14-18Hebdo

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Causeries et souvenirs (Gabriel Bon) - 11. Messe de minuit sur le front

 

En 1914, le général Gabriel Bon, 61 ans, commande à La Fère (Aisne) l'artillerie du 2ème corps d'armée. Blessé en 1915, il ne participera pas à la suite de la guerre et publiera en 1916 "Causeries et souvenirs, 1914-1915", d'où est extrait ce témoignage.

Document transmis par Bernadette Grandcolas, son arrière-petite-fille  16/12/2014

 

Pendant la nuit de Noël 1914, dans la forêt d’Argonne, les rudes combats sans trêve ni merci ne s’interrompent pas. Au milieu des ténèbres, nos petits fantassins combattaient vaillamment et nos artilleurs veillaient auprès des pièces, prêts à lancer la mitraille sur l’ennemi.

Cependant, dans la forêt, derrière les tranchées, les prêtres soldats célébraient la messe de minuit. Les artilleurs, eux aussi, voulurent fêter la naissance du Sauveur dans le réduit qui servait de poste central au commandement des batteries.

La grotte qu’ils offraient comme abri à l’Enfant-Dieu était aussi misérable que celle de Bethléem. Ni âne, ni bœuf n’auraient pu y pénétrer et les Rois Mages auraient sali leurs magnifiques vêtements s’ils avaient cherché à y entrer.

 

11 Messe de minuit Image1.jpg               

Pourtant dans cette grotte toute l’immensité de la grandeur divine allait descendre auprès de la plus grande force qu’ait inventée le génie humain. Toutes deux, la puissance céleste et la puissance humaine, étaient dissimulées sous les plus humbles apparences.

Au fond de la grotte l’autel était dressé. L’autre côté de l’abri était occupé par une table grossière fixée sur des souches non équarries. D’énormes étais soutenaient la voûte formée de troncs de hêtres. Deux grosses lampes éclairaient le centre de l’abri, dont les profondeurs se perdaient dans une ombre mystérieuse.

Le colonel et tous les officiers disponibles se pressaient devant l’autel. Les canonniers s’étaient entassés dans le boyau de communication. Le capitaine de service assis à la table, le téléphone à l’oreille, recevait des renseignements des tranchées, prêt à commander le feu.

Cependant l’office divin se déroulait dans un calme impressionnant. A l’élévation on entendit la voix du capitaine commander au téléphone « Batterie B, C, D, salve de 21 coups de canon ». Lui-même, aussitôt entonnait l’hymne d’Adam[1] : « Minuit, chrétiens », pendant que la voix des canons accompagnait la sienne.

 

11 Chant de Noel Image2.jpg 

Nuit de Noël 1915, vous allez voir encore s’accomplir dans les tranchées les rites sacrés. Jamais, depuis 1 900 ans, la naissance du Sauveur n’avait été célébrée dans des temples rappelant davantage la misère de la crèche de Bethléem.

Nuit de Noël, serez-vous encore une fois l’aube des temps nouveaux ? Un siècle nouveau va-t-il naître ? Encore une fois se sont tus les prophètes et les augures. Parlerez-vous Seigneur ? Le monde vous attend.


[1] Ce célèbre Noël a été composé par Adolphe Adam en 1847, sur un texte écrit en 1843 par Placide Cappeau.



26/12/2014
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