14-18Hebdo

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En souvenir d’oncle Emile - 1- Présentation illustrée du cadre de l’action - A Verdun, un peintre pour les poilus, et le drame du fort de Vaux

 

Le lieutenant de réserve Emile Claude est mobilisé en 1914. A la tête de sa compagnie, il combat en Lorraine, en Champagne, en Picardie, et à Verdun, où il tombe héroïquement le 8 juin 1916, en défendant la redoute R.1, à 500m du fort de Vaux. Il était célibataire sans descendance ; les correspondances avec sa famille ont disparu en 1944. Son petit-neveu Patrick Germain, après recherches, a reconstitué sa biographie de guerre ainsi que le déroulement de son dernier combat, et organisé le pèlerinage familial qui a créé, 100 ans plus tard, sa sépulture sur le champ de bataille.

 

 


Patrick Germain - 08/06/2016

 

Avant que ne se répande le procédé courant de la photographie en couleurs, l’Armée missionnait au front des peintres accrédités pour fixer sur la toile des scènes de guerre, accompagnées de portraits de combattants et de grands chefs. Joseph-Félix BOUCHOR (1853-1937) fut l’un des plus connus. En 1917, il est à Verdun. Je reproduis ici ses tableaux qu’il y a réalisés. Ils illustrent l’important volume (relié cuir) « VERDUN », paru en 1919, préfacé du Maréchal PETAIN, et rédigé par Charles DELVERT.

 

Le capitaine Charles DELVERT commandait à Verdun la 8e compagnie du 101e R.I. Au moment de la 2e vague d’assaut allemande, en juin 1916, il tenait la redoute R.1 du fort de VAUX (à 500m au N.O de celui-ci). Sur le point d’être submergé malgré sa résistance acharnée, il fut relevé à la faveur d’une contre-attaque, dans la nuit du 5 au 6 juin, par des éléments du 298e R.I, et plus particulièrement la 18e compagnie, qui était commandée par mon grand-oncle, le lieutenant Emile CLAUDE. Ce dernier, à la tête du maigre effectif combattant qui lui restait, résista encore 3 jours, avant de se faire tuer sur place avec ses hommes plutôt que d’être fait prisonnier. C’était le 8 Juin, le lendemain de la chute héroïque du fort de VAUX. La fin de cet article de présentation générale est consacrée à deux extraits de récits : celui du commandant RAYNAL, qui commande la garnison du fort, et celui du capitaine DELVERT, qui commande la redoute R.1 jusqu’à sa relève par le lieutenant Emile CLAUDE et sa compagnie le 6 juin.

 

A la suite de ce chapitre paraîtront, en plusieurs épisodes, son portrait de famille et sa biographie de guerre, que j’ai patiemment reconstituée, en l’absence de documents familiaux, probablement disparus en 1944 lors de l’incendie de Gérardmer par l’occupant allemand…

 

 

1.jpgLe capitaine Charles DELVERT (à g.) et le peintre Joseph-Félix BOUCHOR, en 1919

 

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Le général PETAIN

 

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 Sentinelle au fort de VAUX

 

 

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Verdun vu des quais de Meuse

 

 6.jpgLes tours de la cathédrale

 

 

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Entrée de l’Ecoute 1. « Les sombres murailles de la Citadelle se dressent à pic du fond de larges fossés ».

 

 

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L’Ecoute 1 « Les sombres galeries voûtées en plein cintre ».

 

 

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Casemate des artilleurs. « Les voûtes de la Citadelle abritaient la vie de nombreux services ».

 

 

10.jpgLe sommeil. « Des dortoirs y étaient aménagés pour les troupes venant au repos ».

 

 

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Le prince de CONNAUGHT décore un soldat à Souilly (Q.G de la IIe armée).

 

 

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Le fort TROYON

 

 

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La vieille porte de l’Hôtel de Ville

 

 

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Façade du collège Margueritte. « Un des premiers obus défonçait la façade du collège Margueritte, ancien évêché »

 

 

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« Notre artillerie de campagne »

 

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Porte Neuve. « Nos renforts arrivaient… »

 

 

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La noria des divisions. « Le commandement résolut de les faire passer les unes après les autres ».

 

 

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Le général de Curières de CASTELNAU

 

 

« Le rôle du général de CASTELNAU dans la victoire de Verdun, par ses décisions rapides et draconiennes prises aux moments les plus critiques du 21 au 26 février 1916, a été totalement ignoré par l’Histoire » (général Yves GRAS ; biographie de CASTELNAU ).

 

Le général allemand Von KLUCK a dit de lui : « l’adversaire français vers lequel sont allées instinctivement nos sympathies, à cause de son grand talent militaire et de sa chevalerie, c’est le général de CASTELNAU. Et j’aimerais qu’il le sût. »

 

 

19.jpgLe général BALFOURIER

Le général BALFOURIER commandait à Verdun le célèbre XXe corps dit « Corps de fer ».

 

 

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« La gare était écrasée de 380… »

 

 

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Batterie camouflée en action. « L’héroïsme du canonnier dont on voyait, à travers la fumée noire des éclatements, rougeoyer les coups de départ »…

 

 

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Le fort de VAUX. « Dont les observatoires commandent toute la WOEVRE jusqu’au bassin de BRIEY »

 

 

23.jpg« Les larves grises qui essayaient de gravir les pentes du fort de Vaux étaient étendues devant les fils de fer, dans la boue, par nos mitrailleuses ».

 

 

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Georges GUYNEMER (mort au combat le 11 septembre 1917, avec 53 victoires homologuées) « Il fut grièvement atteint les 13 mars… »

 

 

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Charles NUNGESSER (43 victoires), mort en 1927 en tentant la 1re traversée de l’Atlantique à bord de « L’Oiseau blanc ».

 

 

 26.jpgRené FONCK. Il est « l’as des as » français et alliés, avec 75 victoires officiellement homologuées, derrière l’allemand RICHTHOFEN (« Le Baron Rouge ») qui en comptabilise 80, mais avec des règles d’homologations moins rigoureuses. C’est pourquoi on estime aujourd’hui que René FONCK a abattu à lui seul 142 appareils ennemis (Wikipédia).

 

 

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L’Aviatik 6.E descendu au Faubourg Pavé, le 22 Juillet 1917, par l’adjudant HERISSON. « En cet été 1917, nous eûmes la supériorité dans l’air »

 

 

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Le 8e bataillon de chasseurs à pied au faubourg pavé, retour des lignes

 

 

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CLEMENCEAU revenant du Mort-Homme

 

 

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Le général NIVELLE, qui succéda le 19 avril au général PETAIN à VERDUN

 

 

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Le foyer du soldat

 

 

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La baignade

 

 

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Au lavoir

 

 

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La boîte de singe (le singe est le nom donné au bœuf en conserve ; cela fait partie du dictionnaire du poilu)

 

 

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La porte CHATEL, la plus ancienne de la ville.

 

 

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 « Le soir…, nous partions en reconnaissance de secteur. »

 

 

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Poilus de la division des As. 14e division. (au centre, le capitaine Raoul MAGRIN – VERNEREY, plus connu sous le pseudonyme de « Ralph MONCLAR », qui finira général de corps d’armée et mourra en 1964).

 

 

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Alentours de la batterie de VAUX. Au second plan, bombardement du bois de LA CAILLETTE.

 

 

39.jpgTranchée au bois FUMIN (environs immédiats du fort de VAUX) « Les éclats allaient s’enfoncer avec un crissement rageur dans nos sacs à terre ».

 

 

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Le fort de TAVANNES

 

 

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Le 14 juillet 1917 au fort de VAUX. Hommage rendu aux défenseurs.

 

 

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Le fort de SOUVILLE, sur lequel se brisa la dernière attaque allemande, le 23 Juin 1916…,

 

 

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 ….ainsi que sur l’ouvrage de FROIDETERRE.

 

 

44.jpgLa rue MAZEL. « Verdun, maintenant, n’était plus que ruines … »

 

 

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L’hémicycle de l’Evêché. « En ruines, l’évêché et son délicieux hémicycle… »

 

 

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Le cloître de L’Evêché. « Le cloître attenant, chef d’œuvre de gothique flamboyant, avait lui aussi, grandement souffert. »

 

 

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La porte CHAUSSEE. « Les deux vieilles tours, semblables à un visage de guerrier marqué de balafres ».

 

 

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Le bataillon sénégalais

 

 

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Le général MANGIN. Après un 1er échec de la reprise du fort de DOUAUMONT le 22 mai 1916, il parvient finalement à son objectif le 24 octobre suivant, avec un minimum de pertes.

 

 

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Le fort de DOUAUMONT (angle sud-ouest de la casemate de Bourges). Bombardement de la cote 304 : dans le lointain, à droite, Montfaucon, puis la côte du Poivre, le Talou, Le bois des Corbeaux, le Mort-Homme.

 

 

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Le fort de DOUAUMONT : le blockhaus 

52.jpgGénéral Adolphe GUILLAUMAT

A la tête du 1er corps d’armée, il subit le 1er choc de l’attaque allemande sur Verdun à partir du 21 /02/16 puis, plus tard, arrêta les attaques allemandes au printemps 1917 ; le 20/08/17, il partit à l’assaut, portant les lignes au N. de la cote 304 et du Mort-Homme.

 

 

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Le général CORVISART. Lors de l’assaut du 20/08/17, il a, selon la citation à l’ordre de l’armée qui lui a été attribuée, « enlevé avec ses troupes, dans un élan magnifique, les deux croupes du Mort-Homme, la côte de l’Oie, le bois des Corbeaux, Cumières et Regnéville ».

 

 

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L’Hôpital de Jean d’HEURS

 

 

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Revue des drapeaux de VERDUN, par le roi d’Italie, le Président de la République Raymond POINCARE, le général PETAIN, le général GUILLAUMAT, à Souilly, le 27 septembre 1917. « Après 20 mois de lutte, les Allemands se retrouvaient ramenés à leur point de départ. »

 

 

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 Le commandant RAYNAL (ici Lt-colonel après la guerre), l’héroïque commandant de la garnison du fort de VAUX

 

 

Au moment de débuter les récits du drame du fort de VAUX, je marque ici un point d’orgue, car mon premier propos est de vous faire partager un faisceau de circonstances troublantes dont j’ai été l’objet, ayant concouru au « déclic » qui m’a invité à lancer mon parcours de recherche sur mon grand-oncle Emile CLAUDE. Je pense que l’on ne peut parcourir de cheminement de cette nature sans une certaine Foi ; oui, je n’hésite pas à le dire. Lorsque l’on s’approprie avec force la vie d’un personnage dont on ne sait que peu de chose au début, on vit avec lui, et on s’aperçoit bien vite qu’il nous entraîne avec lui, et que surviennent des intuitions qui sont autant de signes du Destin qui font que l’on découvre d’autres horizons de recherche et les liens qui les unissent.

 

En 1998, à la disparition de ma grand-mère, intervint le partage des livres de la bibliothèque de mon grand-père, décédé en 1973 ; le bel ouvrage de Charles DELVERT, illustré par Joseph-Félix BOUCHOR, « VERDUN », me fut par hasard attribué, alors qu’il comptait de nombreux autres bénéficiaires potentiels. J’y trouvai à l’intérieur un parchemin commémoratif d’Emile CLAUDE, réalisé à sa mort par son père Alphonse. Je parcourrai rapidement ce beau volume et le rangeai dans ma bibliothèque, de retour à Blois. Peu de temps après, un dimanche, je vagabondais à une foire aux livres à Amboise et, sans rien chercher de particulier, mes yeux rencontrèrent un petit livre broché, à la couverture jaune, « Le drame du fort de VAUX », le fameux récit de son héros, le commandant RAYNAL. Et comble de chance, figurait un autographe de l’auteur sur la page de garde…

 

C’est pourquoi, en introduction à la biographie de guerre d’Emile CLAUDE que vous découvrirez la semaine prochaine, j’ai pensé qu’il était du plus haut intérêt de transcrire quelques extraits des récits qui ont tous deux constitué l’ambiance de combat, et les préludes opérationnels que devront assumer Emile CLAUDE et sa compagnie :

 

Capitaine DELVERT (défenseur de R.1) : « A l’intérieur du fort, la citerne fut épuisée dès le dimanche 4 juin. Il semble, d’ailleurs, que le supplice de la soif ait été le plus cruel pour les défenseurs du fort, bloqués dans les casemates, respirant une atmosphère fétide, jamais renouvelée, empuantie par les gaz toxiques qu’y lançait l’ennemi et suffocante de fumée, que pour nous, qui nous battions au soleil. L’héroïque commandant RAYNAL, qui était à la tête de la garnison, a laissé un récit émouvant de cette lutte de taupes, dans les coffres, dans les gaines menant à la galerie centrale ; lutte où chaque passage, chaque escalier fut disputé pendant cinq jours, par des hommes dont pas un n’eut de repos, de sommeil, durant ces jours et ces nuits interminables, de bataille ininterrompue, et contre un ennemi sans cesse renouvelé.

 

Commandant RAYNAL (défenseur du fort de VAUX) : « La soif ! L’horrible soif sévit ! Je suis dans mon poste de commandement avec le sous-lieutenant ROY, et mon dévoué ingénieur. (ROY) ne trouve plus de remède dans son esprit si plein de ressources. Des bruits de gémissements nous parviennent. Mêlé à ces gémissements, un autre bruit s’accentue : c’est un pas hésitant, un frôlement de mains sur la muraille. Tout à coup, la porte s’ouvre. Oh ! L’effrayante apparition ! Un blessé est là, son torse nu, bandé de linges sanglants. Il s’appuie d’une main au chambranle de la porte. Il avance une jambe et met son genou à terre. Il tend vers moi son autre main dans un geste suppliant et, d’une voix éteinte : « Mon commandant ! à boire ! »

 

C’est la fin. A moins d’un miracle, cette nuit sera la dernière de notre résistance ; mes hommes qui ne boivent plus, ne mangent plus, ne dorment plus, ne tiennent debout que par un prodige de volonté.

 

Je vais faire une tournée dans les couloirs ; ce que je vois est affreux. Des hommes sont pris de vomissements, causés par l’ingestion d’urine, car ces malheureux en sont arrivés là, à boire leur urine ! D’autres s’évanouissent. Dans la grande galerie, un homme lèche un petit sillon humide sur le mur… L’effort que j’ai demandé à mes camarades et qui doit nous maintenir jusqu’au matin, ne peut être que le dernier… La France me jugera ! »

 

Capitaine DELVERT : « Elle vous a jugé, mon commandant, et le monde avec elle. Et ils ont proclamé que jamais cœur de soldat plus fidèle au devoir n’a battu dans une poitrine d’homme.

 

Dans R.1, notre sort n’était pas moins atroce. Pendant cinq jours, nous n’avons ni bu, ni mangé (sauf quelques biscuits ou quelques boîtes de singe), ni dormi, - dévorés que nous étions par la soif et les poux. Nous subissions en moyenne deux attaques par jour, qui se produisaient à l’ordinaire, l’une à l’aube, l’autre à la tombée de la nuit. Il nous fallait les repousser à la grenade, à quinze ou vingt pas, afin de n’user pour chaque assaut que d’une seule décharge, si possible, et d’économiser ainsi nos munitions qui ne pouvaient plus être renouvelées. La soif aussi, la soif nous tourmentait. Nous n’avions plus, pour boire, que l’eau de pluie, recueillie par les hommes dans les toiles de tente ; et durant ces jours terribles, il ne plut que deux fois, le samedi matin 3 juin et le lundi matin 5. Courtes averses au surplus. Les blessés enfiévrés souffraient le martyre. Il en est qui moururent de soif.

 

Le bombardement devenait de plus en plus effroyable. D’autant qu’aux 210 boches s’ajoutaient les 75 Français ; car notre artillerie couvrait de projectiles le fort et ses alentours, pour préparer les contre-attaques destinées à nous dégager.

Sous ce déluge d’acier, le calme des troupiers restait imperturbable. La cinquième attaque, le dimanche 4, au lever du jour, fut reçue avec plus de sang-froid encore que la première, et cependant nous n’étions plus que quarante aux créneaux (la compagnie comptait un effectif de départ de 197 – officiers, sous-officiers et soldats-).

 

On a représenté les Français comme une race de nerveux, d’agités. Encore une légende dont il faudra faire justice. Au feu, nos poilus sont certainement plus maîtres de leurs nerfs que les Allemands… Je reverrai toute ma vie le caporal COURTONNE, une balle lui ayant traversé l’avant-bras gauche, descendre tranquillement se faire panser au poste de secours, et revenant avec non moins de flegme, la manche retroussée, reprendre sa place sur le parapet. On ne distinguait pas la moindre altération de ses traits. Il avait toujours son teint coloré ordinaire.

 

Cependant, une contre-attaque menée par le 298e R.I, le dimanche 4, au matin, parvint à notre droite jusqu’aux abords de la forteresse. Cette contre-attaque permit d’organiser notre relève, qui put s’effectuer dans la nuit du 5 au 6. La 18e compagnie du 298e R.I qui me remplaça, commandée par le lieutenant CLAUDE, tint encore trois jours avant d’être enlevée par l’ennemi, dans la nuit du 8 au 9. Le fort, lui, se rendait le 7 au matin. »

 

Le 4 juin, 3 jours avant sa reddition, le commandant RAYNAL avait envoyé vers les lignes françaises un pigeon voyageur.

 

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Le dernier lâché de pigeon du commandant RAYNAL au Fort de VAUX, contenant le message suivant :

 

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Le 7 juin, après une héroïque résistance, ce qu’il reste de la garnison du fort de Vaux se rend ; depuis le 6 juin au matin, le lieutenant Emile CLAUDE occupe la redoute avec sa compagnie déjà amputée d’une bonne partie de ses effectifs ; ils résisteront encore 3 jours…

 

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Le lieutenant Emile CLAUDE

A SUIVRE…



10/06/2016
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