14-18Hebdo

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Carnets de guerre (Anna Vautrin) – N° 64 –10 au 16 juillet 1916

Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils - 01/07/2016

 

1909 Fiancailles Paul Boucher et Suzanne Vautrin pour blog.jpgLes jours heureux avant guerre : Les fiançailles de Paul Boucher et Suzanne Vautrin le 23 août 1909 avec toute les familles Vautrin, Boucher et Perrin.

 

Lundi 10 juillet 1916

Madame André Luc est venue nous voir et nous dit que sa mère et sa sœur sont parties pour La Roumanie car son père est très souffrant. Elles ont dû rester 8 jours à Vienne, les Autrichiens ne voulant pas qu’elles partent plus tôt puisqu’elles venaient de France. Elles ont écrit à Madame André Luc qu’à l’hôtel de Vienne, elles avaient des cartes de pain et de viande. Pendant les huit jours qu’elles sont restées à Vienne, elles n’ont pas vu une seule femme en deuil dans les rues. On défend de porter le deuil car les Autrichiens ont tant de morts dans les batailles qu’ils ont en ce moment avec les Russes que cela serait trop impressionnant pour la population des villes. Elles n’ont pas vu non plus des infirmières et médecins militaires dans les rues. Elles sont arrivées en Roumanie après bien des difficultés. La vie en Roumanie a beaucoup augmenté depuis la guerre. Un litre d’huile coûte 11 francs, un mètre de calicot 5 francs.

 

Madame Braescot dit qu’avant la guerre, la Roumanie recevait tout de l’étranger et de l’Orient et qu’elle ne produit rien et ne récolte rien. Comme le blocus a été décidé, rien ne peut lui arriver des pays qui sont en guerre.

 

En ce moment, une lettre met 30 jours de Bucarest à Luchon et une dépêche 18 jours. Comme le père de Madame André Luc vient de mourir à Bucarest, elle a reçu une dépêche qui n’a mis que 3 jours grâce à un ministre des affaires étrangères de Roumanie.

 

La Roumanie est un pays neutre. On espérait toujours depuis le début de la guerre qu’elle entrerait en guerre à côté de la France, de l’Italie, de l’Angleterre et de la Russie qui sont ensemble contre l’Allemagne, l’Autriche et la Turquie, alliées ensemble.

 

Il y aura bientôt deux ans, le 1er août que cette guerre mondiale est commencée. La Roumanie reste neutre comme l’Espagne, le Danemark, la Suède et la Norvège. Peut-être qu’à la fin, elle entrera en guerre. Espérons le car en France nous espérions qu’elle se mettrait de notre côté au commencement de la guerre.

 

Mardi 11 juillet 1915

Mathilde, ma femme de chambre que j’ai laissée à la maison nous écrit régulièrement de Nancy, trois fois par semaine. Nancy est assez calme en ce moment. On entend tous les jours le canon et on voit des taubes.

 

Elle nous écrit aujourd’hui qu’il y a eu beaucoup de troupes qui sont passées sur le cours Léopold. (Note RS : Les Vautrin habitent au 45 cours Léopold à Nancy). Ils vont vers la Somme. Le tocsin a sonné hier soir à 8h30 pour un taube qui était sur Nancy.

 

Ici à Luchon, on ne se doute pas qu’on est en guerre. On n’entend pas de canon et ces gens font leur saison comme si la France n’était plus en guerre.

 

Les dames dans les hôtels font des toilettes comme avant guerre. Il y a un casino qui est affecté à une ambulance pour les militaires.

 

La vie n’a pas changé ici à part le départ des hommes à la guerre. On se promène en voiture à cheval et en auto.

 

Mercredi 12 juillet 1915

Mathilde nous écrit de Nancy que les taubes viennent tous les jours et que le tocsin sonne pour avertir la population.

 

La guerre continue toujours avec autant de violence. On se bat toujours à côté de Verdun qui est presque détruit par les obus allemands. La cathédrale est détruite. On se bat depuis le 21 février, ce qui fait 5 mois…

 

Les Allemands ont avancé un peu. Ils sont maintenant entre le fort de Souville et le fort de Tavannes sur la rive gauche de la Meuse. On se bat toujours à la Cote 304 qui est près de Malancourt et le Mort-Homme près de Forges.

 

Notre pauvre pays de Gercourt doit être détruit. Comment le retrouverons-nous ? La pauvre maison de Grand-mère à Gercourt sera détruite puisque les Allemands y sont encore, là où est né mon mari et où il a passé son enfance et d’où la pauvre grand-mère a été emmenée en captivité au Luxembourg.

 

Dans la Somme près de Péronne, les Anglais et les Français se battent furieusement contre les Allemands.

 

Les Italiens se battent contre les Autrichiens dans le Trentin et dans les montagnes près du lac de Garde. La fille ainée du roi d’Italie, la princesse Yolande âgée de 16 ans vient d’être fiancée au prince de Galles qui a 23 ans.

 

Les Russes sont en guerre contre les Autrichiens. Ils les repoussent en Galicie, en Volhynie et vont entrer en Hongrie. C’est le grand-duc Nicolas et le général Broussilov qui sont à la tête des armées russes. Depuis le début de la guerre, ils ont fait déjà 300 000 prisonniers autrichiens et avec les tués et blessés, plus de 500 000 autrichiens sont hors de combat.

 

Les Russes avancent d’un côté près de Riga et de l’autre côté, ils sont à 50 km de Lumberg en Ukraine qu’ils vont prendre un de ces jours.

 

Il y a eu plusieurs régiments russes qui sont venus en France pour marcher avec nous contre ces Allemands. Les Russes sont des soldats très braves.

 

Jeudi 13 juillet 1916

Mathilde nous écrit de Nancy : « Le tocsin a sonné à 3 heures du matin. Des taubes ont jeté des bombes près de Jarville. Nos avions leur ont donné la chasse. On a entendu la musique militaire et le 356e régiment d’infanterie est passé sur le cours Léopold. Où va-t-il ? Sans doute dans la Somme. Dans l’après-midi, deux régiments sont passés place Carrière, le 351e et le 346e. Ils avaient tous la baïonnette au canon. Encore, sans doute, en route pour la Somme ! Quelle bataille, il va se livrer là-bas. On a entendu le canon toute la journée et les avions n’ont pas cessé de voler sur Nancy ».

 

Vendredi 14 juillet 1916

On ne fête guère la fête nationale en guerre et la journée se passe sans réjouissances. D’après les journaux, il y a eu à Paris des défilés de troupes, serbes, belges, anglaises et françaises, toutes alliées. C’était très émotionnant.

 

Samedi 15 juillet 1916

Nous apprenons par les journaux qu’un de nos aviateurs, Marchal, est parti de Nancy le 26 juin à 9 heures du soir. Il est passé dans la nuit à Mayence, Francfort et il est arrivé à Berlin à deux heures du matin. Il n’a pas jeté de bombes mais des manifestes en allemand adressés au peuple allemand. Il pensait atterrir en Russie mais une panne de moteur l’a forcé de descendre en Pologne occupée par les Allemands où il a été fait prisonnier à quelques kilomètres du but.

 

Dimanche 16 juillet 1916

Nous avons fait une promenade en voiture et vraiment ici, à voir tous ces gens qui font de la toilette et qui ne songent qu’à leur plaisir, on ne se douterait pas d’être en guerre !



06/07/2016
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