14-18Hebdo

14-18Hebdo

Journal de la Grande Guerre de quelques ancêtres des familles Farret, Cambon et Broquisse - 5 - Décembre 1914

Olivier Farret – 28-09-2016

 

Le 4 décembre, six soldats du 298e RI, faussement accusés d’abandon de poste devant l’ennemi sur le plateau de Vingré [au nord-ouest de Soissons], sont condamnés à mort et fusillés. Ils seront réhabilités par la Cour de cassation en janvier 1921. De violents combats se déroulent en Champagne et en Argonne.

 

Le régiment de Paul Farret (111e RI) qui cantonnait au Mort-Homme monte en ligne, devant appuyer les régiments du 5e Corps d’Armée qui attaque Vauquois. Le 20 décembre, le 111e est lancé dans deux attaques sur un saillant allemand, qui se soldent par deux échecs ainsi que la perte de 600 hommes. Ces boyaux sont surnommés par les Poilus « tranchées de la mort » tant les pertes sont élevées.

 

Le 29 décembre, le régiment d’André Farret participe à une attaque générale du 6e CA, qui a pour but de chasser les Allemands de la tranchée de Calonne.

 

En cette fin de première année du conflit, les familles se sont installées dans la guerre, avec la préoccupation constante de soutenir leurs proches, maris, enfants qui sont au front : « Bonnes nouvelles des soldats de la famille. » L’abondante correspondance de la famille de Jean Broquisse nous permet de suivre presque au jour le jour le déroulement de la guerre ; lettres, cartes, photos sont souvent échangées. Jean Broquisse évoque son départ du camp de Souge. L’inquiétude et l’émotion transparaissent dans les lettres de sa mère. Le 31 décembre, il reçoit une lettre de sa grand-mère Alice Roudier :

 

« […] Tant de choses sont différentes cette année. Te voilà soldat, caporal habile puisque tu formes des élèves. Que Dieu te bénisse pendant cette nouvelle année et t’accompagne dans la grande tâche que tu as à accomplir. […] Ta vieille grand-mère qui t’aime tant. »

 

Pierre Farret est toujours en poste sur le torpilleur 330 basé à Bizerte. Les 26 torpilleurs aux abords de l’Adriatique sont en alerte pour « faire une démonstration consistant à bombarder les forts de l’entrée des Dardanelles. »

 

Alors que c’est l’amiral de Lapeyrère qui est le commandant en chef pour les opérations en Méditerranée, l’Amirauté britannique envoie directement des ordres à ses unités et des dissensions apparaissent entre les deux États-majors. Les enjeux sont importants : surveillance des convois entre l’AFN et la métropole, blocus de l’Adriatique contre la flotte autrichienne, surveillance de l’Asie mineure, de la Syrie et du canal de Suez. Dans un mémorandum du 28 décembre 1914 adressé à l’Amirauté britannique, le ministre de la marine propose « que les forces navales destinées à opérer aux Dardanelles et sur les côtes d’Asie mineure et de Syrie jusqu’à Jaffa dans le sud soient placées sous les ordres d’un vice-amiral français, assisté, si l’Amirauté le juge bon, d’un contre-amiral anglais ». Le commandant de cette force navale serait sous l’autorité de l’amiral de Lapeyrère. Le projet de l’expédition contre la presqu’île de Gallipoli se met lentement en place. Winston Churchill l’envisage depuis plusieurs semaines, soutenant que la meilleure façon de défendre l’Egypte est de franchir les Dardanelles et de venir dicter les conditions à Constantinople. (Adolphe Laurens).

 

 

Etienne et Marie Farret, mes arrière-grands-parents, qui résident à Toulon, attendent dans l’angoisse des nouvelles de leurs trois fils. Paul, à peine remis de ses blessures, est sur le front de la Meuse, André est aux Eparges, Pierre est en Méditerranée. Des fenêtres de leur appartement, avenue Vauban, ils peuvent apercevoir les détachements de soldats montant vers la gare et les nombreux blessés évacués vers les hôpitaux de la ville. Avec les familles d’André et de Pierre Farret, ils doivent se soutenir mutuellement dans cette guerre dont on ne voit pas l’issue en cette fin de 1914.

 

À Montpellier, la famille Cambon est toujours dans une tristesse infinie avec l’absence de nouvelles d’Eugène. Hélas, la mort de Marcel semble confirmée par ses compagnons d’armes, mais sans certitude officielle. Dans cette période pleine de tourments, Yvonne Farret qui attend un enfant, et son fils Maurice espèrent des nouvelles de Paul. Avec sa sœur Fernande elles résident chez leurs parents, à proximité de la promenade du Peyrou, ancienne place royale avec son arc de triomphe, la statue équestre de Louis XIV et le château d’eau monumental.

 

Après cinq mois de conflit, l’issue de la guerre est incertaine. Les Français, soldats et familles, comprennent qu’elle sera longue. Les durs combats de 1914 ont fixé le front de la mer du Nord à la frontière suisse. Les armées s’enterrent, élaborent des lignes de défense séparées de l’ennemi par le no man’s land. Chaque chef de bataillon est responsable de son secteur et commande ce système défensif complexe qui comprend barbelés, tranchées, nids de mitrailleuses, abris, postes de secours et boyaux de communication.

 

En ce 31 décembre, la France a sauvé l’essentiel : elle a échappé à la défaite ; avec ses alliés, elle a contenu l’adversaire. Mais à quel prix ? Les pertes humaines sont terrifiantes : plus de 300 000 tués et 600 000 blessés, prisonniers ou disparus, soit 900 000 hommes hors de combat pour l’armée française. En face, l’Allemagne a perdu 800 000 hommes. La France se couvre de structures sanitaires. A la fin de 1914, on recense 414 000 lits dans 5202 hôpitaux. Ainsi toutes les villes et les villages de France sont concernés. Pour pallier à la fonte des effectifs, la classe 15 est recensée afin d’être incorporée par anticipation. 

 

Sources

  • ·       Adolphe Laurens, Le commandement naval en Méditerranée, Payot, 1931.


02/12/2016
1 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 387 autres membres