96e semaine de guerre - Lundi 29 mai au dimanche 4 juin 1916
LUNDI 29 MAI 1916 - ROGATIONS - 666e jour de la guerre
MARDI 30 MAI 1916 - BIENHEUREUSE JEANNE D’ARC - 667e jour de la guerre
MERCREDI 31 MAI 1916 - SAINTE ANGELE DE MERICI - 668e jour de la guerre
JEUDI 1ER JUIN 1916 - ASCENSION - 669e jour de la guerre
VENDREDI 2 JUIN 1916 - SAINT MARCELLIN - 670e jour de la guerre
SAMEDI 3 JUIN 1916 - SAINTE CLOTILDE - 671e jour de la guerre
DIMANCHE 4 JUIN 1916 - SAINT FRANÇOIS CARACCIOLO - 672e jour de la guerre
Revue de presse
- Le Kronprinz est fatigué
- Le front italien reste inébranlable
- L'avance de l'heure légale
- Les Bulgares en Grèce - La population grecque veut évacuer la Macédoine
- Opiniâtres et sanglantes attaques autrichiennes brisées dans la vallée de Lagarina et au sud du torrent de Posina
- L'effort colossal des Allemands entre le Mort-Homme et Cumières
- L'offensive autrichienne se développe dans la vallée de l'Astico - La lutte est vive sur le plateau d'Asiago
- Gilbert est en France - Il a franchi hier la frontière suisse
- Les funérailles du général Gallieni - Une magnifique manifestation patriotique - Un million de Parisiens saluent la dépouille du défenseur de Paris
- Violente offensive turque près de Mamahatum
- Grande bataille navale entre les flottes anglaise et allemande dans la mer du Nord
- L'ennemi multiplie ses assauts furieux contre le fort de Vaux
- L'état de siège à Salonique
- La bataille navale du Jutland fut une véritable défaite allemande - Les pertes allemandes sont énormes - Vingt torpilleurs auraient été détruits
Morceaux choisis de la correspondance
29 mai - ELLE.- Je t’écris de mon cher Docelles ravie, comme tu le penses, d’avoir retrouvé nos bons chéris. Nos petits vont bien mais Noëlle est retombée dans son ancien péché. Du moins Maman ne s’en est aperçue qu’il y a 2 jours. Aussi elle a dit combien elle en avait de la peine après toutes les précautions prises pour son petit estomac. Le soir, elle l’a fait coucher avec seulement sa crème d’orge sans dessert et lui expliquant qu’elle devait être d’autant plus sévère pour son estomac qu’elle l’avait chargé pour la journée.
On n’est plus arrêté de Docelles à Epinal depuis quelques jours, le trajet se fait donc encore plus aisément qu’autrefois.
Maman se donne toujours beaucoup de mal avec l’usine. En ce moment ce sont les arrivées massives de houille qui la chagrinent.
30 mai - LUI.- J’ai reçu ta bonne lettre du 27 et suis impatient d’apprendre que le voyage ne t’a pas trop fatiguée et que tu es arrivée en bon port à Docelles. Tu as dû être bien contente de revoir Maman et nos bons chéris. Maman dit dans sa lettre que notre Dédé a de suite compris les problèmes d’intérêt. Pauvre Dédé mais il saura bientôt tout ce qu’il faut savoir. Tout cela, densité, intérêt, est pourtant bien difficile. D’un côté c’est un peu ennuyeux qu’il soit forcé d’aller dans la classe de Mr Defer. Tu me disais qu’on n’y faisait pas grand chose et je crois qu’il profiterait plus avec Mlle Marchal. Cependant comme on ne peut pas le laisser à la maison et qu’il faut absolument qu’il soit en contact avec de petits camarades, ne crois-tu pas qu’il vaudrait mieux qu’il n’allât en classe que le matin, puisque tu dis toi-même qu’on n’y fait rien. L’après-midi il travaillerait un peu à la maison sous la direction de Mlle Marchal, qui pourrait peut-être après l’école du soir venir lui donner une petite leçon et lui donner des devoirs pour le lendemain. C’est une idée que je te soumets de loin. Je ne sais pas si c’est possible et tu sais mieux que moi ce qui se passe à Docelles et s’il vaut mieux qu’il aille tout à fait à l’école. Réfléchis-y avec Maman, ce que vous déciderez sera bien.
J’ai reçu des nouvelles de Zemb. Le pauvre garçon est tombé en aéroplane, mais dans une descente et à une dizaine de mètres de hauteur. Il n’a rien eu qu’une forte commotion à la tête mais qui ne présente aucun danger. Il est très entrain, prétend qu’il reviendra comme aviateur dans notre secteur et s’en réjouit. Dans un post-scriptum il demande des nouvelles du phonographe. Son remplaçant est gentil, c’est un jeune, ancien sous-officier, fils d’un colonel d’infanterie. Il n’a ni l’expérience ni surtout l’intelligence de Zemb, mais il a de la bonne volonté et est très drôle. Il fait tout ce qu’on lui dit de faire. Inclus encore une petite photographie faite par Déon lorsque nous étions à St Thierry.
Je me suis réabonné à la Revue des Deux Mondes et me la fais envoyer ici.
1er juin - ELLE.- Nous rentrons de la messe chantée en mémoire des artilleurs du 36e tombés à Verdun. Tout le côté droit des bancs était pris par les soldats, officiers en tête, mais la cérémonie fut atroce à cause des chants. Le soldat qui chantait n’avait pas une belle voix, de plus il était accompagné indignement, c’était vraiment à hurler, un violon avait aussi voulu s’en mêler, enfin c’était le comble de l’affreux. Tes oreilles de musicien auraient encore plus souffert que les miennes et pour une fois je ne t’ai pas regretté, mon mari aimé.
Mais tu sais, je crois que tu exagères quand tu ne veux pas emporter ceci ou cela, sous prétexte que tu aurais trop de bagages. Le lieutenant que nous logeons a deux cantines, deux sacs qu’il met sur son cheval et une petite caisse. Il a des grandes bottes à l’écuyère, trois paires de leggins, jaunes, noires, etc. Vous voyez, Monsieur chéri, qu’on arrive à s’entourer d’un peu de confortable quand on veut bien s’en donner la peine, et, comme ils viennent de Verdun où ils ont passé un mois, je conclus qu’on est devenu moins difficile au sujet des bagages.
Les arrêts d’André mardi ont eu un salutaire effet. Hier il a très bien fait ses devoirs, ce matin aussi. Il paraît que dans une quinzaine, après le certificat, il sera forcé d’aller à l’école des garçons avec Monsieur Defer. Cela m’ennuie, j’aurais bien préféré qu’il restât avec Mlle, mais il n’y a pas moyen. Son voyage au Moulleau ne lui a pas fait perdre trop de temps, hier il a fait une composition et il a été classé 2ème.
Nous irons cet après-midi à Cheniménil où Thérèse reçoit sa famille et elle nous a invités à venir prendre le thé avec les enfants pour qu’ils jouent tous ensemble. Les Schwindenhammer vont partir à la Bourboule faire une saison.
Quand on a lutté comme je lutte depuis plus d’un an et qu’on recommence toujours à faire les mêmes bêtises, c’est vraiment à désespérer.
1er juin - LUI.- Je reçois ta bonne lettre datée de Docelles et suis content que ton voyage ne t’ait pas trop fatiguée. Tu as dû être bien contente de revoir nos chéris et notre petite Noëlle va mieux, me dis-tu, encore quelques semaines et elle ne se ressentira plus du tout de cette maudite fièvre. Je vois que la pauvre Maman se donne toujours beaucoup de mal avec l’usine. Qu’elle tâche de ne pas trop se fatiguer et qu’elle soit raisonnable.
Le capitaine avec qui tu as voyagé a en effet mes idées. D’ailleurs nous tous qui avons commandé des batteries, qui avons eu des canons démolis et nous sommes rendu compte de la manière de faire des Allemands, avons beaucoup plus d’expérience là-dessus que tous nos chefs et tous les états-majors, qui restent continuellement dans leurs bureaux et ne savent pas ce qui se passe. Mais vois-tu, ma Mi, il n’y a rien à faire. Quand on a lutté comme je lutte depuis plus d’un an et qu’on recommence toujours à faire les mêmes bêtises, c’est vraiment à désespérer.
J’envie ceux qui sont au repos et surtout ceux qui sont à Docelles. Que n’y suis-je pour être tout près de ma Mie, dont je suis déjà si en mal et cependant il n’y a que trois semaines que je l’ai quittée. Toutefois je dois reconnaître que ceux qui vont au repos en général ont assisté à de durs combats. Il est tout naturel que ceux qui ont été à Verdun ou qui y sont maintenant aient quelques semaines de bonne vie pour leur faire oublier la vie d’enfer qu’ils ont menée de ce côté. Nous n’en sommes pas là heureusement. Ici nous n’avons pas encore été bombardés bien que nous tirions pas mal. Au bois de Gernicourt où nous étions avant, ce n’était pas la même chose et j’ai encore eu un canon démoli. Mais enfin grâce aux bons abris que nous avions, personne n’a été tué et c’est bien l’essentiel car les canons, on les remplace, tandis que les pères de famille, leurs pauvres petits ne les retrouvent plus.
Je t’embrasse avec les bons chéris à qui je recommande d’être bien sages pour ne pas fatiguer leur maman chérie. Ton Geogi.
Es-tu satisfait de tes nouvelles positions ? Est-on calme de vos côtés ?
2 juin - ELLE.- Nous avons enfin beau temps. Hier après-midi, nous sommes allés à Cheniménil où nous avons trouvé toute la famille de Thérèse. Son père veut essayer de travailler la nuit, jusqu’alors cela lui a été défendu, mais il étudie un système de rideaux protecteurs pour empêcher les lumières de filtrer et espère arriver à marcher 24 heures. Mais avant cela, comme il est très fatigué, il va partir avec sa femme et sa fille à la Bourboule. Il nous a dit que deux grosses papeteries du centre venaient de brûler, l’une à Annonay appartenant aux Montgolfier et une autre dans l’Isère. C’étaient des usines de papier fin. Nous pensons qu’on devait y faire du coton poudre puisqu’ils devaient avoir encore des défibreuses pour les chiffons et cela a dû sauter. En attendant cela va encore restreindre la production du papier. Les acheteurs trouvent nos prix trop élevés, sauf pour le machine à écrire. Dans l’Isère surtout où ils ont de la houille blanche, ils sont bien moins chers. Comme nous avons encore plus de 200 000 kilos à l’avance à faire, nous ne nous en inquiétons pas. Boullery est reparti hier. Il n’avait un sursis que pour un mois qu’on n’a pas voulu lui renouveler, c’est dommage, car sa présence déchargeait un peu Maman. Les deux contremaîtres marchaient de faction comme les ouvriers et l’usine était toujours surveillée. J’irai cet après-midi à Epinal où j’ai mes papiers et bijoux à sortir de la banque et je toucherai quelques coupons car je n’ai plus d’argent. J’ai pourtant touché 1 100 francs à Paris (nos rentes 5%) mais des robes pour moi, le docteur, le voyage et divers achats ont tout absorbé. C’est terrible ce qu’on dépense, que je plains les pauvres familles où on a ses rentes fixes qu’on ne peut pas dépasser. En ce moment où tout est si cher, ce doit être un vrai problème pour arriver à joindre les deux bouts.
Nos enfants ont été très sages hier à Cheniménil, Dédé était venu avec son âne, et les petits Schwindenhammer et Boucher étaient contents de se faire voiturer dans le jardin.
Nous avons eu hier soir la visite de notre officier qui était sur les hauts de Meuse depuis le 19 février jusqu’à mi-mars et qui disait, comme le soutenait Maurice, qu’il n’y avait rien de fait de ce côté comme retranchement. Dès le lendemain de leur arrivée, on les a fait tirer sans qu’ils aient eu le temps de faire aucun abri, c’était vraiment la guerre en rase campagne et les duels d’artillerie dans ces conditions sont très meurtriers.
Les hommes parlent du général Herr comme d’un traître, ils prétendent que sa femme est autrichienne et que par elle l’ennemi était renseigné sur le peu de défenses qui existaient à Verdun.
Bonnes tendresses mon aimé chéri. Es-tu satisfait de tes nouvelles positions ? Est-on calme de vos côtés ?
Il y a un mois, tu arrivais, mon trésor chéri, il faisait si bon se retrouver et revivre en six jours une toute petite lune de miel. Quand recommencera-t-on ?
3 juin - ELLE.- Dédé n’a pas de chance, il se remettait bien au travail et le voilà de nouveau au lit aujourd’hui avec de la fièvre. Depuis quelques jours, je lui trouvais les yeux abattus et il avait du mal de respirer. Le soir je prenais sa température, il avait une petite fiévrotte mais je le laissais continuer sa classe ne voulant pas l’interrompre pour si peu. Hier cette fois il s’est plaint d’avoir du mal d’avaler et je lui ai trouvé 39 de fièvre. Cette fois je l’ai couché et l’ai laissé toute la journée au lit. Ce matin 38.6. Je vais voir à cinq heures. C’est toujours cette maudite gorge, il doit avoir de l’angine car il est même gonflé extérieurement. Je l’ai fait gargariser, laver le nez, fumiger, etc., pour le remettre vite d’aplomb. Quels diables d’enfants, il y en a toujours un à soigner. Cela m’ennuie, car tu dois croire que je les élève dans du coton ou que je n’en prends pas assez de soin puisqu’ils sont toujours malades, mais je t’assure que ce n’est ni l’un ni l’autre. Je voudrais bien qu’il soit remis pour lundi car il doit commencer des compositions pour voir dans quelle division il ira chez Monsieur Defer.
Le conseil que tu me donnes à ce sujet est très bon. Je vais le laisser entrer dans la classe puisqu’il le faut, et nous verrons pendant quelque temps. Si je trouve les progrès trop lents, je verrai à changer de système, et comme tu le dis, à faire intervenir Mademoiselle Marchal pour une leçon dans la soirée, en lui donnant l’après-midi pour faire des devoirs seul.
Noëlle va tout à fait bien. Elle reprendra ses petits devoirs lundi. Mais cette petite personne a un caractère très peu malléable et aurait une grande envie d’être déjà la maîtresse ici. Malheureusement sa maman et sa grand-mère n’ont pas du tout les mêmes idées et la pauvre enfant est forcée d’obéir, elle le fait en fronçant le sourcil et en levant les épaules, quand elle ne prend pas des airs de victime, mais rien de tout cela ne prévaut.
Hier, je suis allée à Epinal où j’ai touché quelques petits coupons de l’oncle Paul, puis suis allée chez Paul Cuny, qui m’a dit t’avoir envoyé une procuration à signer. Il m’a annoncé qu’on toucherait à la Vologne, Cheniménil et Roville. Cheniménil marche bien maintenant depuis que le directeur est revenu. A Roville, Germain est très malade et Paul ne sait comment le remplacer, car d’après ce qu’il croit il est perdu. Paul repart à Paris dimanche, sa femme ne va pas encore très bien, on a dû lui rouvrir la cicatrice et mettre un drain, car une poche de sang s’était formée à l’intérieur et elle avait de la température. Cela prolongera d’une quinzaine son séjour à la clinique. La pauvre Marie doit en être bien ennuyée, car elle se réjouissait de rentrer chez elle.
Tu sais que Marie Paul nous a dit de ne pas l’attendre pour déménager l’appartement de Mère, et il est entendu que nous irons Marie Molard et moi le mercredi d’après la Pentecôte. A Paris nous avons déjà fait 4 lots à peu près égaux des gros meubles dont nous avions la souvenance. Pour le reste on le fera sur place. Marie amènera sa femme de chambre qui s’occupera de partager le linge, la cave, etc. Je vais écrire à un déménageur pour lui demander s’il a encore les hommes et voitures suffisants car j’ai le désir et Marie aussi de rester le moins possible à Nancy et dans ce triste appartement.
Tante Caroline disait à Marie qu’ils avaient un peu envie de vendre leur maison et de reprendre l’appartement de Mère après la guerre, mais Marie croit que les Weissenburger ne voudront plus faire de bail et garderont l’appartement pour leur fils. En attendant on cherche à plaire aux Vautrin, sans doute que les W. trouvent que leur fils Robert pourrait bien reprendre la position d’Edouard Michaut en épousant une des deux jeunes filles. (Mais tout ceci ne sont que des suppositions de notre chère Marie qui voit toujours les choses venir de très loin).
Je suis au repos aujourd’hui et comme il pleut et fait frais, j’ai fait faire du feu au fumoir. Il y a un mois, tu arrivais, mon trésor chéri, il faisait si bon se retrouver et revivre en six jours une toute petite lune de miel. Quand recommencera-t-on ?
En voyant les Italiens redescendre de leurs pics et cols, j’ai pensé à notre cher Brescia et Vérone, qui verront peut-être à nouveau des batailles sous leurs murs. C’est un de mes premiers souvenirs de mariage, chéri, t’en rappelles-tu ?
Je t’envoie avec ce doux souvenir mes plus tendres baisers. Ta Mi.
Ne nous faisons pas d’illusions, plus nous allons et plus la fin de la guerre s’éloigne.
3 juin - LUI.- J’ai reçu tes deux bonnes lettres du 29 et du 30 mai. Evidemment, tu dois trouver une grosse différence entre la vie calme de Docelles ou même du Moulleau et celle de Paris. Mais je suis sûr que ce petit séjour à Paris t’aura fait du bien sans parler du traitement que tu y as suivi. Il faut de temps à autre changer d’habitude et puis tu as vu de jolies choses et tu as songé à ton Geogi en te faisant toute belle. Il se réjouit de revoir sa Mie et attend avec impatience la prochaine permission.
Notre petite Noëlle est toujours aussi gourmande. La pauvre chérie a été si privée depuis quelque temps qu’il faut un peu l’excuser. J’espère que tu lui auras rendu son petit bracelet, qui avait dû lui faire beaucoup de plaisir.
Mr Dédé a donc été aux arrêts et c’est très bon car il n’y a encore que les punitions qui corrigent les enfants. Une autre fois, tu peux être sûre qu’il saura mieux sa leçon. Et c’est pourquoi l’école est une bonne chose surtout lorsque la maîtresse a de l’autorité et ne leur passe rien.
Je pense de temps à autre à la pauvre Maman avec sa houille. Que de mal elle se donne et comme je voudrais pour elle aussi que la guerre fût finie. Mais ma pauvre Mi ne nous faisons pas d’illusions, plus nous allons et plus la fin de la guerre s’éloigne. Pourvu au moins que nous ne fassions pas tous ces sacrifices en pure perte et que nos enfants du moins eux n’aient pas tous ces ennuis. Pour eux que ne ferait-on pas, n’est-ce pas Mimi.
Je t’embrasse ma petite mie, que ne t’ai-je avec moi.
As-tu vu dans les journaux la magistrale frottée que se sont fait donner les Anglais dans la mer du Nord. Quels tristes alliés ! Grand Dieu ! Tout de même on aimerait enregistrer une fois une petite victoire et on n’a jamais que des reculs, malgré tout le courage et la vaillance de nos soldats. Pourvu que finalement on ne leur laisse pas Verdun.
4 juin - ELLE.- Je regrette de t’avoir mis hier l’âme à l’envers par les nouvelles que je te donnais de notre Dédé. La fièvre est tombée grâce à tous les gargarismes et désinfectants que je lui ai fait faire hier et je le garde encore dans la chambre aujourd’hui pour qu’il puisse retourner en classe demain. Il sera simplement privé d’aller déjeuner chez tante Thérèse à midi. Je fais moi aussi la paresseuse, ne suis pas allée à la messe ce matin et me lèverai juste pour midi.
J’ai reçu hier une lettre d’un prisonnier qui m’écrivait de la part de Mlle Marchal, la petite institutrice de l’école ménagère, pour me donner de ses nouvelles et m’en demander des miennes. Il me dit qu’elle va bien et que je peux lui écrire par la Croix-Rouge à Mont, arrondissement de Briey, pays occupé. Je me demande si les mines travaillent dans cette partie.
As-tu vu dans les journaux d’hier soir la magistrale frottée que se sont fait donner les Anglais dans la mer du Nord. Quels tristes alliés ! Grand Dieu. Dans le communiqué britannique, après avoir mentionné seize bateaux coulés, ils inscrivent une phrase exquise : « Les pertes de l’ennemi sont importantes, elles sont au moins d’un croiseur de bataille détruit et d’un autre gravement avarié ». Cela fait sauter de voir des choses semblables. Je sais bien qu’il ne faut pas faire comme notre Sieur qui juge les choses qu’il ne connaît pas, mais tout de même on aimerait enregistrer une fois une petite victoire et on n’a jamais que des reculs, malgré tout le courage et la vaillance de nos soldats. Pourvu que finalement on ne leur laisse pas Verdun. Tu vas croire que je broie du noir, mais non, mon chéri, je suis seulement en mal de toi et voudrais trouver ou apercevoir un petit symptôme de la fin qui te ramènera « chez nous » dans notre chère maison abandonnée depuis si longtemps.
Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 04/06/1916 (N° 1328)
Les désillusions du Kaiser - « Encore une où je n’entrerai jamais »
Que de désillusions !... Au mois de septembre 1914, le dîner du Kaiser était commandé à l’« Astoria », le kolossal hôtel du boche Geissler. Et Guillaume II, avant de se mettre à table, devait passer sous l’Arc de Triomphe. Depuis la victoire de la Marne, le dîner a eu le temps de se refroidir ; et l’arc triomphal de la Grande Armée n’a pas subi l’injure que l’empereur des Barbares méditait de lui infliger. Alors, le Kaiser dit : « J’entrerai à Nancy ! » Et on le vit, à cheval, dans son costume de maréchal prussien, entouré d’un brillant état-major, attendre que l’accès de la noble cité des ducs de Lorraine lui fût ouvert. Mais les poilus de Castelnau lui barraient la route. Et Nancy demeura inviolé. Parmi les ruines d’Arras, il eût voulu aussi parader. Arras fut écrasé sous les bombes, mais ses portes ne s’ouvrirent pas. « Calais, alors, dit le Kaiser. Il me faut Calais ! J’y ferai une entrée triomphale, et, de la côte, je narguerai l’Angleterre. » Mais, sur l’Yser, ses bataillons furent décimés, et la route de Calais lui demeura fermée. Aujourd’hui, c’est Verdun qu’il convoite, Verdun, cette menace dressée contre la Lorraine annexée. Mais, pas plus que Paris, que Nancy, qu’Arras, que Calais, Verdun ne se laisse approcher. En vain depuis trois mois les assauts se multiplient ; en vain les cadavres allemands s’amoncellent, Verdun est toujours là-bas, inabordable ; et le Kaiser doit se dire, dans sa suprême désillusion : « Encore une où je n’entrerai pas ! »
La bataille de Verdun
Nous donnons à nos lecteurs une vue d’ensemble de ce terrain désormais historique où se déroulent, depuis le 21 février, des événements qui compteront parmi les plus considérables de l’histoire. Résumons rapidement les phases de ces combats de géants.
Du 21 au 23 février, se produit la première attaque allemande. Préparation d’artillerie formidable. Trois corps d’armée attaquent nos positions sur la ligne de Brabant-sur-Meuse au bois des Caures. La ligne française se replie. Le 24 février au matin, l’ordre arrive de tenir sur les positions de la rive droite. Les Allemands, le 25, parviennent jusqu’à Douaumont. Deux de leurs régiments d’infanterie occupent les ruines du fort : ce sera le point extrême de leur avance. Le 25 février, en effet, cinq contre-attaques françaises repoussent l’ennemi au-delà de Douaumont, et la garnison allemande du fort demeure isolée du reste des forces ennemies. Une accalmie se produit qui dure deux jours. Du 2 au 5 mars, les Allemands recommencent leurs attaques sur Douaumont et subissent des pertes considérables. Ils sont repoussés partout.
C’est alors que l’ennemi commence ses attaques à l’ouest de la Meuse. Il enlève Forges, Regneville, la cote 265 et le bois des Corbeaux, que les nôtres lui reprennent bientôt par une vigoureuse contre-attaque. Le 9 mars est marqué par l’attaque sur le village et le fort de Vaux. L’ennemi est décimé. Même résultat pour les attaques qui se produisent le 10 mars à l’ouest de Douaumont. Une nouvelle accalmie se produit du 11 au 13 mars.
Du 14 au 20, attaques sur le front Béthincourt-Cumières ; au Mort-Homme, l’ennemi subit des pertes considérables. Le 20, sur la région de Malancourt et la forêt de Hesse, l’ennemi déclenche une attaque formidable avec tous les moyens en son pouvoir : canonnade intense, mines, obus suffocants, jets de flammes, grenades. Les Allemands parviennent à s’établir dans le bois d’Avocourt. Leurs tentatives des jours suivants échouent ; et le 29, dans un combat corps à corps, nos soldats les forcent à reculer. Le réduit d’Avocourt est de nouveau en notre possession. Le 30, nouvelles attaques sur la région de Malancourt, qui coûtent à l’ennemi les pertes les plus sanglantes. Les quelques progrès qu’il a faits dans la région Haucourt-Béthincourt décident le général Pétain à évacuer la rive nord du ruisseau de Forges puis Béthincourt.
Pour ce mince résultat, les Allemands ont lutté vingt jours sans relâche et perdu 60% des effectifs engagés. En même temps, ils continuent leurs tentatives, d’ailleurs infructueuses, contre nos tranchées de Douaumont et les environs de Vaux. C’est dans cette période (nuit du 2 au 3 avril) que la division du général Mangin reprend le bois de la Caillette. « Du 4 au 9, dit le ‘Bulletin des Armées’ nous avons regagné le terrain momentanément perdu. Le 9 avril, nous sommes revenus sur tout le front de l’attaque allemande. »
Dès lors, l’ennemi va s’acharner sur le Mort-Homme, sans pour cela abandonner ses attaques vers Douaumont et vers Vaux. Toutes ces rencontres se traduisent par des succès pour nos armes. Petit à petit, les nôtres reprennent tous les avantages que les Allemands avaient péniblement acquis dans les attaques précédentes. A la fin d’avril, l’ennemi paraît épuisé. Pendant quatre jours, il se repose. Mais le 1er mai il reprend l’offensive contre le Mort-Homme et Cumières. Il est rejeté au-delà des positions qu’il occupait. C’est alors qu’abandonnant le Mort-Homme, il s’acharne sur la cote 304. Pendant sept jours il lutte sans pouvoir atteindre la hauteur convoitée.
Ainsi, peu à peu, l’ennemi, piétinant sur place, attaquant tantôt à l’est, tantôt à l’ouest, s’épuise en vains efforts. Partout il trouve devant lui l’infranchissable barrière qu’ont dressée et le génie des chefs et l’héroïsme des soldats. La légende de l’invincibilité allemande, déjà cruellement atteinte à la Marne, à l’Yser, en Champagne, achève de s’effondrer devant Verdun.
Les instantanés de la guerre (photos)
Le Kronprinz en balade
Une croix de guerre qui a sauvé la vie à son titulaire
Avant le départ pour les 1res lignes les soldats essaient leurs masques
Automobile blindée russe
Evacuation des blessés par ambulance automobile
Vague de zouaves en tirailleurs
Le ski aquatique qui vient d'être expérimenté
Un poste de commandement du génie
Le sergent Jacquemin et son chien Fend-l'air
Sentinelle à l'entrée d'Ablain-St-Nazaire
Patrouille allemande dans la baie de Riga
L'aviateur Thirouin et ses deux protégés, le petit serbe Sinichal et le chien Flock
Thèmes qui pourraient être développés
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