUDI 25 JANVIER 1917 - CONVERSION DE SAINT PAUL - 907e jour de la guerre

VENDREDI 26 JANVIER 1917 - SAINT POLYCARPE - 908e jour de la guerre

SAMEDI 27 JANVIER 1917 - SAINT JEAN CHRYSOSTOME - 909e jour de la guerre

DIMANCHE 28 JANVIER 1917 - SAINT CHARLEMAGNE - 910e jour de la guerre

Revue de presse

-       Déclaration du Tsar - Nicolas II affirme solennellement sa volonté de lutter jusqu'au bout, d'organiser la victoire et de collaborer avec les représentants élus de la nation

-       La victoire italienne en Tripolitaine est complète

-       Comment le président Wilson conçoit la paix - Une paix sans victoire garantie par l’humanité entière :

-       Libre accès vers la mer.

-       Droit des peuples de disposer d’eux-mêmes.

-       La Pologne unifiée et indépendante.

-       Suppression des alliances entre les nations

-       Les troupes britanniques repoussent des attaques et font des prisonniers

-       La guerre sous-marine et les Etats-Unis

-       La crise alimentaire s'aggrave en Allemagne

-       La crise du charbon

-       Deux engagements dans la mer du Nord - Un contre-torpilleur allemand a coulé

-       L'Allemagne accorde la Dobroudja aux Bulgares

-       Activité de l'artillerie et de l'aviation sur le front britannique

-       A l'Académie française - Réception de M. de la Gorce

-       Le message du président Wilson - Déclarations du comte Tisza et de M. Bonar Law

-       La limitation des plats dans les restaurants - Un arrêté de M. Herriot

-       La langue allemande imposée officiellement à la Bohème

-       Le 28e avion de Guynemer - Le 19e de Heurteaux

-       Grave accident de chemin de fer en gare de Châteauneuf-sur-Cher - Dix morts - Quarante blessés

-       Le Japon et la guerre - Un discours de M. Motono - L'alliance avec l'Angleterre - L'accord avec la Russie - Une atmosphère indésirable entre le Japon et la Chine

-       Succès britannique sur le front de la Somme

 

Morceaux choisis de la correspondance

22 janvier - ELLE.- Tu ne te douterais pas de la course que nous avons faite aujourd’hui, Maman et moi. Depuis longtemps, Maman voulait aller à Baccarat voir les Michaut et toujours nous avions eu des empêchements, aussi quand j’ai vu nos projets de départ pour Chamonix retardés par le rhume de Robert, j’ai offert à Maman d’y aller. Il faisait très beau, un peu froid, les routes assez glacées et dérapantes par places, mais néanmoins une jolie course. Je n’étais pas passée par cette route depuis septembre 1914, de suite après le départ des Allemands où tout était bouleversé, trous d’obus dans la route, arbres fauchés, odeur cadavérique en traversant le bois, cadavres de chevaux, équipements épars. Tandis que cette fois, tout était bien en ordre, à une dizaine de places des cimetières de soldats avec la petite cocarde tricolore sur le haut de la croix. D’ici à Baccarat, pas un poste pour nous arrêter, juste devant la porte des Michaut des gendarmes qui ont regardé très attentivement notre laissez-passer, car le général loge chez eux et les bureaux de la division sont à la Cristallerie.

 

Monsieur et Madame Michaut très aimables. Mr nous a raconté le séjour des Allemands, il a été pris comme otage à plusieurs reprises, et une certaine après-midi on l’a prévenu qu’il serait fusillé le lendemain, le maire et le curé étaient partis, c’était sur lui que tout retombait.

 

Tu devines un peu pourquoi Maman désirait faire cette visite, les Michaut ont une fille de 19 ans et Maman voulait la voir en pensant à Monsieur son fils. Mais il se trouve que cette jeune fille est un vrai glaçon, genre Marie Grandjean. Sa mère elle-même s’en émeut car elle nous a parlé de cette timidité invincible. J’ai essayé de lui parler des Allemands, de ses petits neveux (son frère tué en août 1914 a laissé 5 petits enfants), de leur beau jardin, de peinture, musique, mais rien ne sortait, elle ne répondait que par monosyllabes. La seconde paraît mieux, mais elle n’a que 17 ans, c’est un peu jeune pour Georges qui en a 31. C’est dommage car ils ont un genre de vie qui nous conviendrait, très simple, avec des idées très sérieuses sur toutes choses. Ils n’ont pas compris qu’Edouard n’aille pas habiter Châtel. Mr Henri Michaut avait, paraît-il, la même idée, mais ce sont les Vautrin qui ne voulaient pas. D’après Mr Michaut, Edouard avait dit à sa dernière permission, qu’après la guerre, il quitterait Nancy pour Châtel. J’ai pensé à toi lorsqu’il disait qu’on ne peut pas diriger une affaire de loin, qu’il faut au patron le contact avec les ouvriers. Je me disais que vous vous entendriez bien. Mais que dirait Paul Cuny.

 

En repartant nous nous sommes arrêtées à Rambervillers chez Lucette qui est bien contente de sentir André à Lure. On dit que le 20e corps est parti du côté de Compiègne. C’est Foch qui est à Mirecourt pour commander le groupe d’armées de l’Est.

 

Robert va mieux, il tousse beaucoup moins.

 

22 janvier - LUI.- Nous sommes arrivés ici un peu au sud dans un village hier matin et avons la chance d’y rester jusqu’à après-demain matin, où nous allons encore un peu plus au sud avant de reprendre un secteur. Je remplace le Ct qui part en permission à partir d’aujourd’hui de sorte que j’ai un excellent lit et que pendant tous ces déplacements je vais être très bien.

 

Donne-moi bien vite des nouvelles. Il est certain que nous allons changer de secteur postal. Je t’écrirai le nouveau numéro le plus tôt possible dès que je le connaîtrai.

 

Parmi mes lettres de Nouvel An, lettre d’oncle Alphonse qui dit que Victor est maintenant en campagne mais qu’ils sont toujours privés de nouvelles certaines d’Alfred.

 

J’attends avec impatience de tes nouvelles et t’embrasse de tout cœur avec nos bons chéris.

 

24 janvier - ELLE.- Je reçois enfin ta première lettre datée du 19 et suis navrée de voir tous les ennuis que t’a donnés ton voyage de retour. C’est payer cher quelques jours de joie et de confort, mon pauvre chéri. Je vois aussi que mon Gi a su remettre à la raison son beau-frère, qui s’était lancé en aveugle sur une belle idée. C’était à toi qu’il pensait remettre toutes ces questions de mise sur pied, de recherches de terrains, main d’œuvre et matériel, aussi ne t’étonne pas qu’il n’ait rien prévu et arrêté. En tout cas, j’ai confiance en mon mari aimé et ce qu’il décide est bien fait. Paul avait envoyé un petit mot à Maman lui disant qu’il avait eu le plaisir de te faire changer ton refus en une demi-acceptation, ce qui m’étonnait beaucoup de toi car je te connais assez pour savoir que tu ne changes pas d’avis en une heure. D’ailleurs Paul ajoutait qu’il avait recueilli à Paris tant de bruits de paix prochaine qu’il se montrerait circonspect avant d’entreprendre une nouvelle affaire.

 

Robert tousse moins, mais il ne peut encore être question d’entreprendre un voyage aussi long et surtout par un froid aussi violent et avec des trains peu directs et aussi peu réguliers comme heures d’arrivée. D’ailleurs, je serai fatiguée à la fin de cette semaine, j’attendrai donc en tout cas que cette période soit passée. André travaille mieux et il est plus sage depuis que tu es venu, Mlle Ferney en est très contente cette semaine, il n’est plus en lutte ouverte contre elle et il met plus de docilité.

 

Je pense bien à toi par cette température, avez-vous des moyens de chauffage dans votre nouvelle position, n’es-tu pas gelé la nuit ?

 

Il va déjà y avoir huit jours que tu es reparti, mon Gi chéri que j’aime tant. Ta Mi.

 

24 janvier - LUI.- J’ai reçu hier malgré nos déplacements ta bonne lettre de samedi. J’espère bien que ton rhume est passé et qu’en tout cas tu ne te mettras pas en route avant d’être complètement rétablie, toi et Robert. J’ai même pensé à toi ces jours-ci. Nous faisons toujours mouvement mais tu comprends bien qu’actuellement plus que jamais je ne peux te mettre au courant. Il fait en tout cas un froid de loup et toutes les routes qui sont parcourues par de longs convois sont complètement gelées. Nos chevaux glissent, des voitures restent en panne, mais enfin grâce à la bonne volonté de tous nous n’en perdons pas ce qui est déjà quelque chose. Je me dis que si tu voyages ces jours-ci et surtout du côté de Chamonix, tu dois être complètement gelée et j’ai peur que ce voyage actuellement ne vous fatigue. Au fait as-tu reçu une réponse du docteur ? Tu ne m’en parles pas. Tu ne partiras certainement pas avant de savoir ce qu’il pense de Chamonix.

 

Je suis ce soir très bien installé dans une chambre bien confortable où il y a l’électricité. La maîtresse de maison m’a fait faire un bon feu de cheminée de sorte qu’il va faire très bon. Les Prussiens sont passés par ici lors de la bataille de la Marne et ont même laissé des traces de leur passage. Deux peintures accrochées au mur représentant je présume des parents de mes hôtes ont été trouées par des balles de revolver. On conserve d’eux ici un souvenir exécrable et, comme on n’a pas toujours des troupes à loger, les habitants nous reçoivent très bien.

 

J’ai rencontré dans mes pérégrinations yrreiht-uaetahc, qui va très bien. Le brave homme pense toujours à son Maroc. Où est le temps où nous le voyions là-bas.

 

Ma petite Mie chérie, je pense bien à toi et voudrais bien revivre les heureux jours de la semaine dernière. Demain nous filons un peu plus au sud et y resterons dit-on jusqu’à la fin du mois.

 

Notre nouveau secteur postal est 165. Prends-en note.

 

25 janvier - ELLE.- Le froid m’ennuie bien en pensant à toi qui dois en souffrir, surtout au cours d’une nouvelle installation

 

Nous avons eu hier Thérèse à déjeuner avec ses enfants, mais elle est restée à peine, car elle est partie dès une heure ½ pour aller à Bruyères saluer sa belle-sœur et la famille Kempf, installée là depuis le bombardement de St Dié. Monsieur Kempf est mort, on l’enterre demain, Maman et Thérèse iront à l’enterrement à Bruyères.

 

Marie Krantz est venue goûter et vers cinq heures André Bertin est arrivé et nous a fait une très longue visite qui nous a fait bien plaisir. Il est vraiment gentil et aimable. Ils ont un chef de bataillon qui est joliment aimable pour eux. Il avait donné deux jours à André pour venir voir ses parents. Paul Boucher est retourné aussi un jour à Gérardmer. Cela fait un bon petit intermède dans la guerre ces repos au camp d’Arches.

 

Si j’avais su que Paul L.J. ne fasse pas son affaire, je n’aurais pas vendu mes Gafsa, il y en a déjà 20 qui sont vendues à 850 frs. Il y a à peu près deux francs de frais par action. Je les avais achetées à 681, cela nous fait un petit bénéfice tout de même, au fond, j’ai peut-être bien fait. Je vais faire virer cet argent chez les Héritiers, n’est-ce pas, tu aimes mieux que de le remettre à la Filature de la Vologne jusqu’au 30 juin, quoique d’ici là nous n’en aurons sans doute pas besoin.

 

J’ai reçu une aimable carte du docteur Gaillemin qui nous fait ses vœux. Il paraît que leur bonne Louise Gstelder est rentrée à l’usine, elle ne gagnait pas assez chez eux pour elle et sa petite fille. D’après les bonnes de Thérèse, on gagne bien à Cornimont, on a augmenté les tarifs.

 

25 janvier - René Boissarie (La Rochelle) à Georges Cuny.- J’ai hâte de voir s’envoler l’année 1916 et s’effacer tout son souvenir, car, ainsi que vous le savez, j’y ai éprouvé de cruelles émotions. Appelé en toute hâte par une dépêche alarmante auprès de Madame Boissarie, j’obtiens une permission de 4 jours, j’arrive, et les médecins me déclarent que, pour enrayer des crises aigües de neurasthénie, il faut des voyages, de la distraction, ma présence. Et c’est en cet état que j’ai dû rejoindre cependant mon poste, et vous devinez dans quelles conditions je me trouvais pour exercer mon commandement. Et je suis resté ainsi pendant près de 2 mois, bouleversé, surexcité, perdant peu à peu le sommeil, et en même temps chargé d’un service plus pénible avec un personnel plus réduit. Finalement j’ai été évacué pour fatigue générale et dépression nerveuse. Et je dois reconnaître que, dans ces circonstances, j’ai trouvé dans un commandant de secteur, aussi remarquable que bienveillant, l’appui le plus sympathique et le plus utile. Quelle réconfortante impression on garde d’un semblable chef !

 

La Faculté s’est aussi montrée parfaite et, grâce au congé de convalescence que j’ai obtenu, j’ai pu me rétablir, et surtout enrayer le mal qui menaçait la santé de ma femme. Elle est actuellement aussi bien que possible, mais sa sensibilité endolorie redoute encore les grandes émotions et les grandes fatigues. Et me voici à mon dépôt, on vient de me confier la fonction de major de la garnison : c’est assez varié, mais combien l’on regrette la vie du front, la haute sensation que l’on est mêlé au grand drame, l’odeur de la poudre, et toutes ces vives discussions qui, malgré critiques ou contradictions, étaient animées du grand souffle de la bataille ! Que de fois je songe à Vauxbuin, et en particulier aux si bienveillantes leçons que vous avez bien voulu me donner ! Optimiste impénitent, je crois toujours aux solutions de courte durée : il me semble qu’après le grand choc qui va se produire, l’intervention Wilson devra produire ses effets. Mais j’ai perdu tant de paris ! Et cependant la guerre aura bien une fin, et nous reprendrons avec le chemin du logis et la douce vie familiale. Je vous rappelle que vous avez des intérêts à Angoulême, que Périgueux est à une courte distance, et que vous m’avez promis de vous y arrêter. Je sais combien votre parole est sûre, et j’emporte l’espoir d’une prochaine réalisation. Veuillez agréer, mon cher camarade et ami, mes meilleurs vœux pour vous et les vôtres.

 

L’impression de paix prochaine rapportée de Paris lui fait penser qu’il n’arriverait plus à temps, et qu’il recule devant une aussi importante affaire.

26 janvier - ELLE.- Je crois que tes objections ont fait changer Paul L.J. dans ses projets. Il nous écrit que l’impression de paix prochaine rapportée de Paris lui fait penser qu’il n’arriverait plus à temps, et qu’il recule devant une aussi importante affaire, mais je crois que c’est toi surtout qui as dû lui donner à réfléchir.

 

Tu sais que je renonce à aller à Chamonix, un officier vient de nous dire qu’il y fait très froid. Ce n’est pas comme en Suisse où on trouve des installations ensoleillées à flanc de coteau, là c’est au fond d’une vallée très fraîche, c’est parfait pour les sportifs, ceux qui y font du traîneau, du ski, de la luge, mais pour Robert et moi qui y allions pour y faire une cure d’air et de soleil, ce n’est pas ce que nous voulons. En ce moment nous avons un froid sec ici et du soleil, dès que Robert ne toussera plus, je l’installerai sur une chaise longue avec de bonnes couvertures pour qu’il prenne l’air sans se refroidir et à l’abri du vent du nord, et j’irai plus tard peut-être un peu dans le Midi au moment du dégel quand nous avons de l’humidité. Marie Paul ira à Cannes vers le 20 février, j’irais peut-être l’y retrouver.

 

Nos Gafsa sont vendues, les 20 premières à 850, les 5 dernières à 855, cela nous fait 4 000 francs de gain. Tu vois, Monsieur mon mari, toi qui te moquais de ta petite femme et de sa gestion. Il est vrai que mes roubles sont rudement en déficit en ce moment. Je ne les ai encore jamais vus si bas, je ne puis donc me vanter de mon opération.

 

André vient de partir pour servir la messe à un enterrement, il fait bien froid, mais il avait l’air si content quand le grand garçon est venu le chercher, il rattrapera sa classe à onze heures, il ne lui a pas fallu longtemps pour enfiler son pardessus, je t’assure. Il est bien plus sage depuis ta venue, tes recommandations lui ont fait beaucoup d’effet.

 

As-tu dit au commandant qu’on avait voulu te sortir du front pour diriger une usine et qu’a-t-il répondu ? A-t-il dit que tu as eu raison ? Et va-t-il te proposer ? Je suis contente que tu sois bien installé au moins pendant que tu le remplaces car il fait si froid ces jours-ci, le service doit être pénible. Tes gros souliers ne te font-ils pas mal avec tes bottes ordinaires ? Si tu es bien avec, ce sera déjà une bonne chose d’avoir les pieds bien au sec.

 

26 janvier - LUI.- Avec tous ces déplacements je n’ai pas souvent de tes nouvelles. J’ai bien reçu quand même la lettre que tu m’avais écrite samedi dernier, lettre si bonne, si affectueuse que j’en ai été très ému. Sois tranquille, ma Mie, je t’aime trop pour mépriser bêtement le danger et tout en faisant mon devoir je ferai tout mon possible pour ne rien risquer. D’ailleurs je crois que tu ne peux pas te plaindre de moi à cet égard car depuis deux ans j’ai été bien raisonnable. Aie donc tout à fait confiance et ne te fais aucun souci.

 

Comme je te le disais dans ma dernière lettre, nous sommes descendus un peu plus au sud et d’après toutes les prévisions nous resterons ici quelque temps puisqu’on nous demande pour la semaine prochaine un emploi du temps. Nous allons donc faire manœuvrer nos hommes. Il est évident qu’ils ne peuvent pas rester à rien faire si nous devons séjourner ici quelque temps. Nous sommes bien installés. J’ai un bon lit. Je t’ai dit que je remplaçais le commandant pendant sa permission et évidemment je suis toujours bien logé. De plus ici nous avons trouvé du bois et pouvons nous chauffer. Mais je t’assure que nous avons eu bien froid depuis notre départ du front. Heureusement il y a en somme fort peu de malades, quelques grippes peu graves. Moi je vais très bien.

 

Es-tu maintenant partie pour Chamonix ? Je t’écris toujours à Docelles. N’oublie pas de m’envoyer ta nouvelle adresse afin que tu reçoives plus vite de mes nouvelles. J’ai rencontré hier tout à fait par hasard eirb-ne-édnoc, qui va très bien et te fait mille amitiés.

 

A l’usine du Daval, d’après Prosper Voirin, ils marchent avec 620 métiers, tissent beaucoup de renforcés et cretonnes. Leurs tissus rentrent dans d’assez bonnes conditions : quantité et qualité. Bien que n’ayant que peu d’anciens contremaîtres et beaucoup d’autres par occasion, le matériel en souffre quelque peu, mais leurs résultats sont encore assez bons. Monsieur Curien s’affaiblit beaucoup ces temps derniers, son activité de jadis va en diminuant de jour en jour.

 

Bonnes amitiés à Maman et à Thérèse si tu n’es pas encore partie. Je t’aime ma Mie et t’embrasse de tout cœur avec nos bons enfants chéris. J’espère qu’ils sont sages et qu’ils travaillent bien pour faire plaisir à leur papa. Ton Geogi. Mon nouveau secteur postal est 165.

 

27 janvier - ELLE.- Robert va mieux, il ne tousse presque plus, je ne l’ai pas entendu cette nuit. Depuis hier, je l’installe de 1 heure à 4 dans le petit coin du fumoir avec une fenêtre ouverte du côté du soleil, il est bien abrité du vent d’est si froid qui souffle avec rage. Grâce à cette combinaison, il peut prendre l’air sans se refroidir, ce qu’il ne pourrait pas faire en sortant.

 

Les trains ont encore énormément de retard, voilà deux jours que le courrier de Paris ne nous arrive pas. Aussi j’attendrai une accalmie dans la température comme dans les mouvements de troupes pour me mettre en route. Il y aurait de quoi attraper la mort en séjournant sur des quais de gare par ce froid.

 

Je pense bien aux pauvres soldats obligés de garder la tranchée en ce moment et à toi, mon Geogi, où es-tu, dis-le moi bien vite dès que tu seras arrivé. Je t’ai écrit tous les jours depuis ton départ, mais je crains qu’avec tes changements de positions tu ne reçoives pas mes lettres et sois privé de nouvelles.

 

Nous avons eu hier la visite du capitaine Dupuis, officier de cavalerie que nous avons logé 3 semaines en été. Il est en ce moment à Lépanges et croit revenir ici la semaine prochaine, il est très aimable et gai et cela nous fera plaisir de le revoir. C’est lui qui envoyait à Noëlle des gâteaux faits par son cuisinier, ayant appris qu’elle était gourmande. A ce moment, il avait avec lui des camarades nobles et chics qui étaient aussi très aimables, mais il paraît qu’ils sont passés dans l’infanterie et l’artillerie.

 

Maurice a quitté Verdun, mais Thérèse ne sait pas encore où il est.

 

28 janvier - ELLE.- Je suis contente de te sentir en ce moment un peu à l’abri et regrette seulement ce froid trop violent qui rend désagréables les promenades et la circulation sur route. Et puis tu n’es peut-être guère bien équipé, tu n’as plus de passe-montagne et c’est pourtant bien commode pour couvrir les oreilles et la bouche.

 

J’ai enfin reçu la lettre du docteur au sujet de Chamonix, il ne m’interdit pas le voyage mais m’avertit que le séjour à Chamonix l’hiver est très congestionnant et que je prenne bien régulièrement ma température et celle de Robert. Si elle ne monte pas, c’est que nous supportons le climat, si elle monte, c’est qu’il ne faut pas y rester. Mais la question est réglée, Maman nous a empêchés de partir par ce froid et elle est enchantée de voir que tu as eu la même idée et que tu nous conseilles dans ta dernière lettre de surseoir au départ. Après il ne sera plus temps d’aller dans les montagnes et il vaudra mieux aller comme je te le disais dans une lettre précédente un peu dans le Midi quand nous retomberons dans l’humidité.

 

J’espère, mon bon chéri, qu’en ce moment où vous êtes dans des endroits civilisés et abrité dans des maisons habitées, que vous vous donnez la peine d’enfiler vos gants et de faire une visite à la maîtresse de maison. Cela fait plaisir quand on loge quelqu’un de savoir qu’on a affaire à un homme bien élevé. Je me permets de te le répéter car je te connais peu visitant.

 

On a bien du mal à l’usine à cause de la gelée, il faut des équipes d’hommes au grillage et, malgré cela ou peut-être parce qu’ils s’étaient arrêtés trop longtemps à un moment donné, la turbine a calé hier soir, on a eu bien du mal de la dégeler.

 

Bonnes tendresses. Mimi. Reçu à l’instant ta lettre du 24.

 

28 janvier - LUI.- J’ai reçu ta bonne lettre du 21 avec celle de Noëlle. Tu trouveras ci-joint la petite lettre que je lui destine. C’est la gourmandise qui la pousse et non pas le vol, donc rien à craindre mais comme tu le dis il faut tâcher de guérir cette manie. Je suis ennuyé que mon petit Robert soit encore souffrant. Certainement vous n’avez pas pu partir lundi dernier car il faut attendre qu’il soit complètement guéri avant d’entreprendre un voyage aussi long et aussi fatigant. D’ailleurs il doit faire bien bon à Docelles si vous avez le même beau soleil qu’ici, mais il fait terriblement froid.

 

Je partirai très probablement cette après-midi en reconnaissance. Je crois que je vais retourner du côté où nous étions avant de venir ici. On prétend que la reconnaissance va durer huit jours. Donc si le Ct revient dans l’intervalle, je reviendrai encore ici. Au fond je suis bien content de retourner là-bas car, tout au moins les premiers jours, cela va être intéressant. Malheureusement mes lettres vont encore courir après moi et je n’aurai pas de nouvelles de ma Mie chérie et de nos chéris. J’emporte un peu de papier à lettres pour pouvoir t’écrire régulièrement mais, comme je ne sais pas exactement ce que nous ferons, ne t’étonne pas si tu ne reçois pas autant de lettres.

 

Tu as dû certainement recevoir la lettre que je t’écrivais à mon retour et où je te racontais mon entrevue avec Paul. Vraiment ma Mie, du moment que tu ne m’as pas convaincu, tu penses bien que ce n’est pas Paul qui me convaincra. Et puis je t’ai dit mon opinion sur son affaire, qui peut être très bonne, mais, ce qui m’étonne, c’est que l’Etat ne veuille rien y mettre et que je serais obligé de risquer 3 millions sans avoir aucune donnée précise sur l’affaire.

 

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 28/01/1917 (N° 1362)

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L’amiral sir David Beatty - Commandant en chef la flotte anglaise

L’amiral David Beatty est né en 1871 ; il n’a donc que quarante-cinq ans. Fils d’un capitaine des Hussards de la Reine, il reçut une solide instruction et fut élevé énergiquement. A l’âge de trois ans, il apprit à nager. Mais il ne se sentit aucun goût pour suivre la voie tracée par son père, il était attiré par la mer et à treize ans (1884), il entra comme cadet dans la marine. Six ans plus tard, il était promu sous-lieutenant, et en 1892, lieutenant. Il se distingua, dans ce grade, au cours de l’expédition de lord Kitchener contre les Mahdistes et commanda la flottille de canonnières qui réussit à remonter les cataractes du Nil et détruisit les batteries des Derviches. En 1900, il prit une part glorieuse à la guerre contre les Boxers. Nommé capitaine, aide de camp du roi, il fut promu contre-amiral en 1911.

 

On sait qu’il a, dans la présente guerre, joué un rôle prépondérant, dans les trois batailles navales qui ont assuré la suprématie de la flotte britannique en empêchant la flotte allemande de rompre le blocus. Dans la bataille du 28 août 1914 devant Heligoland, sir David Beatty engagea résolument ses croiseurs de bataille dans des eaux semées de mines et parcourues par des sous-marins, et au bout de deux heures, ayant détruit le ‘Mainz’, ‘l’Ariadne’ et le ‘Koeln’, il ramena sa flotte sans avoir perdu une seule unité. Lors de la bataille du 24 janvier 1915, au large de Dogger-Bank, il donna une chasse remarquable aux forces allemandes, qui avaient quatorze milles d’avance sur lui ; mais l’amiral se trouvant à bord du ‘Lion’, qui avait été touché à l‘avant et avait ralenti son allure, il dut embarquer à bord de ‘l’Attack’ pour rejoindre ses croiseurs de bataille lancés à la poursuite des navires allemands. Quand il les atteignit, il apprit que sir Archibald Moore, qui commandait pendant sa courte absence, avait donné l’ordre à son escadre de rompre le combat. On connaît le rôle personnel de sir David Beatty à la bataille du Jutland, où par une manœuvre des plus hardies, il coupa diagonalement la tête de la ligne ennemie, l’obligeant à appuyer au nord-est, alors que la flotte des cuirassés anglais arrivait à toute vitesse.

 

L’amiral Beatty, dit un de ses biographes, a une volonté de fer, des muscles d’acier, une âme de héros. Il aura, par ses services dans cette guerre, marqué sa place à côté des grands marins à qui l’Angleterre a dû sa gloire, ses richesses et sa puissance.

 

 

   

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Le front de Soissons - Vue panoramique

Poursuivant la série de nos grands plans en couleurs, si appréciés de nos lecteurs, nous donnons aujourd’hui la vue panoramique du front de Soissons. De Vic-sur-Aisne à Soupir, que de noms de villages, de bois, de fermes, désormais célèbres et que l’héroïsme de nos soldats illustrera encore, jusqu’au jour, prochain espérons-le, où tout ce riant pays du Soissonnais sera complètement arraché à l’étreinte de l’ennemi.

 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Bras-sur-Meuse - Au fond la côte du Poivre

Dans la Somme - Les abords du village de Bonent

Transport d'un blessé en brouette

Ravin de Bras-Louvemont (Côte du Poivre)

La côte du Poivre

Officiers roumains observant le tir de l'artillerie

Tommy montre sa médaille à sa baby

La famine au Cameroun allemand - Distribution de vivres par nos troupes

En Roumanie - Incendie d'un puits de pétrole

Camp russe à Salonique - Les cuisines roulantes

Bombardier décorant son petit Fox pour ses exploits contre les rats

Sur le front de Macédoine. Prisonnier bulgare rasant un soldat serbe

 

 

Thèmes qui pourraient être développés

  • Russie - Déclaration du tsar - Nicolas II affirme solennellement sa volonté de lutter jusqu'au bout, d'organiser la victoire et de collaborer avec les représentants élus de la nation
  • Paix - Comment le président Wilson conçoit la paix - Une paix sans victoire garantie par l’humanité entière : Libre accès vers la mer/ Droit des peuples de disposer d’eux-mêmes/ La Pologne unifiée et indépendante/ Suppression des alliances entre les nations
  • Dobroudja - L'Allemagne accorde la Dobroudja aux Bulgares
  • A l'Académie française - Réception de M. de la Gorce
  • Rationnement - La limitation des plats dans les restaurants - Un arrêté de M. Herriot
  • Bohème - La langue allemande imposée officiellement à la Bohème
  • Aviation - Le 28e avion de Guynemer - Le 19e de Heurteaux
  • Le Japon et la guerre - Un discours de M. Motono - L'alliance avec l'Angleterre - L'accord avec la Russie - Une atmosphère indésirable entre le Japon et la Chine
  • La Somme - Succès britannique sur le front de la Somme
  • Industrie - Cristallerie de Baccarat
  • Loisirs - Chamonix en hiver
  • L'amiral Sir David Beatty, commandant en chef de la flotte anglaise (Portrait dans LPJ Sup)
  • L'impôt sur le tabac (LPJ Sup)
  • Soissons - Le front de Soissons (LPJ Sup)
  • Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)
  • Conseils pratiques - Utilité sur terre (LPJ Sup)
  • Religion - Fête religieuse - Conversion de Saint Paul - 25 janvier


20/01/2017
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