14-18Hebdo

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106e semaine de guerre - Lundi 7 août au dimanche 13 août 1916

 

LUNDI 7 AOUT 1916 - SAINT GAETAN - 736e jour de la guerre

MARDI 8 AOUT 1916 - SAINT CYRIAQUE - 737e jour de la guerre

MERCREDI 9 AOUT 1916 - BIENHEUREUX JEAN-MARIE VIANNEY - 738e jour de la guerre

JEUDI 10 AOUT 1916 - SAINT LAURENT - 739e jour de la guerre

VENDREDI 11 AOUT 1916 - SAINT TIBURCE - 740e jour de la guerre

SAMEDI 12 AOUT 1916 - SAINTE CLAIRE D’ASSISE - 741e jour de la guerre

DIMANCHE 13 AOUT 1916 - SAINT JEAN BERCHMANS - 742e jour de la guerre

Revue de presse

-       Les succès russes se développent au nord et au sud de Brody

-       La convention russo-japonaise fêtée à Tokyo

-       Victorieuse offensive italienne sur l'Isonzo - Plusieurs positions importantes enlevées dans le secteur de Monfalcone - 3,600 prisonniers

-       L'ouvrage de Thiaumont perdu et repris

-       Bombes sur Nancy - Cinq blessés - Un appareil boche abattu

-       L'indignation en Suède contre les derniers torpillages

-       Intense lutte d'artillerie au nord de Verdun - Nous tenons les abords de Thiaumont

-       Les Italiens à Gorizia, les Russes à Tysnienitza

-       Nouveau raid de zeppelins sur l'Angleterre

-       Afrique orientale - Les dernières forces allemandes chassées par les Belges

-       Canonnade active au nord de la Somme et de Verdun

-       Prise de Stanislau - Les Russes culbutent l'ennemi sur la rive droite du Sereth et au confluent de la Zlota-Lipa

-       En Egypte contre-attaques turques repoussées

-       Brillants succès au nord de la Somme - Nos troupes dans un élan magnifique s'emparent de toutes les tranchées et ouvrages allemands sur un front de 6 kilomètres et une profondeur de 600 à 1000 mètres

-       Les bombes autrichiennes à Venise - Sainte-Marie de Formose détruite

 

Morceaux choisis de la correspondance

7 août - LUI.- J’ai reçu tes deux bonnes lettres du 3 et du 4. Je vois que j’ai eu tort et que tu n’as pas perdu ta bonne habitude de m’écrire tous les jours. La prochaine fois, je m’en prendrai à la poste dont le service est parfois irrégulier.

 

Pour l’institutrice, puisque tu crois qu’il n’y a pas moyen de faire autrement, tâche donc de trouver la perle rare. Mais tu sais, là comme partout, il faut y mettre le prix et nous avons suffisamment de fortune pour ne pas regarder à quelques milliers de francs près, surtout quand il s’agit de l’éducation de nos enfants. Tâche d’en prendre une qui ait un peu d’expérience de l’enseignement. Ne prends pas une jeunesse qui sort seulement de l’école. Prends-en une également qui ait suffisamment de cordes à son arc pour qu’elle ne craigne pas d’être remerciée d’un jour à l’autre si nous nous apercevions que Dédé ne fait pas de progrès, car sans cela, comme elle tiendra à sa place, elle fera en sorte que les devoirs soient toujours bien faits et les fera elle-même. Enfin tu ne crois pas qu’il serait bon que notre petit Robert aille un peu lui aussi à l’école. Il est bien jeune pour être continuellement sous la coupe d’une institutrice. Tu sais les enfants n’aiment pas beaucoup cela. Ils sont trop tenus et puis surtout ils n’ont pas leurs petits camarades, et l’étude, dans ces conditions, n’a absolument rien d’agréable. Tu feras bien attention aussi que l’institutrice ne les garde pas plus d’une demi-heure à trois quarts d’heure. Lorsqu’ils sont seuls avec une institutrice, leur attention est forcément très soutenue. En classe, on écoute réciter les camarades, le maître explique pour tout le monde, on peut se payer un peu d’inattention et ce n’est pas fatigant. Donc avec leur institutrice, il faut des repos très fréquents ou sans cela on abrutit les enfants. Enfin, l’institutrice est certainement ce qu’il y a de plus mauvais mais, quand il faut s’y résigner, tant pis, et en effet Dédé est trop jeune pour être interne.

 

Bravo pour tes 58 kilos. J’espère que cela va continuer et que le reste viendra après. Bien entendu, il ne peut être question pour toi de t’occuper des enfants même si tu étais bien portante. Je ne le voudrais pas et je préfère dans ce cas cent fois l’institutrice.

 

Mais dis donc ma petite mie, le temps file rapidement et, dans bientôt cinq semaines, je serai à Docelles. Pense quel bonheur ! Je serai près de toi, nous nous serrerons l’un contre l’autre, tu laisseras, n’est-ce pas ma chérie, ton Geogi faire toutes sortes de folies, et ton Geogi sera alors le plus heureux homme du monde !!

 

8 août - ELLE.- Je ne t’ai pas écrit hier, ayant eu une journée très mouvementée. Nous nous sommes levés à cinq heures, ce qui n’est pas dans mes habitudes, partis à 6 heures pour Cornimont où nous sommes arrivés 1 h 1/2 après. Le déménageur et les Héritiers d’autre part m’avaient avertie que le wagon de meubles était arrivé depuis jeudi et qu’on ferait le déchargement le lundi matin. Un homme devait venir depuis Nancy pour sortir les meubles de la voiture. J’avais déjà dit au déménageur que je n’en avais pas besoin, mais son prix était fait ainsi, il prétendait que, si ce n’était pas un de ses hommes qui fasse le déchargement, il ne prenait aucune responsabilité. Mais en arrivant à Cornimont, nous n’avons trouvé personne et nous nous sommes occupées nous-mêmes de faire venir la voiture devant la maison par Honoré Germain, qui est en sursis depuis cinq mois pour transporter des bois, et nous avons commencé le déménagement, qui s’est très bien effectué. Mr Géhin m’a donné un vieux menuisier du Bâs et un manœuvre. Le soldat, ordonnance de l’officier qui loge chez nous, nous a aidés aussi et pour 6 heures du soir tout était fini, tout rangé, les meubles remontés, glaces posées, etc.

 

André a trouvé que nous étions bien riches en instruments de musique, piano à queue, piano de Mère, harmonium, violon, cornet à piston de ton père, de quoi faire de vrais concerts.

 

Au retour, quoique ce soit bien tard, nous nous sommes arrêtés à Thiéfosse et avons trouvé l’oncle Alphonse vieilli, toussant beaucoup. Ils pensent beaucoup à Camille qui est dans la Somme où c’est très dur, paraît-il. Marguerite ne reviendra pas de Sfax cet été, elle préfère supporter la chaleur à ce voyage de retour fatigant et périlleux, d’autant que Jean peut venir facilement à Sfax.

 

Nous sommes rentrés ici à 8 h 1/2. Ma voiture marche délicieusement et j’ai vraiment de la chance, jamais de pneus à remettre, depuis la guerre je n’ai eu que deux fois cet ennui.

 

J’ai reçu ta photo devant la porte de ton gourbi et en suis ravie car je t’y retrouve si bien dans une de tes poses les plus familières : prêt à allumer ta cigarette. C’est bien mon Gi chéri que j’aime. Les poches de sa veste sont bien un peu gonflées, la veste pas très tirée en arrière, mais c’est bien mon Geogi que je me réjouis tant de revoir et d’embrasser de toutes mes forces. Tu peux être tranquille, je garde toutes les photos que tu m’as envoyées depuis le début très précieusement et tu les retrouveras au retour.

 

Je suis furieuse contre le photographe de Paris qui me remet de jour en jour. A Epinal j’ai cherché des plaques pour notre appareil, il n’y en avait pas et j’ai été obligée d’en commander. Tous ces retards sont assommants.

 

Quand redeviendras-tu mon vrai mari et non pas seulement un d’occasion quelques jours par an ?

9 août - ELLE.- La carte d’Henry ne me surprend pas du tout car il m’avait confié autrefois son désir de vivre à Tunis et maintenant qu’il a suffisamment de rentes il doit vouloir mettre son projet à exécution. Je suis comme toi, cette propriété de Bou Thadi ne me gênait pas, qu’est-ce que 4 ou 6 000 francs à verser tous les ans, et elle aurait pu donner plus tard, mais je crois que nous serons en famille les seuls de cet avis, les Molard et Paul voudront s’en débarrasser. Tu as très bien fait de répondre à Henry comme tu l’as fait, si la majorité décide la vente nous suivrons.

 

Je t’envoie l’épreuve que je viens de recevoir de Paris, mais je n’en commande pas d’autre car je ne me trouve pas suffisamment ressemblante. Ils sont enragés à Paris pour retoucher beaucoup trop sous le prétexte de rendre plus beau et ils vous rendent très différent de ce qu’on est. Enfin tu me reconnaîtras peut-être, en attendant que tu me revoies en chair et en os, bien plus du premier que du second tu sais. Où est ma sveltesse de jeune fille ? Je passe vraiment à l’état de maman replète.

 

On vient de me renvoyer de l’hôtel d’Iéna ta lettre du 6 juillet où tu me dis de si gentilles choses. Quand tu reparles du jour de notre mariage et de ta naïve petite femme, mon Geogi, c’est vrai que j’étais bien loin d’être aussi savante que toutes les jeunes filles de maintenant, toutes nos cousines élevées à l’américaine. Mais je trouve que cette ancienne méthode avait du bon et je tâcherai de la suivre pour notre fille, si Dieu me prête vie, car il me semble qu’un mari doit être, comme tu le dis, bien plus heureux de trouver dans sa femme une petite âme toute neuve, qui ne sait rien des réalités de la vie et du mariage. Ils ont eu assez dans leur vie de jeune homme des femmes qui pouvaient se faire leurs éducatrices sans encore en retrouver une dans leur vraie femme. Je crois que tous les hommes un peu sérieux sont de notre avis. Paul L.J. a été si content aussi de voir que Maguy ne savait rien. Mais j’ai entendu des mères de famille soutenir que c’est un danger de ne rien apprendre à ses filles. Evidemment si on tombe sur un rustre ou un anormal cela doit être fâcheux, mais il faut toujours espérer avoir un bon mari.

 

Mon chéri, quand redeviendras-tu mon vrai mari et non pas seulement un d’occasion quelques jours par an. Je t’embrasse bien tendrement, mon aimé.

 

Tu as vu par la lettre d’André que ses impressions de 1ère communion sont très vagues. Il me semble que nous étions plus pieux autrefois.

 

J’ai touché hier 12 000f du Tissage de Roville.

 

9 août - LUI.- J’ai reçu ta bonne lettre de samedi dernier mais tu as oublié de joindre le modèle de broche que je me réjouis d’admirer car j’espère bien que tu l’as choisie digne de la jolie femme qui la porte.

 

Je t’écris après souper et il est dix heures car j’ai passé toute mon après-midi aux tranchées et nous ne sommes rentrés qu’à huit heures. Avec ce soleil de plomb, la marche dans les boyaux est très fatigante et je crois que je dormirai bien. Nous faisons de temps à autre de petites opérations mais bien entendu rien de comparable à ce qui se passe à Verdun ou sur la Somme. C’est surtout pour faire des prisonniers ou peut-être aussi pour nous entretenir nous et nos hommes. Le seul ennui c’est que les permissions sont supprimées pour les officiers pendant ces périodes et que cela retarde d’autant le moment où j’aurai le plaisir de revoir ma Mimi adorée.

 

As-tu pensé aux photos et l’artiste de Paris ne se décide-t-il pas à t’envoyer les épreuves ? Je n’ai pas besoin de te dire que je serai ravi de les recevoir car je n’en ai pas de toi qui soit récente.

 

Je vais vite me coucher en pensant comme tous les soirs à ma petite Mi que j’embrasse avec les chéris de tout cœur.

 

10 août - ELLE.- J’ai dû aller hier soir en auto à Tendon conduire un ouvrier chez un Major que nous savions y être. Nous avons eu dans l’après-midi un petit accident à l’usine, des poulies, des courroies cassées, et une courroie avait frappé ce garçon au côté, il se plaignait beaucoup et nous avons préféré avoir de suite un conseil. Ce n’était heureusement pas grave. Le Major a prescrit des ventouses scarifiées et du repos pendant trois ou quatre jours.

 

Notre auto est vraiment bien commode pour toutes ces petites courses et par ce beau temps elle marche à merveille.

 

Robert a fait ce matin une rage folle. Je l’ai d’abord enfermé dans un petit cabinet pendant une demi-heure, mais comme il ne se calmait pas et continuait à m’agoniser de sottises, de vilains propos, je l’ai fourré au lit à midi moins le quart et condamné au pain sec pour son déjeuner, goûter et souper. Il faut absolument le corriger de ce défaut de colère, car il ne se possède plus lorsqu’il est dans cet état, c’est un vrai petit enragé.

 

Mardi en allant chez le dentiste j’étais allée chez Paul mais je ne l’ai pas trouvé. Le soir Paul m’a envoyé un petit mot en me disant ses regrets de ne pas m’avoir vue et ses vœux de bonne fête. Pense aussi à les envoyer à Marie Molard, 18 rue Boissière (16ème arr.) et à Marie Paul, villa Armancette à St Gervais (Hte Savoie).

 

Je reçois ta bonne longue lettre du 7. J’y vois que mon pauvre chéri se résigne difficilement à cette idée d’institutrice pour nos enfants, c’est en effet bien ennuyeux mais, tu sais, je crois qu’il faut que nous y passions, je n’y mets aucun parti pris, tu le sais bien. J’aurais cent fois mieux aimé continuer l’école si elle avait été possible, mais Mlle Marchal elle-même, qui a donné 5 ou 6 leçons à André avant de partir en vacances, m’a donné le conseil de ne pas le laisser chez Mr Defer. Mais en tout cas je suis de ton avis, je chercherai une personne expérimentée et très instruite, sans regarder à cent francs de plus ou de moins par mois. Mais il faut trouver et c’est difficile.

 

Je t’aime chéri de tout mon cœur. Ta Mi.

 

10 août - LUI.- Comme je t’ai écrit une toute petite lettre hier, je veux te dire un petit bonjour aujourd’hui et j’en profite pour t’adresser mes bons souhaits à l’occasion de ta fête. Que ne suis-je auprès de vous pour te fêter avec nos chéris ! Que ne suis-je auprès de toi pour te redire tout mon amour et te remercier encore de tout le bonheur que tu m’as donné depuis dix ans ! Ma petite Mie, je remercie Dieu tous les jours puisqu’il nous a donnés l’un à l’autre et je le prie de mettre bientôt fin à cette guerre pour que je puisse te retrouver définitivement et recommencer notre vie heureuse d’autrefois.

 

Je pense que Marie Molard est toujours à Paris. Veux-tu me donner l’adresse de Marie Paul afin que je puisse lui écrire à cette occasion.

 

Demain je t’écrirai une grande lettre et je t’embrasse avec nos chéris de tout cœur. Ton Geogi.

 

11 août - ELLE.- Les ambitions de nos fils ne sont pas bien hautes, l’un veut être cultivateur, c’est André, l’autre veut être sacristain pour sonner les cloches. En ce moment c’est sa passion. Tous les jours à midi, il file du côté de l’église et se met en faction pour voir arriver Monsieur Bailly et sonner avec lui, et il est très fier de pouvoir mettre en marche la petite cloche et la moyenne. Il paraît qu’il se cramponne à la corde et monte ainsi jusqu’au plafond. Noëlle elle-même est prise par la contagion et j’ai bien de la peine à la persuader que ce n’est pas un jeu de petite fille. Quand elle peut se sauver sans que je la voie, elle s’empresse. Ils sont un peu comme des chevaux échappés nos enfants, mais je me rappelle notre enfance où on nous laissait aussi pas mal de liberté et cela ne nous a pas empêchés de prendre place ultérieurement dans la bonne société. On s’assagit en vieillissant et quand on est petit on aime tant la liberté.

 

Nous allons tous très bien, les enfants et moi. Maman est très fatiguée, ce n’est pas étonnant, elle est à peine assise dans la journée, juste au moment des repas et pour faire son courrier. En ce moment, elle a trois ouvriers malades, qu’elle est encore obligée de visiter matin et soir, puisqu’on n’a ici ni médecin, ni sœur de malades. J’aurais bien voulu qu’elle aille dans une station d’eaux quelconque pour se reposer une quinzaine mais elle ne veut pas m’écouter.

 

Alfred Geny a un second fils. Il paraît que sa femme a fini par obtenir de lui qu’ils quitteraient Reims après la guerre et retourneraient à Amiens. Cela était son désir depuis longtemps mais jusqu’alors Alfred avait résisté. C’est un ménage dont on ne regrettera pas beaucoup l’éloignement car ils sont bien peu sympathiques l’un et l’autre.

 

Voilà les Italiens qui viennent de prendre Gorizia.… Oh sans doute, les Allemands ne sont pas encore battus, mais enfin nous tenons maintenant le bon bout et, s’ils ne ripostent pas d’une manière efficace avant l’hiver, nous finirons bien par les avoir.

11 août - LUI.- J’ai reçu hier ta lettre du 6 et aujourd’hui celle du 8 avec celle de Dédé à qui j’écrirai demain. Je te retourne la broche que tu as achetée chez Noury. Elle paraît jolie mais bien petite. Ne crois pas cependant que je ne juge de la valeur et de la beauté des objets que par leurs dimensions. Je ne suis pas boche et le kolossal ne me dit rien. Je me réjouis de la voir parer ta jolie petite personne lorsque je vais revenir, mais quand ? Déon devait partir dimanche, il est obligé d’attendre, j’espère seulement pour quelques jours. Si rien ne survenait d’ici là, je ne partirais donc d’ici que le 15 septembre, encore un grand mois qui va me sembler très long ma pauvre Mie.

 

J’espère que les avions boches vont vous laisser tranquilles. S’ils doivent lancer des bombes, ce sera plutôt sur Epinal que sur Docelles. Donc cela ne m’inquiète pas mais prenez quand même des précautions.

 

J’ai bien envie de te gronder pour ta fugue à Cornimont. Franchement, nos bonnes n’auraient-elles pas pu s’occuper de rentrer tout cela. Tu as dû te lever à cinq heures et demie du matin, que de fatigue, ma petite mie ! Tu me diras que je devrais être content puisque cette épreuve, me dis-tu, ne t’a pas fatiguée. Il est vrai, je suis content d’apprendre que tu te fatigues moins facilement. Mais je t’en prie Mimi, ne sois pas comme toutes tes pareilles. Aussitôt que vous vous sentez mieux, vous ne connaissez plus d’obstacles, vous ne craignez plus aucune fatigue, vous faites des imprudences et bien souvent vous êtes obligées de reconnaître que vous avez été trop vite. Pardonne ce petit sermon, mais je veux te retrouver tout à fait solide (comme la chaise, disais-tu) lorsque je reviendrai en permission.

 

Voilà les Italiens qui viennent de prendre Gorizia. Tu as beau dire, ma petite Mie, il y a quand même quelque chose de changé et je suis tous les jours étonné d’apprendre que les Allemands laissent faire et ne réagissent pas. Je persiste à croire que l’an dernier ils n’auraient pas agi de même et j’en conclus qu’ils n’ont plus la même assurance. Oh sans doute, ils ne sont pas encore battus et je crains bien qu’il faille attendre l’an prochain pour voir la fin de cette horrible guerre. Mais enfin je crois que nous tenons maintenant le bon bout et, s’ils ne ripostent pas d’une manière efficace avant l’hiver, je crois que nous finirons bien par les avoir.

J’espère que tu as reçu mon petit mot d’hier dans lequel je te faisais mes meilleurs vœux et je te demandais aussi l’adresse de Marie Paul.

 

Voilà le troisième 15 août que nous passons loin l’un de l’autre.

12 août - ELLE.- J’ai reçu ta petite carte du 9 août et j’y vois que mon pauvre chéri est bien fatigué. Donc à tous points de vue la permission sera la bienvenue, plaisir et repos.

 

Ici rien de nouveau. Tu as vu dans les journaux que notre président est venu dans les Vosges, son train s’était arrêté vers la Houssière et il a offert un déjeuner aux sénateurs et députés du pays, puis décoré le préfet, pour sa belle conduite depuis la guerre, et des adjoints de St Dié.

 

Cet après-midi, je rentrais de chez Marie Krantz vers trois heures, j’étais allée lui demander un renseignement et j’ai vu Abel Ferry, en uniforme qui était devant la porte de l’école entouré des conseillers municipaux, percepteur, instituteur, etc. Il fait sa tournée dans les communes. Cela fait très bien en uniforme bleu pâle avec la croix de guerre, c’est très chic. Pierre Mangin ne pourra pas en faire autant.

 

J’ai écrit à la Croix pour y faire mettre une annonce demandant une institutrice. J’ai écrit à Madame Curie, qui en connaît toujours beaucoup, et j’irai un de ces jours chez notre ancien curé dont la nièce est institutrice, elle connaîtrait peut-être une amie à nous recommander. J’espère ainsi trouver ce que je cherche : une personne ayant toutes les qualités.

 

Mon chéri, voilà le troisième 15 août que nous passons loin l’un de l’autre. Autrefois nous étions tous si gaiement réunis autour de notre pauvre Mère. Que les temps sont changés et pourquoi faut-il que ceux qu’on aime et qui sont si bons comme l’était Mère disparaissent si vite. Quand me reviendras-tu ? Toi mon aimé, tu me dis que les permissions sont à nouveau suspendues, cela va encore nous retarder et j’ai pourtant si grande hâte de te voir.

 

Je t’envoie mes plus tendres baisers. Ta Mi.

 

12 août - JMO 5e RAC/Groupe 95.- Le capitaine Grosperrin prend le commandement de la 50e batterie. Le lieutenant Ligougne permute avec Bretzner de la 50e à la 45e.

 

13 août - LUI.- J’ai reçu ta bonne lettre du 9 avec la photographie qui y était jointe. Tu sais, ma Mi, je ne félicite pas du tout le photographe qui t’a complètement défigurée. Ce n’est pas toi du tout, tes yeux si jolis et si doux sont complètement ratés. Bref je crois qu’un petit photographe de village ferait cent fois mieux. Il est regrettable que tu n’aies pas été plutôt chez Bavo à Nancy. Si tu as l’occasion de retourner dans cette bonne ville, fais-toi photographier et ne nous risquons plus chez les Parisiens qui ne savent que bluffer et ne prennent aucun soin pour des clients de passage comme nous.

 

J’ai répondu à Henry dans le sens convenu mais, connaissant Paul, cela ne m’étonnerait pas qu’il changeât encore d’avis et qu’il préférât garder la propriété, ce qui au fond ne nous gênerait pas beaucoup ni l’un ni l’autre. L’oncle Paul lui va faire du potin, surtout si on ne la vend pas exactement au prix qu’elle nous revient en comptant les intérêts composés. Il va dire qu’on l’a trompé, mais enfin tant pis n’est-ce pas mie. Lorsqu’on entreprend une affaire, on croit toujours qu’elle réussira. Il était libre après tout de ne pas se joindre à nous autrefois et il a été prévenu qu’il faudrait y faire de grosses dépenses.

 

J’écris aujourd’hui à notre petit Dédé. Notre première communion nous a certainement fait plus d’effet qu’à lui. Mais cela tient à deux choses. D’abord nous étions plus âgés et puis surtout c’était une véritable fête et une cérémonie un peu extraordinaire. Nous étions tout en noir, cravate blanche, véritable pantalon. Toute la famille nous accompagnait. Bref nous croyions plus facilement que c’était un des actes importants de notre vie. Notre petit Dédé lui est allé recevoir le bon Dieu tout seul, à une petite messe sans grand apparat, avec ses vêtements habituels et il est tout naturel qu’il en conservera peu ou point de souvenir. Tu fais très bien de l’envoyer à la menuiserie. Bien entendu il ne faut pas se faire d’illusions. Au début il sera tout feu tout flamme et au bout de quelques mois il s’en lassera. Mais il sera forcé ainsi de faire un effort et puis tâche de l’intéresser lorsqu’il saura planter quelques clous, fais-lui réparer une cage à lapins, fais-lui faire une petite palissade, etc.

 

J’espère que Déon pourra partir après midi, cela ne fera donc que trois jours perdus. Pourvu que cela ne recommence pas trop souvent car cela me retarde et je suis impatient de te revoir, tu le devines bien n’est-ce pas Mi.

 

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 13/08/1916 (N° 1338)

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Le général Pellé - Major général des armées

Le général Pellé est le collaborateur le plus direct du général en chef. Il joue auprès du général Joffre ou du général de Castelnau le rôle que jouait naguère Berthier auprès de Napoléon. Pour être moins éclatant que celui des commandants d’armée, ce rôle n’en est pas moins des plus considérables et des plus utiles. On conçoit de quelle importance est la fonction d’un major général des armées en un temps où les armées se chiffrent par millions. Le général chargé de la remplir est de ceux dont le portrait ne saurait être oublié dans une galerie telle que la nôtre. Avant la guerre, le général Pellé a appartenu aux troupes marocaines. Il fait partie d’une famille éminemment militaire et porte un nom qui déjà fut illustré il y a quarante-six ans, notamment à Wissembourg.

 

 

 

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La débâcle en Hongrie

La retraite autrichienne devant le formidable élan des troupes russes prend un peu partout des allures de panique. En Hongrie, notamment, l’approche des Russes a causé les plus graves désordres. On écrit de Budapest au ‘Morning Post’ : « Quelques détachements de cosaques ont passé les Carpathes et se sont avancés d’une cinquantaine de kilomètres en Hongrie, semant la panique dans les villages et dans les villes. Des milliers de réfugiés affluent vers la plaine, terrorisant, par leurs récits, les populations que les proclamations ne parviennent plus à rassurer. Ces réfugiés gênent les opérations militaires, obstruant les routes, arrêtant les colonnes de ravitaillement. Des cadavres de gens morts d’épuisement et des carcasses de chevaux jonchent les chemins dans un désordre indescriptible. Les Russes occupent maintenant les positions qu’ils occupaient en janvier 1915… » Le correspondant du journal anglais ajoute que le peuple n’ose plus guère espérer qu’ils seront repoussés. En effet, l’an dernier, les troupes allemandes arrivaient en masses vers les Carpathes ; cette fois, elles font complètement défaut. C’est vers l’Ouest qu’on les envoie, et les Autrichiens se sentent réduits à leurs seules ressources. Comment le peuple ne serait-il pas pris de panique en voyant déferler sur lui le flot intarissable qui vient du Nord ?

 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Obusier allemand capturé devant Verdun

A l'abreuvoir

Brigade de grenadiers allemands lançant des grenades asphyxiantes (Fricourt)

Caisses de grenades à mains et à fusils, prises dans les derniers combats de la Somme

Prisonniers allemands emportant la mitrailleuse avec laquelle ils ont été capturés

Enterrement d'un officier russe tué sur le front français

Corvée de lessive

Le cerf-volant et la saucisse

Dans la Somme - Batterie d'artillerie anglaise

Orphelin adopté par un Hindou 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Un lieutenant de chasseurs à cheval envoie une patrouille en reconnaissance

Un pont construit par le génie dans la Somme

Aspect des tranchées allemandes après un bombardement par notre artillerie

Convoi de troupes indiennes à Salonique

Hôpital militaire à Salonique

Le parc automobile d'une compagnie d'aérostation

Nos cavaliers dans la tranchée. Armement et équipement actuels

Vers Bagdad - Convoi d'artillerie anglaise dans le désert

L'adieu

L'oiseau boche est signalé

 

 

Thèmes qui pourraient être développés

  • Japon - La convention russo-japonaise fêtée à Tokyo
  • Verdun - L'ouvrage de Thiaumont perdu et repris
  • Marine - L'indignation en Suède contre les derniers torpillages
  • Victoires - Les Italiens à Gorizia, les Russes à Tysnienitza
  • Afrique orientale - Les dernières forces allemandes chassées par les Belges
  • Russie - Prise de Stanislau - Les Russes culbutent l'ennemi sur la rive droite du Sereth et au confluent de la Zlota-Lipa
  • Italie - Les bombes autrichiennes à Venise - Sainte-Marie de Formose détruite
  • Femmes - Education des jeunes filles avant leur nuit de noces
  • Santé - Les sœurs des malades
  • Politique - Abel Ferry
  • Religion - Sonneur de cloches à l'église
  • Le général Pellé, major général des armées (Portrait dans LPJ Sup)
  • Hongrie - La débâcle en Hongrie (LPJ Sup)
  • Nourriture - Les cris du ventre (LPJ Sup)
  • Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)
  • Conseils pratiques - Egalité d'humeur (LPJ Sup)
  • Religion - Fête religieuse - Bienheureux Jean-Marie Vianney - 9 août


05/08/2016
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