14-18Hebdo

14-18Hebdo

Ephémérides de l'occupation 1914-1918 (Louise Bonte) 3/4 : 1916

En 1914, le Nord est en zone d'occupation. A Roubaix, Louise Bonte, 21 ans, se porte volontaire comme ambulancière. Son père, industriel, a créé une entreprise de négoce de laine. Elle a trois frères. Félix, qui mourra en bas âge. Pierre, mon père, 18 ans en 1914, est envoyé à Leeds (Angleterre) pour faire des études de textile ; en 1915, il est mobilisé à Bergerac, puis envoyé au front sur la Somme et au Chemin des Dames. Le plus jeune Adrien, 16 ans en 1914, attend sa mobilisation.

Document transmis par Michel Bonte, son neveu - 05/09/2014

1916

3 janvier

Réquisition des "lavabos" à "Maufait". Par la même occasion, les Allemands y cherchent du cuivre qu'il n'y a pas.

4 janvier

Ils fixent un prix maximum de la viande et ne laissent rien passer...

5 janvier

A Tourcoing, un gendarme tue un homme qui, étant arrêté, a tenté de se sauver.

6 janvier

De nouveaux 5 obus inoffensifs sont tombés sur Lille.

11 janvier

Revue d'Appel pour Adrien.

Désormais les Revues d'Appel commencent pour les jeunes gens nés en 1899 et se terminent avec les hommes nés en 1866.

Chez Madame Ternynck est arrivé le roi de Bavière et son état-major.

Ce matin, vers 3 heures, détonation, ébranlement : c'est l'arsenal de Lille qui a sauté ; jusque dans notre quartier, il y a eu des vitres cassées. L'explosion a provoqué l'incendie du dépôt de munitions, le bastion situé à Fives entre les portes de Douai et de Valenciennes, deux usines, les hangars, et les aéroplanes du champ d'aviation sont rasés, les maisons écroulées, c'est un quartier détruit. Les dégâts sont considérables, s'étendant dans toute la ville. Les Allemands ont l'audace de promettre une prime de 1 000 marks à qui mettra sur la voie du coupable... et eux n'hésitent pas à installer des dépôts de munitions dans nos villes populeuses : à Roubaix et à Tourcoing comme à Lille.

12 janvier

Un aéroplane anglais touché a pris feu ; les malheureux aviateurs étaient carbonisés quand l'appareil est tombé : l'un était mort, l'autre avait fait marcher sa mitrailleuse jusqu'au dernier moment.

14 janvier

Les aviateurs anglais ont été enterrés au cimetière de Roubaix.

15 janvier

Ce matin ont eu lieu à Lille les funérailles de 89 victimes de l'explosion. Mgr Charost a donné l'absoute. Aujourd'hui, le nombre des victimes retirées des décombres s'élève à 116.

Le roi de Bavière est parti ce matin.

16 janvier

Cette nuit, de nouveaux obus sont tombés sur Lille.

17 janvier

Aujourd'hui, nous avons de tristes nouvelles de Péronne, pauvre tante qui a été si isolée jusqu'à la fin !

21 janvier

Une bonne lettre de Pierre du 6/10 !

23 janvier

L'ordonnance de von Bülow, le commandant de la gare, s'est suicidé.

24 janvier

Grand branle-bas dans le quartier : Mrs E. Roussel, Terniaz, Serive, Hannart et d'autres, doivent abandonner leurs maisons. L'état-major commandant la 6ème armée quitte La Madeleine pour s'installer ici. Nous sommes menacés d'une cuisine pour 30 hommes !...

3 février

Le roi de Wurtemberg (?) logé depuis quatre jours chez Madame Vanoutryve est parti.

7 février

Il est officiel que l'état-major ne quitte pas la Madeleine ; les Allemands travaillaient avec activité aux préparatifs, tout est abandonné.

12 février

Affiche : Moritz, le chien de "Mr le commandant" est perdu, récompense à qui le rapportera.

13 février

Les aéroplanes alliés viennent maintenant par escadrilles nombreuses ; aujourd'hui, 8 aéros ont été attaqués, nous avons suivi leurs évolutions. Le combat s'est terminé par la descente de 3 aéros allemands.

14 février

Encore une émotion, c'est une explosion à Comines...

15 février

Affiche : Inscription de toutes les personnes âgées de plus de 14 ans.

17 février

Nous avons été tous les 4 nous faire inscrire et obtenir les cartes d'identité exigées.

26 février

Les "voleurs" enlèvent les fils électriques à "Maufait".

27 février

Les prisonniers civils, rentrés du camp de Darmstadt, rapportaient des nouvelles de prisonniers pris à Verdun ces jours-ci.

Les "boches" sont de plus en plus féroces, ils tirent sans avertissement ; tous les jours, il y a des passeurs tués ou blessés. C'est que la vie augmente toujours : 1 kilo de bœuf : 17 frs ; le beurre : 20 frs, à Lille : 24 frs et les pommes de terre 1 fr,20, quand il y en a ; les carottes : 1 fr,60.

6 mars

Adrien enrhumé, ne pouvant aller à la Revue d'Appel, Papa a fait timbrer sa carte.

9 mars

Nouvelle mesure : plus d'éclairage apparent après 7 h. du soir (all.).

12 mars

L'autorité allemande a exigé la déclaration des chiens, puis le paiement d'une taxe. Et aujourd'hui, ils défendent de tirer sur les chiens, ce que tant de personnes font pour ne pas donner d'argent aux Allemands. Il est plus patriote de faire de la prison que de payer une amende qui alimente leur trésor de guerre.

13 mars

La police de la ville fait le relevé des lits sur l'ordre des Allemands... aussi, on cache...

14 mars

Consignation de la chicorée.

15 mars

Consignation des machines à écrire.

17 mars

La vie devient de plus en plus difficile ; le peuple à bout se révolte : aux halles, il y a eu des émeutes et des épiceries ont été pillées.

19 mars

Affiche : défense de faire des rassemblements devant les magasins.

22 mars

Von Bülow, le commandant de la gare et président du conseil de guerre, est parti.

24 mars

Mr de Laulier, arrêté depuis un mois sous l'inculpation d'avoir aidé un militaire à se cacher, est acquitté : l'individu qu'il avait aidé, ayant déjà subi plusieurs condamnations, ne tombait plus sous les lois militaires.

La frontière belge est toujours sévèrement gardée, rien ne passe : à prix d'or, on ne trouverait pas une pomme de terre ; même d'une ville à l'autre, il est défendu de circuler avec des vivres. Le ravitaillement hollandais distribue de la viande en ce moment. Quant aux lettres, elles sont de plus en plus rares, heureusement que nous avons de temps en temps des nouvelles de Pierre par des prisonniers.

26 mars

Les Allemands ont trouvé quelque chose de neuf : ils ordonnent de cultiver des légumes.

27 mars

Nouveau recensement des lits.

5 aéros alliés sont passés au-dessus de la ville emmenant un Allemand prisonnier. Ils ont été attaqués, un obus est tombé à l'Epeule, rue Saint Roch.

3 avril

Adrien s'est présenté ce matin à la Revue d'Appel ; des mesures plus sévères ont été prises, aussi beaucoup d'hommes, redoutant un coup de filet, se sont fait porter malades.

Par un prisonnier, nous apprenons que Pierre est instructeur de la classe 17 à Bergerac ; en même temps, nous avons une petite photographie de lui.

Une affiche alléchante offre du travail aux ouvriers : il s'agit de déboiser la forêt de Mormal ; bon salaire, bonne nourriture, etc. Le soir, personne ne s'est présenté, alors ils font des rafles.

Ils vont chercher des ouvriers chez eux.

Tous les jours, il part des trains d'hommes et femmes, 1 500 aujourd'hui partis au chant de la Marseillaise.

Est-ce vraiment pour les faire travailler ? Est-ce un commencement d'évacuation ? On ne sait que penser. Qu'adviendra-t-il d'Adrien, actuellement au repos pour un rhumatisme ? Pour ne pas être pris au dépourvu, nous commençons ses préparatifs.

18 avril

Beaucoup de troupes sont arrivées ici, c'est la Garde impériale.

19 avril

Papa qui nous aide dans le ravitaillement, a été arrêté et visité en revenant de Flers. C'est que la vie est chère : le bœuf : 24 frs ; les œufs : 60 c. ; le sucre : 6 frs ; les pommes de terre : 1 fr 25, et tout cela quasi introuvable. Nous allons cultiver un peu de légumes dans le jardin et nous pensons à faire de l'élevage de lapins.

20 avril

Proclamation du général commandant : des habitants vont être évacués pour être occupés à des travaux agricoles, suit l'injonction de s'y conformer avec ordre et obéissance. C'est au son de leurs fifres qu'il faut lire l'affiche : panique, affolement, on songe à ses préparatifs.

22 avril

Nouvelle alerte : les quartiers du Fontenoy, rue Daubenton, etc., barricades..., des hommes, jeunes gens, jeunes filles, de toutes conditions sont entassés ; un grand nombre sont relâchés, mais un train en a emmenés beaucoup.

24 avril

Cette nuit la mairie de Lille a brûlé, il ne reste rien des archives, des bons de réquisition... Quelques jours après leur arrivée à Lille, c'était le lycée qui brûlait, aujourd'hui c'est la mairie, on est tenté de se demander : y sont-ils pour quelque chose ?

Ce matin, même manège que samedi dans les rues de Mouveaux, St Georges, Nain, etc. Les gens sont emmenés dans une usine rue d'Avelghem où le triage se fait ; grâce à l'intermédiaire de la Croix-Rouge qui se prodigue avec beaucoup de dévouement, il ne part presque exclusivement que des chômeurs et chômeuses qui sont enfournés dans des wagons à bestiaux et expédiés vers une destination inconnue.

120 élèves de l'Institut Turgot sont partis.

25 avril

Ce matin, c'était au nouveau Roubaix, rue de Lannoy, boulevard Gambetta.

26 avril

A Wattrelos.

27 avril

Au Pile, Marie a été prise et relâchée ; d'ailleurs aujourd'hui, ils n'ont gardé aucune femme. C'est vers 2 h. à 4 h. du matin qu'ils se présentent dans les maisons, tout le monde doit descendre et avoir l'humiliation d'être examiné par l'officier qui fait son choix ; ensuite c'est comme des bêtes de somme que sont traités les malheureux. Papa et Adrien ont des cartes d'immunité comme occupés au service des réquisitions ; j'ai ma carte de la Croix Rouge ; n'importe, nos musettes sont prêtes.

Ignorant ce que l'avenir nous réserve, nous faisons l'inventaire de la maison ; il y a tout à craindre : pillage, bombardement...

Plusieurs Messieurs de Roubaix, Mrs René Wibaux, Lalouette, Lesur, etc. ont été arrêtés pour espionnage.

28 avril

Une bonne lettre de Pierre du 2 avril. Il est toujours à Bergerac, instructeur de la classe.

30 avril

Les rafles ont repris ce matin dans les rues de Lille, d'lnkermann, du Pays, Pellart, de l'Ommelet,... Il fallait 2 000 personnes aujourd'hui. A chaque départ, il est réconfortant de voir tous ces pauvres gens pleins d'entrain chantant en protestation "la Marseillaise", "Flotte petit drapeau" et criant : "Vive la France".

31 avril

Même aujourd'hui dimanche, arrestations à Mouveaux.

1er mai

Heure d'été.

Les Allemands opèrent aujourd'hui rue des Arts, au Pile, au nouveau Roubaix. Les employés de la ville sont convoqués. De Brabander expédié en Allemagne

2 mai

Les évacuations sont arrêtées.

Ces "Messieurs" fourrent leur nez dans les banques.

3 mai

A la Revue d'Appel, Adrien s'est fait mettre au coin... pour n'avoir pas salué l'officier.

A Tourcoing, est arrivé de l'oncle Ernest, par la Croix Rouge : " Santé, Besoin nouvelles".

4 mai

Passage d'évacués de Courtrai qui vont travailler au champ d'aviation.

5 mai

Une longue lettre de Jeanne du 3 avril nous donnant de bonnes nouvelles de Pierre (Bergerac) et de toute la famille, André C. blessé.

12 mai

Mrs Lalouette et Lesur relâchés, R. Wibaux retenu ; 85 arrestations ont été opérées.

22 mai

Une lettre de Madeleine du 29 avril ; bonnes nouvelles de Pierre et de tous. En ce moment, le service "Rodolphe" marche très bien.

25 mai

Nous recevons une photo de Pierre dans le nouvel uniforme, sans doute par Monsieur Guérin, intermédiaire entre les deux gouvernements pour le ravitaillement.

26 mai

A Leers, Hofmann, en personne, fait évacuer les maisons les plus proches de la frontière. La fraude est un art, mais si les "fonceurs" gagnent de l'argent, ils ont aussi bien des risques. Le beurre coûte : 16 frs, les œufs : 65 c., le sucre : 9frs50, une poule : 25 frs, la farine : 3 frs 50 ; nous avons payé un jambon : 161frs20.

30 mai

Et pour faciliter les choses, les "boches" prélèvent les œufs qu'ils paient 20c !

1er juin

A neuf heures du soir, un ballon captif a survolé la ville, on a tiré. Etait-ce un allié ou un allemand ? Est-il descendu ? Où allait-il ? Mystère.

7 juin

Affiche : Les familles des évacués civils peuvent leur envoyer : seaux, cuvettes, toiles à paillasse, linge, couverts, tables, etc. On a un peu de leurs nouvelles : ils cultivent la terre ou sont occupés à d'autres travaux, dans les Ardennes.

20 juin

Nous sommes vraiment favorisés : encore une bonne lettre de Pierre du 30 mai : il est dans l'Oise, mais qu'y fait-il ?

25 juin

Blankerburg, du service des réquisitions à la Banque de France, est parti. Il y a ici le minimum de troupes. Trait significatif de leur caractère : en l'absence du pasteur, le prêtre catholique est là pour l'office protestant.

27 juin

"L'Oiseau de France" dont nous étions privés, reparaît.

30 juin

Consignation des cochons d'Inde.

1er juillet

Hier soir, une escadrille de 11 aéros alliés a survolé Roubaix puis Lille ; on a tiré ; un obus allemand est tombé sur l'église St Sauveur, au moment de la procession, blessant plusieurs enfants. Ce matin, encore un projectile est tombé à Lille sur Jean Sans Peur, faisant une victime.

Il arrive souvent que l'on aperçoive les ballons captifs du front, jusqu'à sept en même temps.

2 juillet

Combat entre 8 aéros, un allemand est descendu.

3 juillet

Revue d'Appel pour Adrien.

Les victoires de la Somme donnent un renouveau de confiance, chaque soir il y a foule aux nouvelles, on prépare ses drapeaux.

4 juillet

Des hommes et des femmes évacués dans les Ardennes sont rentrés, beaucoup de malades ou blessés par des projectiles ou à la suite d'accidents du travail. De ces malheureux, plusieurs déjà sont morts et que de souffrances, que d'angoisses.

5 juillet

Mr R. Wibaux est condamné à 13 mois de réclusion en Allemagne.

6 juillet

Chez Bon Papa et Bonne Maman, perquisition : la bicyclette de l'oncle Paul est trouvée et réquisitionnée avec 40 marks d'amende.

7 juillet

A la filature, réquisition de clous, emballages, carbonate de potasse,...

11 juillet

Et aujourd'hui, chez l'oncle Arthur, les Allemands trouvent la cave qui a été murée.

Des Messieurs et jeunes gens, sur le point de franchir la frontière hollandaise, ont été arrêtés et ramenés ici : Mrs G. Termynck, Lecomte, Demora, Lepoutre,...

19 juillet

Des obus (?) sont tombés sur la gare Saint Sauveur à Lille.

20 juillet

Beaucoup de blessés sont passés ici ; à Lille, paraît-il, il y a quelques Français et Anglais.

25 juillet

Pendant un court espace de temps, on a pu passer librement à la frontière : vivres, lettres, enfants même ; c'est ainsi qu'Henri, Paul et Fernand, en pension à Etaimpuis, sont rentrés à Tourcoing. Mais, déjà, les sentinelles sont remplacées.

3 août

Beaucoup de passages de troupes en ce moment.

7 août

Revue d'Appel pour Adrien.

8 août

Ce qui augmente encore les difficultés de vivre, c'est que les Allemands envoient chez eux : riz, œufs, café, beurre ; la vie est donc plus difficile encore en Allemagne qu'ici. Papa nous rapporte souvent de la frontière des œufs, du beurre, des pommes de terre.

11 août

Consignation des cuivres et autres métaux : ordre de les déclarer sous peine de 5 000 marks d'amende ou 5 ans de prison, ils offrent de les payer… autant leur fournir des canons et des balles !...

16 août

A Tourcoing, Mr le doyen de St Christophe qui, en chaire, a ouvertement indiqué le devoir, a été arrêté.

18 août

Mr le doyen de St Christophe est condamné à 10 ans de réclusion pour son beau mouvement de patriotisme.

A Tourcoing encore, a été prononcée une condamnation à mort pour espionnage.

Mr l'abbé Deschamps, supérieur du Collège de la Bassée, actuellement professeur à Roubaix, en évacuant, avait emmené un de ses élèves ; ce jeune homme a été emmené par les Allemands ; en avril, il a été malade et est mort là-bas ; Monsieur Deschamps, à la réception de cette nouvelle, a adressé au Commandant de Lille une protestation qui lui vaut 7 jours de prison.

24 août

Il faut reconnaître la belle attitude des populations de Lille, Roubaix et Tourcoing, qui simplement et énergiquement résistent, advienne que pourra. Mr Delsalle et Mgr Charost protestent énergiquement contre cette réquisition opposée à toutes les lois de la guerre.

25 août

Dimanche dernier, un aéro a jeté "le Cri des Flandres" du 6 juillet, il s'y trouvait un article donnant des nouvelles de Paul, Albert, Ernest, "Pierre toujours en attente".

29 août

Une tempête formidable a causé de grands dégâts, de vraies inondations dans les maisons, des ravages dans les campagnes, un véritable cyclone.

1er septembre

Un aéro a de nouveau jeté un numéro du 27 juillet où se trouvaient les mêmes bonnes nouvelles qu'il y a huit jours de Pierre et de toute la famille.

3 septembre

Grand combat d'aéros : 15 alliés.

A la Revue d'Appel, Adrien a eu une nouvelle carte. La rempliront-ils encore cette carte ?

Mr l'abbé Delattre, curé de Pellevoisin, est condamné à 5 ans de réclusion pour le même délit que Mr le doyen de Saint Christophe.

On cache les cuivres... A faire des cachettes et des provisions, on a assez de travail. A noter le prix d'une paire de chaussures : pour homme : 75frs, pour femme : 50frs ; le ravitaillement hispano-américain en fait venir.

9 septembre

Interdiction de faire monter des cerfs-volants. A Lille, les Allemands défendent de jouer à la petite guerre dans les fortifications, même les enfants ont à tenir compte des avis "boches" et sont privés de leurs jeux. Les affiches sont signées du Commandant par intérim en remplacement d'Hofmann, en vacances celui-là.

13 septembre

Vingt infirmières de la Croix Rouge sont rappelées en France.

18 septembre

Grand mouvement d'autos et de voitures sanitaires.

Des ouvriers agricoles, venus de je ne sais d'où, et des prisonniers russes travaillent dans les champs, rentrent les moissons. Pauvres malheureux !

27 septembre

Les Boches témoignent leur "charité" à l'égard des pauvres ; larges et généreux, ils "autorisent" les maires à prendre dans les maisons inhabitées des vêtements, ustensiles, etc., pour les distribuer aux malheureux.

30 septembre

Il est grandement question de trains d'évacuation vers le sud de la France, seuls les malades pourront partir.

1er octobre

Rétablissement de l'heure : c'est lugubre le soir ; dès 6h., les rues sont dans une obscurité complète.

2 octobre

5 détonations,... qu'est-ce-que c'est ?

Devant le communiqué, Adrien, en lisant que les Roumains ont passé le Danube, s'est exclamé : "c'est chic ! c'est épatant !" Un officier qui s'y connaissait en français leur a dit que ça pourrait leur coûter cher et a eu la naïveté d'ajouter : "Je vous défends de répéter ce que vous venez de dire."

Papa nous rapportait une poule de Lys, dont nous nous délections à l'avance quand il se l'est vue soustraire par un Militar Polizt.

6 octobre

Hier soir entre 6 et 7 heures, des obus sont tombés sur Lille ; il y a des dégâts rue Esquermoise, rue Royale, hôtel de l'Europe, etc.

Adrien a été à la Revue d'Appel. Ce matin, ceux qui étaient en retard ont été gardés pour les travaux agricoles.

Des femmes, évacuées dans les Ardennes, sont revenues chercher leurs vêtements d'hiver et ceux des autres.

13 octobre

3 détonations... mystère.

Aujourd'hui, on paie 1 kilo de beurre 22frs, mais la viande est baissée : 12 à 18frs le kilo. Le ravitaillement a distribué, en plus des denrées habituelles (haricots, riz, lard, saindoux, café, sucre), des légumes, une fois de la viande ; pendant plusieurs mois, nous avons eu du poisson frais, mais c'est fini cela ; il y a encore du lait condensé pour les malades. Le plus terrible, c'est l'éclairage : les malheureux en sont réduits à s'éclairer au saindoux.

15 octobre

Grand émoi : une affiche convoque les jeunes gens de 17 à 25 ans pour demain lundi au peignage Motte rue d'Avelghem, à côté d’un petit atelier de 500 ouvriers de toutes branches. Que faire ? Est-ce une évacuation ? ou est-ce pour atteindre les chômeurs qui ne se présentent pas à leur appel ?

16 octobre

Adrien est parti avec le collège rue d'Avelghem... Nous sommes dans des transes jusqu'à son retour. Cette fois encore les Allemands n'ont gardé que des chômeurs.

17 octobre

Pour les malheureux qui ont été retenus, une affiche réclame des vêtements.

18 octobre

Rafles dans les rues aujourd'hui.

20 octobre

Un train est parti aujourd'hui emmenant un millier d'ouvriers, croit-on.

Ce matin, nous avons assisté à une lutte d'aéros ; nous en avons vu un qui tombait.

21 octobre

Encore un train est parti ce matin.

Toute la nuit, des femmes rentrant des Ardennes ont été attendues. Il en est arrivé beaucoup dans la journée. Beaucoup de ces pauvres évacués n'ont pas été malheureux étant tombés chez de braves gens ; mais il en est aussi qui ont été malades ou blessés, beaucoup sont morts. Que de souffrances qu'on ne connaîtra que plus tard ou jamais !

22 octobre

Les chômeurs sont appelés par convocations individuelles pour aujourd'hui, demain et après.

Mr l'abbé Pinte, Mr Delporte, Mr F. Dubar ont été arrêtés. Les Allemands perquisitionnent dans l'Institut Technique ; la concierge Marie Georges et Lucie sont retenues aux Bains.

23 octobre

Ce matin, la police a perquisitionné chez Mr Harinckouke et chez Mme Nollet. Mr Harinckouke et Marguerite Nollet ont été emmenés en prison.

26 octobre

Les perquisitions à Technique ont dû finir aujourd'hui. On ne sait rien.

29 octobre

A Hellemmes, des notabilités ont été arrêtées pour les cuivres ; l'ancien maire en arrivant à la citadelle est mort subitement.

31 octobre

Une lettre de Madeleine nous donne de très bonnes nouvelles de Pierre, à quelques kilomètres d'Amiens ; c'est un rayon de soleil, il y a si longtemps que nous n'avions rien eu.

Au bois La Fontaine, est installé un champ d'exercice d'artillerie.

Certaines municipalités, notamment celle de Wattrelos, ont résisté aux Allemands à propos des chômeurs et les ouvriers se sont donnés le mot pour ne pas répondre aux appels qui leur étaient faits. Bravo ! quand on se tient, on est fort.

1er novembre

Les Allemands ont élevé au cimetière un Christ "colossal", quelque chose d'affreux... La cérémonie d'inauguration a eu lieu aujourd'hui ; Mr le doyen de Notre-Dame représentait le clergé de Roubaix et Mr Thérin la municipalité. Hofmann était présent.

20 messieurs et 8 dames sont convoqués pour partir en otage aujourd'hui.

2 novembre

Une centaine d'otages, messieurs et dames, sont partis de Lille, Roubaix, Tourcoing.

3 novembre

Voilà l'explication : cette mesure est une représaille, les Allemands prétendent que les Français gardent des Alsaciens... Ils ont bien raison de garder ces Français de cœur et les autres qui ne peuvent être que des espions. Mais cette situation est sans issue.

6 novembre

A la Revue d'Appel, les Allemands ont gardé des chômeurs.

7 novembre

Les otages sont, paraît-il, au camp d'O..., dans le Grand Duché de Brunswick.

Encore un appel d'ouvriers.

La police a cerné les rues de Wattrelos et emmené les chômeurs qui leur ont résisté.

Le fils d'un docteur de Fives, étudiant, emmené lors des évacuations d'avril, se trouvait détenu à Tourcoing. On ne sait à la suite de quel incident, une nuit, la sentinelle l'a embroché avec sa baïonnette.

9 novembre

Beaucoup de passages de troupes, à Tourcoing surtout.

10 novembre

Cette pauvre petite Marguerite Nollet, qui avait été relâchée, a été reprise, elle est dans la prison de Loos. Mr l'abbé Pinte aussi, tandis que Georges et Lucie de Technique sont toujours retenus aux Bains.

9 dames de la Croix-Rouge rappelées par Paris sont parties pour la France. Elles devront faire un stage de 6 semaines dans une ambulance française.

14 novembre

Encore une convocation de chômeurs ! Les pauvres gens !

17 novembre

Beaucoup d'évacués dans les Ardennes, surtout des femmes, sont rentrés dans leurs foyers.

22 novembre

On enlève des laines à la filature, les Allemands ont déjà opéré il y a 15 jours.

Les perquisitions pour les cuivres sont terminées à Tourcoing, elles commencent à Roubaix.

28 novembre

A deux reprises, on a essayé de voler, la nuit, à la filature. On est convaincu que ce sont de ces ouvriers volontaires qui ont fait l'enlèvement des laines pour les Allemands et qui connaissent les magasins. C'est une bande de canailles.

1er décembre

A côté de ces vauriens, il y a des ouvriers forcés au travail, ceux-là sont maltraités, j'admire leur héroïque résistance.

3 décembre

On reparle sérieusement d'évacuations vers le sud de la France.

6 décembre

De 6 à 8 heures du soir, les Allemands sonnent les cloches, c'est lugubre... sans doute ont-ils pris Bucarest !

Beaucoup d'évacués des environs de Lille, de plus loin aussi, sont arrivés pour prendre le train qui les conduira en France. Quelle fièvre pour ces trains ! Agitation de ceux qui partent et peine de ceux qui restent.

9 décembre

Les pauvres malheureux revenus des Ardennes il y a quelques jours sont de nouveau convoqués.

Les dispositions pour les trains avec jours et heures de départ sont affichées.

13 décembre

Depuis lundi les trains se succèdent, il est parti un train d'évacués, un train de tuberculeux, et trois autres.

14 décembre

Adrien revient de la Revue d'Appel très en retard, mais rien d'anormal. A Tourcoing, il y a plus longtemps encore qu'il n'y en a pas eue.

16 décembre

Les enlèvements de cuivre continuent, ils enlèvent même des œuvres d'art, notamment chez Mr Albert Prouvost qui avait une collection superbe.

17 décembre

Beaucoup d'évacués revenus des Ardennes sont retenus rue d'Avelghem où les Allemands veulent les forcer à signer.

Les otages retenus au camp d' (nom effacé) écrivent qu'ils sont durement traités. Les dames sont mangées par la vermine.

Décidément ces gens-là ne respectent rien. Ils ont été jusqu'à prendre l'hôpital de la Fraternité. Les malades ont été transportés à l'hospice de Barbieux et au collège de jeunes filles.

20 décembre

Aujourd'hui, paraît le premier numéro du "Bulletin de Roubaix", peu de chose, mais qui donnera le ravitaillement et l'état civil.

21 décembre

Encore de nouvelles arrestations : Monsieur Firmin Dubar, Monsieur Willot et d'autres.

22 décembre

Chaque matin on peut se demander : que vont-ils inventer aujourd'hui pour nous tourmenter ? Aujourd'hui, ils font des rafles d'hommes dans les rues.

La misère est grande dans le peuple. Le ravitaillement donne une grande aide sans doute, mais c'est trop peu pour qui n'a que cela. Les bons de chômages et les allocations de l'Etat sont toujours payés. Dans les écoles, tous les enfants indistinctement reçoivent gratuitement un biscuit tous les jours. Pour le jour de l'an, le Comité hispano-américain a fait cadeau de café, sucre, nouilles. Le "fonçage" se fait toujours de plus en plus en grand, mais il y a peu à "foncer". Pour le moment pourtant, nous avons un peu de viande 9 à 13 frs la livre de bœuf ; les œufs sont à 1 fr et 1fr25 ; le beurre : 22 frs le kilo. Le charbon est introuvable pour l'instant ; quant au pétrole, bougies, essence, tout cela n'existe plus ; les malheureux en sont réduits à l'éclairage au saindoux, au XXème siècle !

25 décembre

Beaucoup d'évacués dans les Ardennes sont retenus ici ; les "fourbes", ils voudraient les forcer à signer qu'ils travaillent volontairement, ils les maltraitent, les traitent comme des bêtes de somme, c'est un raffinement de cruauté.

26 décembre

Beaucoup d'évacués sont arrivés des environs d'Arras. Il paraîtrait que les Allemands ont pris leurs maisons pour organiser une défense.

31 décembre

Tristes jours de fête encore cette année. Serons-nous ensemble l'année prochaine ? Les Anglais ont dit que ce serait la guerre des "trois Christmas", espérons !!!

A suivre…

La semaine prochaine : année 1917 (4/4)



26/09/2014
9 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 387 autres membres