14-18Hebdo

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Journal de la Grande Guerre de quelques ancêtres des familles Farret, Cambon et Broquisse - 2 - Septembre 1914

Olivier Farret – 28-09-2016

 

En ce début du mois de septembre, le cauchemar de 1870 ressurgit dans la mémoire des Français, l’armée allemande est à portée de feu de Paris.

 

Le 2 septembre au soir, le Président de la République Raymond Poincaré et son gouvernement quittent la capitale et se réfugient à Bordeaux, emportant dans des trains spéciaux les 1 400 tonnes d’or et les 3 000 tonnes d’argent de la Banque de France. Des milliers de Parisiens assaillent les gares pour fuir Paris. Gallieni renforce le dispositif militaire du Camp retranché de Paris. La 6e Armée, commandée par le général Maunoury, prend position entre Senlis et Meaux, pour assurer la défense de la capitale.

   

La retraite des armées françaises et anglaise prend fin le 5 septembre. « On se battra sur la Marne » décide l’Etat-Major français. Ainsi de Paris à Verdun, 760 000 Français, 82 000 Britanniques commandés par le Maréchal French font face à 900 000 Allemands.

  

Le 5 septembre, les premiers coups de canon sont tirés sur la route de Meaux à Senlis et le front s’embrase sur plus de 200 km. En fin d’après-midi, un lieutenant de 41 ans, Charles Péguy (276e RI), fauché par une rafale de mitrailleuse, s’écroule mortellement blessé dans un champ d’avoine à proximité du village de Villeroy : « Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles, Couchés dessus le sol à la face de Dieu… »

 

Le 6 septembre, la bataille dont dépend le sort du pays (Général Joffre) est déclenchée sur l’ensemble du front. Pour les Français et les Britanniques, la cause est entendue, ils n’ont pas droit à la défaite, sinon la guerre est perdue… Les armées françaises passent à l’offensive de Senlis à Verdun. L’Armée de Paris (6e Armée) attaque l’Aile droite allemande (bataille de l’Ourcq). Les autres armées tentent dans une attaque frontale de repousser les allemands au nord de la Marne. En Lorraine, la 2e Armée du général de Castelnau résiste à la poussée allemande sur les hauteurs du Grand Couronné qui protègent Nancy. Le 15e Corps participe aux violents combats face à l’armée du Kronprinz. Nancy est sauvée. (Jean Claude Demory – Henri Ortholan)

 

Début septembre, le régiment d’André Farret (173e RI) est au repos, 1 011 hommes manquent à l’appel. Avec le 111e de Paul Farret (hospitalisé à Montpellier), il rejoint ensuite Ligny-en-Barrois (Meuse) à 15 km à l’est de Bar-Le-Duc. Ils participent à la reconquête de l’axe de chemin de fer de l’Est avec le nœud ferroviaire de Revigny, essentiel pour le déplacement des troupes et du matériel. Ensuite, des éléments du 15e Corps, dont le 173e RI, complètent l’aile droite du dispositif de Joffre commandé par le Général Sarrail. Malgré l’épuisement, la soif et les insolations, marches forcées et charges contre l’ennemi se succèdent. Le 111e RI gagne le Mort-Homme à l’ouest de Verdun.

 

Les 7 et 8 septembre, la fortune hésite, les attaques françaises s’enlisent dans des combats frontaux. Si la brèche entre les armées allemandes s’agrandit, le centre français (Foch) vacille ; Franchet-d’Esperey vole à son secours. Joffre est prêt à abandonner Verdun pour défendre Paris. Le soir du 8, le destin de la France est en train de se jouer. C’est l’alarme à Paris qui s’attend à une bataille le 10. En quelques heures et pour peu de choses, la balance de la fortune penche (Foch). Sur les ordres du généralissime, le Corps expéditionnaire britannique franchit la Marne à la Ferté sous Jouarre et participe avec l’armée française aux rudes combats qui entraînent le recul des forces allemandes. Ainsi au cœur du combat décisif, toutes les forces sont engagées. Même les taxis ! Ils ne changeront pas le cours de la bataille, mais entreront dans l’Histoire.

 

Le 9 septembre, les armées allemandes épuisées, de peur d’être encerclées, décrochent et l’Etat-major (Moltke) décide une retraite généralisée sur l’Aisne de Soissons à Verdun. Le sort des armes vient de basculer. Ainsi sans avoir été battues tactiquement, et peut-être très près de la victoire, les armées allemandes ont été stoppées et ont reculé. C’est le « miracle de la Marne ».

 

Les 14 et 15 septembre, les troupes franco-britanniques, elles-mêmes épuisées sont arrêtées devant des positions allemandes (Chemin des Dames) rapidement organisées et solides. En Lorraine, le général de Castelnau entre en libérateur à Lunéville et Pont-à-Mousson. Au soir de la bataille, on compte côté français, 21 000 morts, 122 000 blessés et 84 000 disparus. Pour les Allemands, l’on retient les chiffres de 43 000 morts, 173 000 blessés et 40 000 disparus. Les pertes britanniques pourraient être évaluées à 3 000 morts, 30 000 blessés et 4 000 disparus.

 

A la mi-septembre, le régiment d’André Farret rejoint l’Argonne et occupe différents secteurs dans la Forêt de Montfaucon, à proximité de la Butte de Vauquois. Les combats font rage et le 25 septembre, à Esnes, sous la cote 304 (rive gauche de la Meuse), les compagnies résistent à une violente attaque allemande.

 

Paul Farret, mon grand-père, est hospitalisé depuis la fin du mois d’Août à l’Hôpital Général de Montpellier, situé à proximité du Jardin Botanique et de la Faculté de médecine. Spécialisée dans la chirurgie, cette formation sanitaire comprend 530 lits avec trois annexes de 50 lits chacune (Crèche des sœurs garde-malades Saint-Charles ; Grand Séminaire ; Patronage du Sacré-Cœur). L’hôpital général fait partie des hôpitaux d’infrastructure de l’Intérieur, soit 10 000 hôpitaux répartis sur 3 500 communes, entre 1914 et 1918. Les blessés bénéficient d’une chirurgie spécialisée. Il s’agit aussi de convalescents ayant des soins de rééducation, de physiothérapie et de mécanothérapie. L’exemple le plus célèbre est l’hôpital du Grand Palais à Paris. (François Olier et Jean-Luc Quénec’Hdu)

 

Farret2 Image 1 Hopital Montpellier.jpg

Hôpital général de Montpellier © KEMPENAR

www.montpellier-histoire.com

 

A Montpellier, plus de 5000 lits seront actifs durant toute la guerre : hôpitaux civils, asiles d’aliénés, lycées, collèges, casernes, hôtels, maisons particulières, seront affectés aux soins des malades et des blessés. Une mention particulière avec l’Ecole libre du Sacré-Cœur (Hôpital complémentaire n°44) où ma grand-mère Yvonne Farret-Cambon et ses sœurs avaient été pensionnaires. Paul se remet lentement de ses blessures, heureux de pouvoir profiter des visites de ses proches, en particulier d’Yvonne et de leur fils, Maurice, 2 ans. La famille Cambon profite des derniers jours de l’été à Lancyre. En ce deuxième mois de guerre, dans ces moments de grande douleur, Yvonne Farret annonce à son mari un heureux évènement pour le printemps 1915. Maurice ne sera plus fils unique.

 

Paul Cambon avait sollicité auprès des autorités militaires (341e RI) une demande de nouvelles de son fils aîné Eugène. Il reçoit une lettre du dépôt du régiment à Marseille, datée du 18 septembre avec la mention : « Eugène Cambon, Présumé en bonne santé » Déjà très éprouvé par la disparition de leur fils Marcel, Paul Cambon n’est pas totalement rassuré sur le sort de son fils aîné.

 

Jean Broquisse, le grand-père de mon épouse, affecté au 144e RI, s’apprête à rejoindre un camp d’instruction pour devenir un combattant aguerri. Après l’hécatombe des premières semaines de la guerre, l’Etat-major demande d’activer au plus vite la formation des jeunes recrues. Jean Broquisse reçoit régulièrement des nouvelles de sa famille, particulièrement de ses cousins qui sont au front. Pierre Devade (25 ans) est brancardier, il lui adresse cette lettre qui résonne de la fureur de la bataille:

 

« … Je t’écris avec un accompagnement qui n’est guère harmonieux, et c’est pourtant celui que j’entends depuis le mois d’août = le canon ! Grand dieu ! Quand aurai-je les oreilles libres de tous ces bruits affreux ! La dernière grande bataille m’a donné un travail effrayant, bien pénible et bien triste. J’ai vu des choses les plus épouvantables qui puissent exister. J’ai eu des nuits terribles ! J’ai fait mon Devoir. J’ai soigné aussi bien Français et Allemands – ma Croix rouge me l’impose… ».

 

Le 25 septembre, Jean quitte Bordeaux pour le Camp de Souge en Gironde, près de Saint-Médard en Jalles. Le camp régional de la 18e Région Militaire, créé en 1899, est doté de casernes en dur, d’un terrain de tir au fusil, de tir au canon et de grandes zones quasi-désertiques constituant un important champ de manœuvres. Des milliers de jeunes soldats mobilisés en Aquitaine passeront par ce camp d’entraînement. A partir de 1917, les Américains occuperont ce lieu.

 

Farret2 Image 2 Camp de Souge Carte postale.jpg

Camp de Souge (Saint-Médard-en-Jalles – Gironde)

Archives Famille Broquisse

 

Durant tout le mois de septembre, alors qu’une partie de l’Armée navale française entre dans l’Adriatique pour bloquer la flotte autrichienne dans ses ports, le torpilleur 330 de Pierre Farret au sein du groupe des torpilleurs basés à Bizerte, veille toujours à la protection des bâtiments qui transportent les régiments africains qui vont renforcer les effectifs. Dans les premières semaines de guerre, 89 navires français auront transporté 49 000 soldats et 11 800 chevaux.

 

À Montpellier, malgré des demandes réitérées, Paul Cambon, n’a aucune nouvelle de ses deux fils Eugène et Marcel.

 

Sources

  • ·       Jean-Claude Demory (coll), La Grande Guerre 1914-1918, Hachette, 2003.
  • ·       François Olier et Jean-Luc Quénec’Hdu, Hôpitaux militaires dans la guerre 1914-1918, Tome 3, France sud-ouest, Ysec, 2011.


11/11/2016
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