14-18Hebdo

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Journal de la Grande Guerre de quelques ancêtres des familles Farret, Cambon et Broquisse - 26 - Septembre 1916

Olivier Farret – 18-07-2017

 

Le 2 septembre, sur la proposition du général Ludendorff, Hindenburg décide d’arrêter toute action offensive dans le secteur de Verdun. La Ve armée allemande doit s’installer en position de résistance de longue durée.

 

Le 4 septembre au soir, sur le front de Verdun, l’explosion accidentelle d’un dépôt de fusées provoque un incendie dans le tunnel de Tavannes, à proximité de Fleury. Près de 800 hommes meurent dans ce tunnel ferroviaire maladroitement réaménagé en dépôt de munitions, lieu de passage et siège d’états-majors et de formations sanitaires.

 

 

Sur la Somme, c’est la reprise de l’offensive franco-britannique, le 3 septembre, à la jonction entre les deux armées, près de Combles. Le général Haig présente à Joffre les « cuirassés terrestres » anglais dont il espère disposer de 50 exemplaires pour sa prochaine offensive.

 

Le 12 septembre est la journée du « fol espoir ». L’armée du général Fayolle attaque au nord de Péronne. Les brigades de chasseurs et les régiments d’infanterie se rue à l’assaut de la tranchée des Berlingots, longue de 8 km, l’enlève et prennent le village de Bouchavesnes en fin de journée. En face, c’est le trou. Une seule tranchée allemande et c’est le débouché en rase campagne et, finalement, la percée tant espérée ! Il fait nuit. On décide d’attaquer le lendemain, à l’aube.

 

Le 13, les Allemands se sont ressaisis et opposent une résistance farouche qui bloque toutes les attaques. L’armée française vient de passer très près d’une grande victoire.

 

Farret26 image1 Carte Bouchavesnes.jpg

Attaque de Bouchavesnes, 12 – 14 septembre 1916

www.vincent-juillet.fr

 

Le 15 septembre, sur le front de la Somme, a lieu la première attaque de chars de l’Histoire.

 

Le paradoxe est d’autant plus curieux que les premiers chars ne sont en rien destinés à cette guerre de mouvement dont les états-majors rêvent depuis l’hiver 1914. Au contraire, leur raison d’être ne tient qu’à la ligne de tranchées qui s’étend de la mer du Nord à la Suisse. Puisque toutes les tentatives d’offensives alliées de l’année 1915 ont échoué, il est nécessaire de trouver une nouvelle arme, spécialement adaptée à la guerre des tranchées. Ainsi nait l’idée de cuirassé terrestre. (Yves Buffetaut)

 

Winston Churchill est à l’origine de cette nouvelle arme, dont on a commencé les essais en janvier 1915, sous le nom de code « tank – réservoir » pour la dissimuler aux espions ennemis. Le Mark I, équipé de cinq mitrailleuses, pèse 30 tonnes, roule à 6 km/h avec une autonomie de 20 km. Son équipage comprend un officier, quatre tireurs et deux mécaniciens. Des tanks Mark, dits mâles, sont armés de 2 canons et de 4 mitrailleuses Son grand avantage est le franchissement des barbelés et des tranchées et détruit tout sur son passage, tout en créant la panique chez l’adversaire. Leur présence est déterminante pour que les Allemands se rendent : un officier prisonnier s’exclame même que l’usage des tanks n’est « plus la guerre mais une foutue boucherie. »

 

Trente-six tanks britanniques Mark I sont déployés lors de la bataille de Flers-Courcelette au départ de Pozières (ceux-ci arrivés par chemin de fer) ; 27 atteindront la ligne de front allemande et 12 ont vraiment joué un rôle dans la capture des tranchées et la reprise de Flers. Le terrain bourbeux, à cause des pluies incessantes, ou trop boisé, les avaries mécaniques, ont fait dire de l’apparition du tank « très précieux essai à usage prématuré. » (Louis Marchis, SMLH).

 

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Tanks Mark 1 lors de la bataille de Flers-Courcelette

Tanks-encyclopedia.com

 

 

La 40e division française est appelée sur le champ de bataille de la Somme. Le 161e de Paul Farret et le 150e RI embarquent à Bayon le 10 septembre. Ils cantonnent ensuite à Crèvecœur où ils poursuivent leur entrainement pendant quinze jours avant de monter en ligne le 28 septembre entre Rancourt et Sailly-Sallisel, à 20 km au nord de Péronne (voir carte du front de la Somme). Le secteur se trouve dans la hernie que le commandement veut élargir entre Combles et Péronne. Devant l’organisation ennemie des Portes de fer, fortement défendue et couverte par de nombreux réseaux qu’il va falloir enlever, la plaine n’est qu’un vaste champ d’entonnoirs que notre artillerie martèle sans cesse. (Capitaine Ensalès, 1917)

 

 

Durant le mois de septembre, André Farret et le 173e RI occupent successivement la cote 304 et les positions du Réduit et du bois d’Avocourt. En dehors d’une attaque locale sur le Réduit d’Avocourt, aisément repoussée par nos grenadiers, aucun fait saillant ne se produira.

 

 

Au cours d’une permission de 6 jours, Jean Broquisse retrouve pour quelques jours la douceur familiale au château du Soulat, à Juillac, près de Castillon-la-Bataille. La séparation est toujours douloureuse :

« Il semble qu’il n’y a plus personne depuis que tu es parti ! Je t’assure que tu tiens une fameuse place, mon pauvre vieux » lui écrit Inès, une de ses sœurs, « Les communiqués continuent d’être bien encourageants. Malgré leurs efforts, ils ne peuvent reprendre pied, ces sales Boches. Et ce grand nombre de prisonniers est très significatif. Quelle gloire de triompher de forces pareilles ! Et pendant qu’on se bat si furieusement, nous avons des journées exquises. Mais on a des remords de jouir de ces heureux moments quand on pense que la bataille fait rage dans l’Europe entière, quelle anomalie et absurde que la guerre ! »

 

Dans une lettre du 15 septembre, Jean Broquisse écrit :

« Je suis actuellement dans un village ayant appartenu aux Boches, paraît-il, et ma foi, pas mal du tout. On entend l’éternelle pétarade de la Somme très distinctement. Qu’est-ce qu’on leur casse ! Très près de nous un collègue d’Élie [Gillet] monte la garde dans sa saucisse. Ce matin, un avion boche l’a contraint à descendre. Heureusement que les nouvelles sont bonnes sur la majorité des fronts. Bref ! On se prépare à l’assaut final.»

 

Le contrôle de l’information revêt en temps de guerre, une importance capitale pour les autorités civiles et militaires. Dès le 2 août 1914, est créé le Bureau de la presse, avec des antennes dans les régions afin de contrôler la circulation des informations. Ainsi ne seront diffusées que les nouvelles et les communiqués choisis par les autorités, de même que les articles de presse pourront être censurés de façon partielle ou totale. Les contrevenants sont passibles de la justice militaire. (Jean-Yves Le Naour, 2008)

 

Sa mère lui écrit du Soulat pour évoquer les vendanges :

« Voilà nos vendanges en train et heureusement cela commence très bien ! Nous avons tout le personnel demandé : dix coupeurs, deux porteurs, un vide paniers, deux hommes au cuvier et Tihet surveillant général. Nous avons un porteur estropié qui a une main et l’avant-bras inerte mais il est très adroit et a beaucoup de force. Il y a deux jeunes gens dont un soldat médaillé. Les Tchèques fournissent un bon renfort… il y a plusieurs propriétaires autour de nous qui n’ont pas pu réunir de troupe. »

 

 

Dans les Balkans, la situation militaire s’aggrave mais le général Sarrail arrive à contenir une offensive germano-bulgare lancée de toutes parts contre la tête de pont alliée. Sur ordre du général Joffre, Sarrail doit attaquer, aidé par les Britanniques qui feront diversion en Macédoine orientale face à la Bulgarie. À Athènes les fusiliers marins garde la légation de France, menacée par les royalistes. À Salonique, une escadre légère grecque rallie Venizélos. La Provence de l’amiral Dartige suivi de son escadre, navigue vers Salamine où elle mouille jusqu’au début octobre. Pierre Farret responsable du service des torpilles ne cesse d’entrainer ses hommes face à la menace sous-marine grandissante.

 

L’U 72, grand sous-marin mouilleur de mines, entre en Méditerranée le 7 septembre. Il mouille huit engins devant Oran sur lesquels deux vapeurs vont couler, puis neuf autres à la hauteur du cap Gardia dans l’est du chenal de Bizerte. Du 17 septembre au 5 octobre, l’U 35 de Von Arnauld de la Perière envoie par le fond 70 000 tonnes de plus. (Marc Saibène)

 

Avec l’échec devant Verdun, avec la bataille de la Somme, véritable guerre d’usure, la suprématie allemande vacille. Le capitaine von Henting, de l’état-major général de la division de réserve de la garde confirme ce jugement :

« La Somme est la tombe boueuse de l’armée allemande et de la confiance dans l’infaillibilité de la primauté allemande, creusée par l’industrie britannique et ses obus. Le commandement suprême allemand qui débuta la guerre avec une énorme supériorité est vaincu par la supériorité technique de ses adversaires et obligé de jeter division après division, sans protection, dans le chaudron de la bataille d’annihilation. »

 

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Douille de fusée éclairante.

Au recto Somme 1916, au verso branche de chêne sur un fond de laiton repoussé.

Coll. privée.

 

Sources

Yves Buffetaut, L’Infantry Tank, 1916-1918, Ysec, 2017.

 



21/07/2017
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