14-18Hebdo

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Carnets de guerre (Anna Vautrin) – N° 81 – 6 nov au 12 nov 1916

Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils - 04/11/2016

 

 

Lundi 6 novembre 1916

Les Russes sont venus à l’aide des Roumains qui repoussent maintenant les Autrichiens. Il parait qu’en Allemagne, on fabrique de grandes quantités d’obus. Dans l’usine d’Essen, cette fabrique produit 1.5 millions d’obus par mois. La maison Krupp doit donner un canon de 380 mm ayant une portée de 40 km. Les Allemands donnent à la Pologne un roi puisque la Pologne leur appartient. Ils l’ont prise aux Russes. Ils nomment roi de Pologne le fils du roi de Bavière.

 

Nous avons repris le village de Saillisel sur Somme et dans la Meuse, après avoir repris Douaumont, nous prenons Vaux près de Verdun.

 

A 6 heures du soir, Tocsin.

A 7h30. Tocsin, 5 bombes sur le plateau de Malzéville. 10 blessés.

A 10 heures du soir, tocsin. Une bombe rue du Montet a traversé le toit et elle est tombée dans la cage d’escaliers, une autre bombe est tombée près de la chapelle des Oblats rue du Montet, une bombe dans le jardin de l’hospice St Stanislas sans éclater, une bombe incendiaire dans la St Nicolas. Pas de victimes.

Nous ne sommes pas descendus à la cave mais nous avons mis les lits de Colette et de Marie-Edouard dans le corridor.

 

Mardi 7 novembre 1916

A deux heures, il y a une revue d’officiers japonais sur la place Carrière. Le duc de Connaught, frère du roi d’Angleterre est venu passer cette revue et a distribué des décorations.

 

Nous avons fait depuis le commencement de la bataille de la Somme 72 981 prisonniers et à Verdun 6 050 prisonniers. Le tribunal de Reims va à Epernay car les Allemands qui bombardent Reims continuellement ont envoyé sur la ville 600 obus. La vie n’est plus tenable. Ce ne sont plus que des ruines.

 

Mercredi 8 novembre 1916

Le canon tonne toute la journée. Quarante Anglais passent sur un camion dans les rues de Nancy. Je vois passer cours Léopold sur un grand camion un aéroplane français complètement brisé.

 

Je vais voir la Supérieure de la Doctrine Chrétienne qui me lit une lettre d’une sœur qui est prisonnière dans un camp en Allemagne depuis 6 mois parce qu’étant en Belgique, à Namur, elle avait fait passer des correspondances belges en France. On dit qu’elle a fini ses six mois de prison et qu’elle va rentrer en Belgique avec les Allemands. Elle dit qu’il y a une autre sœur avec elle qui a encore quatorze mois de prison à faire dans un camp allemand.

 

Jeudi 9 novembre 1916

La guerre a coûté depuis le début de la guerre, d’août 1914 jusqu’au mois de mars 1916, la somme de 72 milliards.

 

Le prince Henri de Bavière a été tué sur le front de France.

 

Les Russes avec les Roumains avancent et reprennent les villes que les Autrichiens ont prises aux Roumains.

 

Dans la Somme, la bataille est plus calme ainsi que sur le front de Verdun.

 

Paul est au repos à Barbey-Seroux au dessus de Gérardmer. Son régiment a quitté la Somme pour l’Alsace. Avant d’y retourner, ils sont là pour un mois. Suzanne est bien heureuse car il peut venir tous les jours à Gérardmer.

 

Suzanne nous a envoyé ses trois citations :

1ère citation à l’ordre de l’armée des Vosges N°4 du 27 janvier 1915.

2ème citation à l’ordre de la 81e brigade N°14 du 15 avril 1915.

3ème citation à l’ordre de la 66e division N° 461 du 25 septembre 1916.

Il porte la fourragère du 152e RI.

 

Vendredi 10 novembre 1916

A deux heures, je sors pour faire des courses. Lorsque je suis dans la rue des Dominicains, chez un épicier, la sirène se met à siffler le tocsin. Tout le monde court et se sauve dans les caves. En une minute, il n’y a plus personne dans les rues. Nous entendons un bruit énorme, je descends dans la cave de l’épicier avec toutes les personnes qui sont là. Au bout de 8 minutes, un autre coup plus fort puis, au bout de 6 minutes, encore un autre. Nous attendons ½ heure puis je rentre chez moi. C’est fini pour aujourd’hui. Ce sont des obus de 380 que les Allemands nous envoient par leur canon qui est à 15 km dans la forêt de Hampont près de Château-Salins.

 

Un obus de 380mm est tombé rue Victor derrière la gare de St Georges. Il a démoli des rails de chemin de fer, brisé un wagon plein de houille et a soulevé complètement une masure qui était près du chemin de fer. Un pauvre homme qui était couché a été enfoui complètement sous sa maison mais il a pu se dégager sans être blessé ! La maison avec le mobilier s’est brisée comme un fétu de paille.

 

Un deuxième obus est tombé sur la fabrique d’eau de javel au Pont d’Essey. Rien que des vitres et pas de victimes.

 

Le 3ème obus est tombé près du plateau de Malzéville derrière la propriété des Noël de La Tour dans les terrains vagues.

 

A 9h1/2 du soir, nous entendons tout à coup des bombes. Plusieurs de nos avions passent au dessus de nous toute la nuit. Il n’y a pas de tocsin. On entend très bien les mitrailleuses. Je regarde à la fenêtre. Je vois quatre ou cinq avions français au dessus du plateau de Malzéville, tous allumés. Ils ont l’air de grosses étoiles qui se déplacent. Nos avions se battent à coups de mitrailleuses avec les avions boches.

 

Il fait une nuit splendide, très clair, le ciel est très étoilé. Cela est très émotionnant de voir cette bataille d’avions dans l’air. On entend plusieurs bombes qui tombent avec fracas vers minuit. Nous en comptons une vingtaine.

 

Nous mettons les lits de Colette et Madou dans le corridor. Pauvres petites ! Elles auront eu du canon dans leur enfance ! Elles sont nées toutes les deux au bruit du canon.

 

Samedi 11 novembre 1916

Je vais voir les dégâts Rue Victor, je vois l’énorme trou près de la voie du chemin de fer derrière la gare St Georges et la maisonnette complètement effondrée.

 

J’apprends qu’il y a eu dans la nuit 22 bombes sur Nancy et 8 sur le plateau de Malzéville. Il y a eu 28 blessés et 2 tués.

 

Nancy est maintenant vraiment protégée, nous n’avons presque pas de blessés et tués depuis le commencement de la guerre.

 

Dimanche 12 novembre 1916

La France a fait un second emprunt 5,70%. Il a très bien réussi. On a récolté 11 milliards, ce qui est très beau. Nous avons pris pour 220 000 francs à l’emprunt national puisque c’est pour le pays et pour que la guerre finisse plus tôt. Il faudrait que chaque Français fasse son devoir de citoyen.

 

Les Roumains ont repris aux Autrichiens la ville d’Hîrsova. Ils les repoussent depuis que les Russes sont venus à leur secours avec de grands renforts.



04/11/2016
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