14-18Hebdo

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Henry Novel – Lettres à ses parents (1914-1918) – 13- Avril 1918

 

Henry Novel, 17 ans en 1914, est mobilisé en 1916 à Chambéry puis rejoint le front en 1917. Futur étudiant en médecine il est affecté à des services d’ambulance. Il correspond régulièrement avec ses parents qui habitent Grenoble où son père exerce la profession d’avoué.

Document transmis par Michel Novel, son fils - 19/10/2015

 

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Georges et Henry Novel

 

 

Ce lundi de Pâques (01/04/1918)

Voilà deux jours de fêtes bien tristement passés. On sait tellement peu comment l'on vit que ce n'est qu'hier en dinant que je me suis aperçu que c'était le dimanche de Pâques... et je n'étais pas le seul à faire cette découverte !!!!

 

Il pleut toujours mais moins fort et mon inondation s'est laissée canaliser à l'aide d'une vieille tôle dans une imposante série de gamelles…

 

Nous allons quitter ce secteur dans deux ou trois jours - peut-être plus tôt - pour aller non loin d'ici mais toujours en secteur. Je crois cependant que nous resterons quelques temps en réserve avant de remonter en ligne quoique maintenant les repos vont se faire rares car les divisions doivent s'user vite à arrêter la terrible poussée boche. Depuis quelques jours, les journaux ne nous apportent que de bonnes nouvelles, nous avons enfin un chef unique[1] et les Anglais se sont tout de même aperçu qu'à eux seuls ils n'étaient pas capables de faire beaucoup de travail.

 

Je termine cette lettre car on m'appelle pour la grande réjouissance du coin : il y a battue aux rats !!! Des rats gros comme des lapins qui courent partout et que l'on chasse le soir à coups de bâtons...

 

Je vous embrasse tous bien affectueusement.

 

Ce 5 avril (05/04/1918 ?)

Mes chers Parents,

 

Je viens de passer une nuit sur les grandes routes et quelles grandes routes et je m'apprête à passer cette nuit de même ; il est 8 heures et nous partons dans deux heures pour aller en réserve de bataillon pendant une huitaine avant de remonter en ligne. Nous sommes dans le secteur voisin de celui que nous avons quitté hier soir et dans un coin autrefois très agité mais maintenant assez calme.

 

Il y a quelques jours que je n'ai reçu aucune lettre. Je suppose que vous avez profité des fêtes de Pâques pour aller à Murianette comme Maman me le disait et que c'est la seule cause à cette absence de nouvelles.

Je voulais envoyer un paquet de tabac à Papa mais malheureusement il est maintenant impossible de s'en procurer et c'est à peine si je puis arriver à trouver de quoi remplir ma pipe qui, avec la vie que nous menons, tend à bruler d'une façon continue...

 

Comment va Albert ? Est-il toujours dans les Vosges ?

 

Je vous embrasse tous.

 

Ce 9 avril (1918 ?)

Mes chers Parents,

 

Dans une lettre reçue hier Maman s'étonne de ne pas avoir de lettres de moi depuis cinq jours. J'ai pourtant comme d'habitude écrit régulièrement tous les deux ou trois jours mais d'après les lettres de mes camarades toutes les familles se plaignent du manque de nouvelles et la correspondance du front a dû être arrêtée pour quelques jours.

 

Je suis toujours au même endroit, me préparant à monter dans deux ou trois jours en ligne où nous ne serons ni plus mal ni plus exposés qu'ici. C'est dommage que je ne puisse vous raconter tout ce qui se passe ici car je pourrais vous écrire des lettres plus intéressantes que toutes celles que je vous envoie. Je vous raconterai tout cela en permission. Je ne sais pas trop à quelle époque car voilà quelques temps que les permissions sont suspendues et elles n'ont pas l'air de se presser de reprendre.

 

Je vous demanderai de m'envoyer certaines choses dont j'ai besoin et qu’il m'est difficile de me procurer ici. Je voudrais un bloc de papier à lettres et une boite d'enveloppes, à force d'être fumée ma pipe actuelle a le bout coupé par les dents ! Et aurait besoin de la réforme, je demanderai à Papa de me la remplacer et en revanche je crois pouvoir lui expédier sous peu quelques paquets de tabac obtenus par de savantes combinaisons diplomatiques !!!

 

En attendant de vos nouvelles, je vous embrasse tous bien affectueusement.

 

Ce 21 avril (21/04/1918 ?)

Mes chers Parents,

 

Voilà le froid revenu depuis hier, il a neigé un peu et ce matin il gelait ferme. Heureusement qu'au fond de mon trou, car je suis à 6 ou 7 mètres sous terre je ne sens pas la température extérieure et que de plus j'ai une bonne cheminée qui pompe un peu l'humidité plus gênante encore que le froid. Nous sommes toujours assez tranquilles et notre fin de séjour en ligne s'approche.

 

Je vous envoie dans cette lettre une photo prise il y a quelques temps déjà au cours d'une marche avant notre premier séjour en ligne.

 

La vie est tellement terne ici que je ne sais guère que vous dire dans mes lettres et je ne vous écris que pour ne pas vous laisser sans nouvelles aussi je vous prie d'excuser la brièveté de ce mot que je termine en vous embrassant tous bien affectueusement.

 

Ce 22 avril (22/04/1918)

Mes chers Parents,

 

Toujours rien de neuf nous descendons en soutien demain ou après demain et dans une huitaine de jours je crois que nous irons enfin faire un tour dans des pays plus civilisés.

 

Je vous envoie dans cette lettre une photo, ratée, prise devant mon poste de secours en soutien. Les taches noires que vous verrez sur la photo sont dues au camouflage tendu au dessus de l'entrée que l'on aperçoit au fond pénétrant dans le talus. On m'a promis d'en refaire ces jours ci et je vous les enverrai dès que je les aurai.

 

Je ne sais pas encore où est Georges je lui ai envoyé un mot resté sans réponse il y à déjà quelques temps et votre dernière lettre ne me dit pas où il est.

 

Que devient Albert ?

 

Je vous embrasse tous.

 

Ce 28 avril (tampon de la poste pour le mois) (28/04/1918 ?)

Mes chers Parents,

 

La poste devient vraiment étonnante de rapidité j'ai reçu hier une lettre de Papa du 23 et trois paquets contenant cigarettes, chocolat, cartes lettres, plum-cake et conserves, et toile cirée. Vous avez eu une idée merveilleuse de m'envoyer la toile cirée de l'auto, je l'ai immédiatement étendue entre le sol et ma paille qui commençait à prendre des allures d'éponge humide malgré le beau temps que nous avons depuis une huitaine. Vous avez dû ou vous allez recevoir une lettre longue et détaillée de moi. J'ai été enchanté d'apprendre que Georges était toujours à Lyon et qu'il aurait encore sept jours de permission avant de repartir. Son bataillon est dans la région mais je ne sais pas où et je ne désespère pas de voir Georges à son passage ici si toutefois il prend cette ligne pour rejoindre.

 

Depuis hier le travail a repris un peu chez moi et depuis deux jours ou plutôt deux nuits nous avons avec une régularité désespérante la visite des taubes. Ces oiseaux là sont, indirectement surtout, dangereux à cause de toute la ferraille de nos canons spéciaux et de nos mitrailleuses qui nous retombe dessus en menus morceaux. Leurs bombes à eux font de grands trous dans les prés et un boucan épouvantable.

 

Il a paru ces jours ci une circulaire de médecin d'armée auquel nous appartenons indiquant que nous devions faire en 6 mois deux mois de chirurgie et deux mois de médecine dans un H.O.E. puis deux mois dans une ambulance divisionnaire, ce qui est déjà un petit acheminement, maintenant il est vrai que les circulaires sont si souvent faites pour ne pas être appliquées !

 

J'apprends que Maurice fait le soldat ; qu'il ne désespère pas, je vois tous les jours des prisonniers boches qui ont l'air guère plus âgés que lui, tous les prisonniers faits ici sont du reste très jeunes.

 

Je termine ma lettre pour aller reprendre mon travail en vous envoyant à tous mes meilleurs baisers.

 

Ce 29 avril 1918 (tampon de la poste pour l'année)

Mes chers Parents,

 

Arrivé hier pour suivre le cours de gaz dont je vous avais parlé, je commence à regretter ma cagna. Les cours sont aussi peu intéressants que possible et depuis mon arrivée il tombe des torrents d'eau qui empêchent absolument toute balade. Au surplus ces cours se font dans un camp au moins aussi boueux que les boyaux en sorte que cela n'a rien d'agréable du tout.

 

Je pense trouver de vos nouvelles en rentrant après demain car je n'ai pas fait suivre mes lettres ici pour deux jours.

 

Je vous annonçais dans une lettre récente que nous allions redescendre au repos mais hélas il n'en est rien et dans quatre ou cinq jours, nous allons remonter pour la nième fois en ligne. Je commence à m'embêter sérieusement dans ce pays et j'attends impatiemment le mois de juin pour voir venir la permission qui pour la première fois a mis quatre mois à venir.

 

Je vous embrasse tous.

A suivre…



[1] Le général Foch



18/03/2016
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