14-18Hebdo

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Carnets de guerre (Anna Vautrin) – N° 42 - 26 juillet au 1er août 1915

 

Nous allons partir demain pour le Mont-Dore avec Alexis, Gogo et Yvonne. Mon pauvre mari a été trop fatigué et surmené depuis le commencement de la guerre…

 

1910 Vautrin Alexis et Anna Coll Michel Segond.jpgAlexis et Anna Vautrin avant la guerre

 

Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils - 12/07/2015

 

Lundi 26 juillet 1915

Camille Biesse est venu de Lunéville avec Edouard dans une superbe auto pour un diner avec nous. Le XXème corps est au repos dans les environs de Nancy et à Lunéville pour un mois. Edouard a très bonne mine et pense pouvoir venir de temps en temps. Madeleine ira aussi le voir à Lunéville.

Ils sont repartis à 11 heures et nous avons fêté St Anne, ma sainte patronne ainsi que celle de notre petite Annette qui est bien amusante. Quand elle va voir les blessés aux Beaux-arts, elle les appelle Poilus, ce qui les fait bien rire.

Mardi 27 juillet 1915

On entend toujours le canon.

Mercredi 28 juillet 1915

Rien de nouveau à Nancy. On est toujours très sévère pour les passeports.

Maurice Boucher a quitté le dépôt d’Epinal pour être envoyé entre Verdun et Toul.

Paul est toujours sur la montagne d’Alsace à l’Hilsenfirst et Edouard à Lunéville au repos avec le XXème corps et le général Balfourier.

Jeudi 29 juillet 1915

Toujours le canon, nous voyons le soir les lueurs des éclatements depuis la maison.

Vendredi 30 juillet 1915

Nous allons partir demain pour le Mont-Dore avec Alexis, Gogo et Yvonne. Mon pauvre mari a été trop fatigué et surmené depuis le commencement de la guerre, il va y avoir un an. Il a très mauvaise mine et a beaucoup maigri. Nous sommes parvenues, moi et nos quatre filles à le décider à partir faire une saison au Mont-Dore. Nous avons demandé nos laissez-passer pour Paris et le Mont Dore.

Lorsqu’il faut aller dans un endroit près des opérations de guerre tels que Gérardmer, Cornimont ou la Meuse, il faut faire une demande au général du corps d’armée huit jours avant le départ en donnant son signalement, disant ce qu’on va faire, le nom de la personne qui nous accueille. Cela est très sévère. On reçoit le laissez-passer au bout de huit jours car on prend des informations sur vous et votre famille.

Suzanne qui doit partir lundi pour St Amé avec ses enfants a du faire sa demande au général. (Note de RS : Saint Amé est la maison d’Henry et Marthe Boucher, beaux-parents de Suzanne).

Samedi 31 juillet 1915

A 6 heures, 7 avions allemands sont venus sur Nancy et ont jeté 15 bombes dans les différents quartiers : 3 bombes sur Malzéville, une sur la place de la Croix de Bourgogne, une rue Palissot, une rue des Quatre Eglises, une rue Gilbert, une place Boffrand, une chez Schmitt le marchand de beurre, une rue Charles III, une sur la statue de Thiers place de la gare. La bombe a enlevé une boucle de cheveux de Thiers et la statue est recouverte de poudre. Une autre est tombée dans le jardin de la clinique d’Alexis. Toutes les vitres sont brisées, les malades n’ont rien eu. Cependant une malade a reçu du sable qui a volé par la fenêtre. Une autre bombe est tombée sur l’ambulance des Beaux-arts. C’était une bombe incendiaire qu’on a fait éclater le soir. Tous les avions sont passés au dessus de la maison. Les canons tonnaient et on voyait très bien l’éclatement des shrapnels. On en a abattu un près de Champigneulles. C’est un aviateur de Malzéville de 21 ans qui l’a abattu. Il en est à son 53ème bombardement. On a fait traverser toutes les rues de Nancy par l’avion abattu et on l’a exposé place Stanislas.

A deux heures, nous partons pour le Mt Dore, Alexis, Gogo, Yvonne et moi. Du côté de Pont-à-Mousson nous apercevons deux ballons captifs en forme de saucisse qui surveillent les lignes ennemies et sur Toul un ballon captif qui garde le fort. Nous passons à Sermaize où toutes les maisons et la sucrerie sont en ruines. A Revigny, les maisons en ruines ont été incendiées par les Boches au moment de la victoire de la Marne. Arrivés à Paris à 9h du soir, nous couchons à l’hôtel du Quai d’ Orsay.

Dimanche 1 août 1915

Nous partons de Paris à 8h30 du matin pour le Mt Dore. On y va directement sans changer de train. Nous passons à Bourges. A Vierzon, nous prenons des paniers pour déjeuner car on n’a aucun arrêt jusqu’au soir.

Pendant tout le trajet, des infirmières de la Croix-Rouge quêtent dans les compartiments pour les blessés. Nous passons par Montluçon, La Bourboule et enfin le Mt Dore où nous arrivons à 18h30. Tous les bons hôtels sont réquisitionnés pour les blessés. L’hôtel International et l’hôtel Sarciron sont les meilleurs. Nous sommes logés dans une villa dépendant de l’hôtel. Le Mont-Dore ressemble à nos Vosges, surtout à La Bresse mais avec des montagnes beaucoup plus hautes.

De 6 heures du matin jusqu’à 9 heures, on ne voit que des messieurs en costume de laine blanche avec capuchon blanc qu’ils rabattent sur les yeux. On croirait voir des moines. Les dames ont de grandes pèlerines et sont dans des chaises à porteur. Elles vont ainsi de leurs chambres à l’établissement. Le traitement consiste à une aspiration d’une heure dans une salle remplie de vapeur à 32 degrés. On boit de l’eau et on prend des bains ou douches suivant l’ordonnance du docteur. Quand on revient à l’hôtel, on bassine le lit et on se recouche jusqu’à dix heures. Le traitement est fatiguant mais il fait beaucoup de bien.

Mon pauvre mari était si fatigué qu’il fallait absolument du repos. Les promenades du Mt Dore sont très belles.

A suivre…



24/07/2015
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