14-18Hebdo

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Carnets de guerre (Anna Vautrin) - Extraits 2 (16 au 31 août 1914)

Anna Vautrin, 48 ans en 1914, née Perrin, a épousé Alexis Vautrin professeur à la Faculté de médecine de Nancy. Anna est la plus jeune des enfants de Constant et Marie-Virginie Perrin. Elle a un frère Paul et quatre sœurs : Clémentine Cuny, Mathilde Perrin de Thiéfosse, Caroline Garnier et Célina Boucher. Alexis et Anna Vautrin ont quatre filles : Suzanne épouse de Paul Boucher, Madeleine épouse d’Edouard Michaut, Marguerite et Yvonne. Ils habitent à Nancy, cours Léopold, et ont une maison au bord du lac de Gérardmer, « les Roseaux ».

 

Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils  16/10/2014

Dimanche 16 août 1914

Ce matin, l’artillerie est passée et comme je me trouvais dans la rue St Dizier j’ai acheté plusieurs sacs de mirabelles que je donnais aux soldats qui passaient. Ils avaient l’air heureux de se rafraîchir. La foule est nombreuse pour les voir passer. Il fait une chaleur torride aussi il y a beaucoup d’insolations.

Lundi 17 août 1914

La mobilisation s’achève. Tous les jours on voit passer des troupes d’artillerie, d’infanterie et de cavalerie. Combien de milliers d’hommes sont passés à Nancy pendant quelques jours ?

Il y avait aujourd’hui de l’artillerie qui commençait au bout de la rue de Metz et qui continuait jusqu’au bout de la rue St Dizier. Des canons et des caissons tout le long des rues. Devant chez Louyot on leur donne des boites entières de gâteaux. Devant les fruiteries les dames donnent des fruits, d’autres ce sont des petits pains.

Pour le 19 août, la mobilisation sera terminée. On apprend que Badonviller a été incendié par les Uhlans. Ils ont incendié la propriété de Madame Grillet. Ils ont fusillé le facteur ainsi que la femme du maire qu’ils ont jetée dans le brasier de sa maison en flammes. Ils ont emmené des femmes du village, ils ont incendié 84 maisons dont 20 maisons des cités de Mr Fenal. Madame Fenal mère était dans la maison de son fils. Les Bavarois ont pris tous les matelas, le trousseau de Geneviève Rolsmer et pillé la maison. Les gars du village se sont sauvés à pied jusqu’à Baccarat. Ils ont commis des atrocités.

Le 20ème Chasseurs de Baccarat a été anéanti à Badonviller. Les gens du village disent que ce n’était rien en 1870.

A Blancourt il y a eu un combat et le parc de Mr Dausen (ami de Monsieur Michaut) était rempli de blessés. L’ancien maire a été fusillé. Il y a plusieurs Allemands blessés dans les ambulances. Il y en a qui sont corrects, d’autres qui sont arrogants. Un soldat allemand disait que nous serions envahis par les Allemands, que ce serait bien fait, etc. Une infirmière outrée lui a répondu « si les Allemands entrent ici, vous ne les verrez pas, je vous brûlerai la cervelle avant ».

Alexis a maintenant 85 blessés à son ambulance. Il n’y a pas assez de chirurgiens. Le Dr Maleterre est à l’ambulance du lycée de filles et le Dr Adam à l’ambulance du Sacré Cœur. Les blessés qu’on a amenés aujourd’hui à Alexis Vautrin étaient blessés depuis vendredi et nous sommes lundi.

Mardi 18 août 1914

Pendant la nuit le canon a tonné continuellement de 11 heures à 2 heures du matin. Un régiment de chasseurs est passé sur le cours Léopold. Plus de 10 voitures d’ambulance suivaient avec des bouquets et des rubans attachés après les voitures. Plus de 50 cigognes sont passées sur Nancy et ont suivi le cours Léopold. Ces oiseaux étaient chassés d’Alsace par les canons et venaient se réfugier en France.

Le fils de Mr Marc, notaire, est tué sur le champ de bataille. Mr Didierjean d’Epinal a été tué. Il laisse 5 enfants, sa femme est morte en couches l’année dernière. C’était la sœur de Madame Marcot. Mr Jacques Parisot a été obligé de venir se soigner pour de la dysenterie. Il dit que là où il était, un litre de lait coûtait 2.50fr et un œuf 0.75fr.

A deux heures nous allons baptiser la petite Colette à St Fiacre. On ne sonne pas. La famille est venue à l’église. C’est le vicaire qui la baptise puisque Mr le Curé de St Fiacre est parti à la guerre comme infirmier. En 10 minutes le baptême est terminé. J’ai à diner le soir Mr et Mme Michaut et André et Nicole. Nous allons boire à la santé d’Edouard et de la petite dans la chambre de Madeleine. Pour la première fois, elle pleure en pensant à Edouard.

Alexis a 100 malades à l’ambulance. Il n’y en a pas beaucoup de graves. On a des nouvelles de Badonviller. La sœur de Madame Tonnelier a été emmenée avec les femmes du village et lorsque leurs maisons ont été en flammes, on les a forcées de faire la chaine pour éteindre l’incendie et un soldat les a photographiées. Une pauvre femme qui allaitait son bébé a été fusillée avec l’enfant. Les Allemands ont fait passer à la file les femmes du village leur disant qu’on allait les fusiller. Ils ont brûlé l’église et ont été d’une sauvagerie inouïe.

On a mis à pied les généraux Lescot, Dalfourier, Aubier. Le général Varin remplace le général Lescot. Il avait commis plusieurs gaffes. Il n’avait pas voulu envoyer de cavalerie pour renforcer les chasseurs de Baccarat qui ont été ainsi presque tous décimés. Les pauvres chasseurs disaient qu’ils pouvaient encore tenir deux heures mais que si on ne venait pas à leur secours, ils seraient obligés de se rendre. C’est ainsi qu’ils ont été tous décimés. Mr Mathieu, le mari de Melle Georges, est blessé légèrement à Arracourt. Le colonel Serret a porté au ministère de la guerre à Paris le 1er drapeau allemand pris à l’ennemi. C’est le 10e bataillon de chasseurs de St Dié qui l’a pris.

Mercredi 19 août 1914

Aujourd’hui encore l’artillerie est passée depuis la rue de Metz tout le long du cours Léopold. Les voitures et les canons se touchaient. Ils vont tous en Belgique pour la grande bataille. Je suis allée sur le cours devant chez moi avec mes bonnes et plusieurs bouteilles de vin pour faire une distribution aux pauvres soldats qui attendaient par la grande chaleur. Chacun tendait son gobelet. J’avais emporté une bouteille de champagne du baptême de Colette de la veille. Ils étaient heureux de boire du champagne mais un soldat m’a dit « donnez m’en bien pour que les camarades en goûtent ».

Tout le long des rues on leur donne quelque chose. Je donne de l’argent à quelques soldats pour acheter du tabac.

Georges Garnier est à l’Hôtel de ville toute la journée. Mr. Mengin avocat est pompier. Messieurs. Gutton et Ottenheimer sont à la mairie. On s’efforce de se rendre utile. Le Supérieur de La Malgrange est à St Nicolas pour marquer les chevaux.

Un avion allemand est passé ce matin sur Nancy. On a tiré sur lui sans l’atteindre. Nous avons entendu la fusillade. Plusieurs biplans français passent quotidiennement à Nancy.

Alexis a deux médecins russes. La cavalerie est à Châteaux Salins. Le capitaine qui commandait la compagnie de Pierre Michaut s’est suicidé disant qu’il n’était pas à la hauteur du commandement. Le Docteur Spilmann a 9 soldats allemands blessés dans son ambulance. L’un demandait des nouvelles des armées. On lui a dit la résistance de la Belgique, ce que nos troupes faisaient. Il a répondu « alors, nous sommes fichus ».

Une dame de Pont à Mousson est arrivée mourante à la clinique. On bombarde de nouveau Pont à Mousson.

Toujours pas de nouvelles de Gérardmer, ni d’Angleterre. Voilà 15 jours !

Jeudi 20 août 1914

Monsieur Mirman, le préfet de Nancy est parti en automobile pour établir une municipalité dans les deux endroits de Vic et Château-Salins pris par nos troupes. La population leur a fait fête. Toujours des biplans au dessus de Nancy, un avion allemand est encore passé mais deux aéroplanes français l’ont poursuivi. A 8 heures du soir le dirigeable « l’adjudant Vincenot » est passé, il n’est rentré qu’à deux heures du matin. Le lieutenant Isambert, fils du peintre qui était danseur cet hiver et que Gogo connaît, a été grièvement blessé. Il est décoré.

Edouard est à Arracourt. L’artillerie et les dragons sont passés ce matin. Ils vont en Belgique. A 10 heures du soir, l’artillerie a stationné pendant la nuit sur le cours Léopold en attendant les ordres. Nos troupes en entrant à Château-Salins ont mis le drapeau français sur la mairie et ont pris les papiers. Les Allemands se sont sauvés en abandonnant tout. Les trains arrivent toujours bondés de soldats. On ne peut se faire une idée du nombre de troupes arrivées en quelques jours. Les trains sont fleuris ornés de branches. Un capitaine de Nancy a fait prisonnier à Château-Salins un officier allemand. Sur son carnet de notes trouvé sur lui, on lisait : le 5 à Nancy, le 7 à Reims et le 12 à Paris. Il y a un soldat allemand qui se croyait déjà à Reims disant qu’ils avaient passé Nancy. Monsieur Blavier de Vincaines est à Arlon dans l’armée de Belgique.

Vendredi 21 août 1914

Le Pape Pie X est mort aujourd’hui. Les avions allemands viennent toujours sur Nancy. Ils visent les grands moulins qu’ils voudraient détruire pour que nous n’ayons plus de farine ainsi que la gare de Nancy pour empêcher le passage des troupes. Toute la journée les troupes sont passées pour aller en Belgique. Nuit et jour il en passe continuellement. Cela est impressionnant. Monseigneur Turinaz est allé à l’ambulance des Beaux-arts et l’a visitée en détail avec Alexis. Le Préfet Mirman l’a aussi visitée.

C’est aujourd’hui qu’il est passé le plus de troupes depuis le commencement de la guerre. On voit que c’est pour la grande bataille de Belgique. Le cours Léopold est couvert d’artillerie de dragons. Le nombre de canons qui sont passés ici ne peut pas se compter. A 9h du soir, des troupes sont parties précipitamment pour Nomeny qui est en flammes. Il parait qu’un habitant du village a tiré un coup de fusil. C’est pourquoi les Allemands mettent tout à feu et à sang. Il est passé aujourd’hui 6 aéroplanes. Les voitures de munitions et de foin passent toujours. De grands autobus emmènent des familles entières en pleurs chassées des villages autour de Nancy. Nomeny brûle depuis hier soir.

Alexis a comme blessé un capitaine instructeur à St Cyr. Les blessés commencent à arriver, il y en a beaucoup de Nomeny. Ce sont sur de grands autobus, il y a 6 places de chaque côté avec des civières. Il y a bien en ce moment à Nancy mille blessés.

Samedi 22 août 1914

On entend le canon toute la journée. Jamais Nancy n’a été aussi animée même par les jours de fête. Les rues sont noires de monde. On ne voit que des gens atterrés. La nouvelle vient d’arriver que les Prussiens sont à Dombasle et qu’ils se dirigent sur Nancy. On dit qu’ils seront ici demain matin. Tout le monde est affolé. Tous les postiers partent. On déménage la poste et tous les appareils. Je me trouve devant la poste à ce moment là. Le Préfet part ainsi que la Trésorerie générale. La poste est fermée. On déménage la manutention et tous les sacs de farine pour ne pas les laisser aux Prussiens. Les trains ne circulent plus. On a emmené toutes les locomotives. Il ne reste rien à la gare.

Les familles Ottenheimer, Gutton, Stoffel vont prendre le train à Champigneulles à pied car les trains ne partent plus de Nancy. C’est un affolement général. On fait la queue pour demander des sauf-conduits. Plus de 10 000 personnes quittent Nancy en deux jours. Les Molard et Cuny quittent Nancy du côté de Paris car il n’y a que cette ligne qui circule. Pendant la nuit, on vient appeler Alexis. On évacue tous les blessés dans les ambulances. Il y a à peu près 1 000 blessés qu’il faut faire évacuer. Il y en a qui partent se soutenant entre eux, ce sont les moins malades. On transporte les autres sur des civières. Aucun ne veut rester aux mains des Allemands. A trois heures du matin Alexis rentre. Il a pu faire évacuer ses 300 blessés. Nous cachons notre argenterie dans notre cave et nous enterrons nos révolvers dans le jardin à 4h du matin. Quelle nuit d’angoisse ! Alexis dit qu’elle a été la plus affreuse de toute sa vie.

Dimanche 23 août 1914

Les nouvelles sont plus rassurantes. Il y a eu entre Dombasle et St Nicolas une manœuvre très bien conduite. On a entrainé les Prussiens dans un guet-apens. On les a laissés s’avancer puis on les a bombardés des deux côtés. Ils se sont sauvés dans la forêt. Là un régiment d’infanterie les a détruits. Il y a eu 30 000 Allemands tués. Ils ont demandé un armistice de 6 heures pour enterrer leurs morts mais comme ils en profitaient pour faire des tranchées, on les a canonnés de nouveau. Ils ont été refoulés à 25 km. Nous n’avons pas eu trop de pertes. C’est le 20ème corps qui a fait ce beau coup d’éclat. Sans notre artillerie qui est parfaite, les Allemands étaient à Nancy le soir même. Ils ont été féroces comme toujours. Une pauvre femme de 80 ans du petit village de Deuxville tout près de la frontière est arrivée chez son fils qui habite Nancy. Elle était allée à pied jusqu’à Dombasle. Elle a raconté qu’un Allemand a allumé l’incendie dans sa maison avec une gerbe allumée. Elle a vu sa pauvre maison brûler avec sa vache et ses petits porcs. Elle avait supplié qu’on l’épargnât à son âge mais ils sont cruels. Elle s’est sauvée et disait que tout le village brûlait.

Les Allemands veulent entrer à Nancy mais les officiers nous disent qu’ils n’y parviendront pas à cause de notre artillerie. J’ai vu une auto dans laquelle deux officiers tenaient des casques à pointe. Tout le monde applaudissait sur leur passage. Il y a eu plusieurs chariots venant de Dombasle et de Nomeny ramenant des familles entières chassées par les incendies.

On a amené plus de 80 prisonniers à la gare de Nancy. La foule les suivait. Ils sont dirigés vers le Centre. Tous les jours il arrive des prisonniers. A 9h du soir un cycliste apporte une lettre d’Edouard. Il est près de St Nicolas. Il va bien mais ils reçoivent beaucoup d’obus. Madeleine écrit bien vite une lettre et la lui envoie en même temps que la photographie de sa fille qu’il ne connaît pas encore, Colette a 8 jours et elle a été photographiée avec Madeleine dans son lit.

Lundi 24 août 1914

Depuis 8 h du matin le canon tonne continuellement jusqu’à midi. Il y a même des coups qui font trembler les vitres. A 10h arrive encore un cycliste avec une lettre d’Edouard. Ils sont à 7km de Nancy. Edouard dit qu’il avait vu plusieurs fois le commandant Biesse (mari de Cécile Perrin nièce d’Anna Vautrin). Il est avec l’état major étudiant les positions de l’ennemi. Le général de Castelnau est un général de grande valeur.

Les Français ont été obligés de se retirer et de reculer et, comme il y avait des blessés en quantité qu’il fallait ramasser sur le champ de bataille, l’ambulance n’a pu suivre assez vite. Ils sont donc prisonniers et nous n’avons pas de nouvelles. Il arrive une soixantaine de blessés dans l’ambulance d’Alexis. Le cycliste qui apporte la lettre de Madeleine est de Blénod-lès-Toul. Il raconte qu’à Morhange où ils étaient il y a deux jours avec Edouard, les canons marchaient dur. Ils ont reçus 2 000 obus allemands. Notre artillerie est bien supérieure aux Allemands. La plupart du temps leurs obus n’éclatent pas.

La bataille de Morhange a été plutôt une défaite pour nous. L’artillerie a manqué de munitions. Ils ont dû se replier en abandonnant 30 canons qu’ils ont fait sauter avant de se replier pour que les Prussiens ne s’en servent pas. Les Prussiens n’étaient qu’à 800 mètres. On a eu de notre côté beaucoup de blessés, le Colonel a eu la jambe traversée par un obus. Il a fallu abandonner les blessés. C’était la déroute pour nous. Il y a eu là une faute commise par le Général commandant cette bataille. Il a fait avancer nos troupes trop en avant. Il fallait rester beaucoup plus en arrière. On a expliqué par la suite cette faute en disant qu’on avait fait cette avancée dans les lignes ennemies exprès car on voulait retenir le 3ème corps d’armée allemand qui devait partir pour la Belgique. Tous les blessés ont été abandonnés, c’est navrant.

Les lieutenants, capitaines et commandants ont couché 3 jours dans les tranchées sur la terre. Le Général couchait seul dans une auto. Edouard va très bien. Ils sont aujourd’hui près de St Nicolas. Ils peuvent coucher dans de la paille. Monsieur Lanique est arrivé ce matin et a été surpris de ne plus trouver sa femme qui était affolée samedi à la nouvelle que les Allemands allaient arriver à Nancy. Elle est partie à 9h du soir avec Marie Molard (nièce d’Anna). Il est du côté de Toul. Ils n’ont rien à faire. Il vient de temps en temps en auto à Nancy. Il m’a donné des œufs qu’il apportait à sa femme. Il parait que les Allemands ont des ruses de guerre. A Arracourt ils avaient fait des tranchées pour faire croire qu’ils n’avaient que des soldats et ils avaient posé des casques à pointes dessus. Nos soldats trompés par les casques prussiens arrivaient tout près et étaient de suite mitraillés par les pièces d’artillerie cachées derrière.

A Morhange l’action a été très dure ; Le 37ème et 79ème ont été presque tous détruits. Beaucoup d’officiers sont morts : Monsieur de Scitivaux, Monsieur de Moirière et bien d’autres. Ils ne pouvaient plus lutter. Les Allemands les canonnaient de tous côtés. Edouard y était mais il n’a pas été atteint. J’ai rencontré aujourd’hui Madame Varin qui me dit qu’elle ne sait pas où est son mari. On lui a dit qu’il était à Avricourt. Le général Pau vient de Mulhouse à Nancy pour aider de ses conseils car la situation devient très sérieuse. Mme Blavier et Mme Journet quittent Le Sauvoy pour aller en Bretagne. Presque toutes les maisons de Nancy sont fermées depuis la panique de samedi.

Mardi 25 août 1914

Petite Colette a aujourd’hui 14 jours. Elle va très bien toute rose avec de grands yeux bleus. Madeleine est toujours excellente nourrice.

Le canon a commencé à tonner à 9h du matin jusqu’à 10h. Beaucoup d’aéroplanes viennent tous les jours sur Nancy. Hier soir, il y en avait encore un vers 9h. Ce matin l’artillerie, les dragons et les chasseurs à cheval passent sur le cours Léopold. Ils s’en vont sans doute renforcer nos troupes à St Nicolas. Nancy est en état de siège. Les cafés ferment à 6h. Défense d’attroupements dans les rues. Nos soldats sont prêts à faire sauter les ponts entre Toul et Nancy. Le pont de Blainville a sauté ainsi que le pont de chemin de fer.

Mercredi 26 août 1914

Un zeppelin est détruit entre Lunéville et Badonviller. La famille Muller de la faculté des sciences est recueillie chez le Docteur Guilloy. Ils viennent de Nomeny. Leur maison est brûlée. Ils sont restés 2 jours dans leur cave. Ils disent que rien ne reste à Nomeny, beaucoup moins qu’à Pompéi. Il ne reste rien des maisons.

Nous voyons passer sur le cours Léopold un régiment de fantassins. A leur tête sont à cheval deux chasseurs et un prêtre avec sa soutane. C’est probablement l’aumônier. Il y a à Nancy plus de 3 000 blessés. On se bat à Champenoux. Réméréville est en feu. On voit passer de nombreuses voitures à échelles transportant les pauvres gens chassés des villages par l’incendie. Un lieutenant blessé du 39ème d’artillerie vient donner des nouvelles d’Edouard à Madeleine. C’est un père de famille. Il embrasse la petite Colette pour dire à Edouard qu’il a vu sa fille qu’il ne connaît pas encore. Mr Jacques Parisot vient aussi donner à Madeleine des nouvelles d’Edouard qu’il a vu en bonne santé toujours aux environs de Nancy vers St Nicolas. 80 prisonniers sont arrivés.

Le 39ème d’artillerie (celui d’Edouard) ainsi que le 33ème ont été cités à l’ordre du jour. Il y avait à l’ambulance des Beaux-arts un prêtre envoyé par le Cardinal Amette et Monseigneur Turinaz. D’après certaines choses vues, Alexis et Mr Claude l’ont trouvé suspect et l’ont remercié tout en prévenant la police qu’elle doit le surveiller. Un pauvre soldat est mort la poitrine transpercée. C’est aujourd’hui qu’il y a eu le plus de blessés. Pendant toute l’après midi c’était une suite d’autos ramenant des blessés. Les tramways ont tous un wagon supplémentaire pour mettre les blessés moins graves. Les plus graves viennent dans des autos ou dans des chariots avec de la paille. Tous les après-midi les trottoirs depuis la rue St Georges jusqu’à la gare sont noirs de monde pour voir passer les blessés et les prisonniers qu’on amène tous les jours.

Jamais je n’ai vu Alexis aussi démoralisé et peiné par la vue de tous les blessés. Toutes les ambulances sont remplies. 190 blessés aux Beaux-arts, 100 blessés à l’hôpital, 100 blessés à l’usine de Langenhagen et quelques-uns à la clinique. Cela lui fait 450 blessés pour lui seul. Il nous dit que lorsqu’il arrive il ne sait par lequel commencer car il y a maintenant de très graves. Aussitôt qu’ils vont un peu mieux on les évacue dans le centre de la France pour faire place à ceux qu’on amène tous les jours. La plupart des blessés disent aux sœurs qu’ils voudraient être guéris pour recommencer.

Alexis est écœuré et en même temps si peiné de voir tous ces jeunes gens si pleins de vie et de santé être blessés ainsi et ceux qui ne meurent pas être défigurés ou estropiés. Il y a de tout, des balles dans la tête, aux bras, aux jambes et à la poitrine. Aujourd’hui il a dû faire une amputation, le pauvre blessé serait mort deux heures plus tard si on ne l’avait pas faite. Tous ces blessés qu’on a amenés aujourd’hui étaient sur le champ de bataille depuis trois jours. On n’avait pas pu les ramener. Ils mourraient de faim et de soif. Plusieurs médecins militaires ont été tués. C’est affreux de sentir de pauvres soldats blessés étendus sur la terre pendant trois jours.

Je vais demander des nouvelles de Mr Zilgien qui est très malade. Il est condamné, depuis quelques jours il va très mal.

Alexis rentre ce soir à 8h harassé pour diner. Il a opéré toute la journée combien de blessés ! C’est affreux. Nous n’avons aucune nouvelles de Grand-mère ni d’Albert Vautrin. Nous ne savons pas où il est parti. Toujours pas de nouvelles de Gérardmer ni d’Angleterre. Il y a 15 jours que j’ai quitté Gérardmer.

J’entends vers 5h des cris de la place St Epvre. Ce sont des prisonniers qu’on amène au palais du Gouvernement. La foule les suit. Ils n’ont plus de casques allemands. Ils sont nu-tête. Le mari de Doudeck Barco a été blessé légèrement.

Alexis a eu 4 morts aujourd’hui aux Beaux-arts. On les emmène au cimetière avec des drapeaux sur leurs cercueils. Ils étaient blessés affreusement. Il y a 2 blessés à la mâchoire, la balle a traversé une joue pour ressortir sur l’autre joue en traversant la langue. On les nourrit avec une paille. Alexis dit qu’ils se rendront à l’ambulance de l’école normale, là où est Mme Michaut. Il y en a plusieurs qui ne savent pas ni lire ni écrire. D’autres sont blessés aux bras. On écrit pour eux des lettres à leurs familles.

On dit avoir vu de la chartreuse de Bosserville une grande lueur. On croyait que c’était un village que les Allemands incendiaient mais il parait qu’ils incinéraient leurs morts. Ils les brûlent au lieu de les enterrer car ils en ont trop.

Jeudi 27 août 1914

Le pape Pie X est mort le 20 août et c’est à peine si on y a fait attention. Le conclave doit se réunir lundi pour élire un nouveau pape. On a ramené Jean Adrien blessé. Il avait reçu un éclat d’obus dans l’épaule. Il est à l’école professionnelle puisque sa mère y est infirmière. Cela n’est pas grave. Il avait été blessé à 6h du matin et on ne l’a ramené qu’à 6h du soir. Il a encore relativement de la chance puisque les blessés qu’Alexis a reçus aujourd’hui étaient restés 3 jours sur le champ de bataille. Alexis a aujourd’hui toutes ses ambulances pleines, 450 blessés. Toutes les ambulances de Nancy sont bondées et on évacue dans le centre et dans le midi de la France pour en recevoir d’autres. Il y a aujourd’hui plus de 4 000 blessés à Nancy.

Le canon a tonné très fort de midi à 6h. Les Français ont fait évacuer le village de Crévic par les habitants car il est sur la ligne de bombardement. Mr Ernest Vilgrain est blessé légèrement. Il a reçu une balle dans la main.

On dit que Monseigneur Ruch a failli être prisonnier. Il est aumônier dans les environs de Nancy. Il a pu se sauver dans une automobile d’ambulance. Un vicaire du Sacré Cœur a été pris à sa place. Au début de la guerre, on a fusillé Mr Leiner l’électricien de la rue St Dizier, celui qui a monté notre électricité dans notre maison. Il avait dans sa cave de la télégraphie et il correspondait avec les Allemands. On a fusillé en même temps le marchand de beurre restant rue St Dizier également espion. On a aussi fusillé un pâtissier près de la rue St Jean.

On se bat maintenant aux environs de Lunéville ce qui s’appelle la grande couronne de Nancy. Cela comprend tous les forts de Pont St Vincent. On se bat aussi près de Charmes. On amène encore de nombreux prisonniers allemands. On en tue quelques uns. De nombreux blessés sont ramenés en bateau depuis Rosières-aux-Salines par le canal puis des voitures à échelles garnies de paille et des automobiles vont les chercher près de Nancy jusque dans les ambulances. Nous avons vu passer plus de 24 voitures pour les blessés.

Vendredi 28 août 1914

Depuis hier soir à 10h le canon tonne sans discontinuer toutes les 5mn. Pendant toute la nuit et vers une 1h du matin, les coups étaient très forts au point que les vitres tremblaient de temps en temps. Ce sont de grosses pièces qui sont dans les forts autour de Nancy. C’est impressionnant car ce sont des coups très profonds comme des coups de tonnerre et cela toutes les 5 mn. Cela ne ressemble en rien aux coups de canons des pièces de campagne qui sont de petits coups.

On a aussi aujourd’hui 7 canons allemands aux environs de Lunéville. On en a pris 25 aux Allemands mais on en a amenés que 7 à Nancy. Ils sont alignés devant la statue de Stanislas gardés par un réserviste. La foule vient les voir. Il y en a deux qui ont été abimés par nos obus. Trois sont identiques. Ils ne ressemblent en rien à nos canons. Je suis allée les voir. Cela est impressionnant. 40 000 Allemands sont aujourd’hui dans la forêt de Parroy près de Lunéville. C’est un piège que nos soldats ont tendu aux Allemands. On leur a envoyé un ultimatum en demandant de se rendre. On leur donnait 2 heures. Ils ont répondu qu’ils ne voulaient pas se rendre. C’est pourquoi on les a encerclés et on les canonne depuis hier soir. Le canon a continué jusqu’à minuit. Les Allemands ont bombardé St Dié et on dit qu’ils ont pillé et brûlé quelques maisons.

Samedi 29 août 1914

J’ai rencontré Mme Jeandelize qui m’a dit que son cousin Mr Burrus époux de Melle Vincent de Senones a eu son usine incendiée à Blâmont. Il a une fabrique de tabac et de chocolat. Toute l’usine a été incendiée ainsi que les citées des ouvriers. Il a été emmené en otage avec sa femme et ses deux enfants. On ne sait pas ce qu’ils sont devenus. Mr Vincent a fait mettre paraît il dans les journaux un avis de recherche. C’est affreux.

Le général Pau est à Einville. Je ne quitte plus les environs de Nancy car la bataille qui se livre en ce moment est très sérieuse depuis Charmes, Bayon, Gerbéviller, Lunéville, Baccarat, St Nicolas et Nancy. Tous les forts de Nancy sont en activités. C’est ce qu’on appelle la grande couronne de Nancy. Les Allemands sont toujours à 19 km de Nancy. Samedi, le jour de la grande panique, les Allemands n’étaient qu’à 10 km. On a pu les repousser à 20 km mais au prix de combien de morts !

Mr Jeandelize père qui est de Morhange disait aujourd’hui que les Français avaient commis une grande faute en y allant. Cela ne servait à rien car il était impossible de lutter à cet endroit avec les Allemands. On a amené à la clinique plusieurs officiers Français. Ils sont une vingtaine à la clinique. Il y a un commandant avec une balle dans le dos et qui parle de partir pour retrouver son régiment. Alexis a mis les officiers à la clinique et les soldats aux Beaux arts. A la clinique se trouve un officier allemand. C’est un lieutenant de 24 ans, Mr Kramer, fils d’un docteur professeur à la faculté de Magdebourg tout à côté de Berlin. Aussitôt arrivé, son premier mot a été pour sa mère. Il a demandé si on pouvait lui écrire qu’il n’était pas mort. On lui a répondu que les communications avec l’Allemagne étaient interrompues. Il a reçu 2 balles dans chaque genou. Sœur Anatole le soigne. Elle m’a dit que lorsqu’Alexis était entré dans la chambre il avait un air sévère et un peu bourru. Il avait dit d’une façon brève « Bonjour Monsieur ». Puis il s’est mis à le panser et voyant qu’il souffrait beaucoup il l’a consolé en lui disant qu’il ne souffrirait plus autant. Alexis lui a mis une traction pour qu’il ne reste pas estropié. Il l’a soigné comme nos officiers. C’est un garçon très bien élevé sortant de l’école de guerre allemande. Il dit à la Sœur qu’il la dérange souvent, qu’il la fatigue, etc. Il parle bien français.

Un soldat allemand est aux Beaux-arts. On l’a amené cette nuit à minuit avec l’officier. Le simple soldat tremblait de tous ses membres. La sœur lui a dit qu’on ne lui ferait pas de mal. Ils ont été blessés à Einville-au-Jard.

Je viens de recevoir une lettre de Gérardmer de Suzanne datée du 15 août et nous sommes le 29. Je reçois aussi un télégramme de Marguerite d’Angleterre qui nous dit que si elle a une occasion elle veut revenir. Je veux lui répondre que nous irons la chercher aussitôt que possible. Lorsqu’on envoie un télégramme, on doit le faire viser d’abord chez le commandant de la place. On ne veut pas m’envoyer mon télégramme car on n’envoie plus que les télégrammes de militaires. Alexis va aller trouver le Préfet Mr Mirman pour qu’il donne une autorisation pour l’envoyer car Marguerite serait trop inquiète de ne pas recevoir sa réponse.

Le canon recommence, il est 9h du matin. Je viens de voir passer cours Léopold une vingtaine de femmes et d’enfants avec des paquets d’habits sur les bras fuyant. Une pauvre vieille donne le bras à une plus jeune. Cela ressemble tout à fait aux gueux de Callot que l’on voit sur ses gravures. Les femmes sont échevelées trainant des enfants. Elles fuient sans doute un village incendié par les Allemands.

Les familles Wilain et Gutton ont fui et bien d’autres !

Le canon tonne toujours. Mathilde, ma femme de chambre, vient de recevoir une carte postale de sa belle-sœur qui habite Mulhouse. La carte date du 24 août. Elle l’a donc reçue en 4 jours alors que la lettre de Suzanne de Gérardmer a mis presque 15 jours. Sa sœur lui dit « nous sommes Français » En effet, elle écrit avec un timbre allemand mais à côté il y a le timbre frappé de la poste française. Elle est heureuse d’être Française. Mathilde a un frère qui combat en Allemagne et un autre en France.

A midi grande surprise ! Edouard arrive. Il a deux jours de repos car il est assez fatigué. Madeleine est bien heureuse. Il fait la connaissance de sa fille qu’il n’avait pas encore vue.

Je vais à la clinique porter des pèches à Mr Châtel lieutenant qui est soigné pour un éclat d’obus dans la jambe. Il partage la chambre d’un commandant à qui mon mari a retiré une balle. Ils me disent qu’ils se trouvent trop bien soignés à côté d’autres qui ne le sont pas. Le commandant me dit qu’il va repartir dans quelques jours. En ce moment il y a à la clinique une douzaine d’officiers en plus de l’officier allemand. Après je vais visiter l’hôpital des Beaux-arts avec Sœur Philoména. Je visite les grandes salles de blessés. Il y a des plaies partout à la tête, aux bras, aux jambes, à la poitrine. Les plus graves sont dans une salle spéciale. Tout est très bien organisé. C’est plein de 190 blessés. Caroline Garnier (sœur d’Anna) a le service de la lingerie très bien conduit. On apprend que Mr Béliéni est retrouvé et bien portant. Aussi, on va tout de suite prévenir ses parents car il avait été mis comme disparu sur les registres de la mairie. Je donne à un militaire une lettre pour Marguerite qu’il mettra à Paris ainsi qu’une dépêche pour elle. Cela arrivera beaucoup plus vite. Ce militaire apporte à Paris toutes les correspondances des officiers. On met 16 heures d’ici à Paris et il faut aller prendre le train à Champigneulles. Du côté d’Epinal le pont de Blainville du chemin de fer a été sauté par nos soldats, aussi on ne peut plus aller à Gérardmer. Ou bien il faut faire le tour par Mirecourt. On dit qu’on va le réparer.

Dimanche 30 août 1914

Le canon recommence à tonner à 9h du matin. Il y a des moments où les coups sont très forts et d’autres moments où l’on dirait qu’il s’éloigne. Les coups sont continuels. Samedi on ne l’a pas entendu. On ne peut pas s’habituer à ce bruit de canon. C’est toujours aussi impressionnant. Etain a été bombardé, les habitants se sont sauvés à Verdun. On dit que Charmes a été évacué. On se bat toujours avec force aux environs de Lunéville. Les pauvres Belges ont bien du mal à résister. Malines est prise, les Allemands ont demandé 2 milliards de rançon pour Bruxelles et un million et demi pour Charleroi. Les Russes avancent dans la Prusse orientale et en Galicie. Ils ne sont plus qu’à 900km de Berlin. Il parait que les Berlinois commencent à avoir peur de l’arrivée des Russes. Les journaux parlent toujours des atrocités allemandes partout où ils passent. Dans tous les pays, on les appelle « les Huns ».

Pas de nouvelles de Suzanne !

Le général Pau est toujours dans les environs de Nancy. La flotte de l’Angleterre commence à poursuivre celle de L’Allemagne.

Le Tsar et le roi d’Angleterre flétrissent le nom Allemand. Ils envoient au roi de Belgique un télégramme de condoléances et de sympathie car hier un zeppelin est venu sur la ville d’Anvers pour essayer de jeter des bombes sur le Palais Royal où se trouvent la Reine et ses enfants. On n’a jamais vu ça dans aucune guerre.

Le Tsar a écrit hier qu’il abolissait pour toujours les distinctions russes qu’il avait données à des princes allemands. Il défend aussi à ses officiers de porter à l’avenir des décorations allemandes. On n’avait jamais fait cela dans aucune guerre. On s’est battu à Waterloo. Ce qu’il y a d’impressionnant, c’est que les soldats anglais et allemands se sont battus au même endroit là où sous Napoléon leurs souverains se sont embrassés puisqu’ils étaient alliés à ce moment là.

Il y a une division allemande à Lunéville qui ne veut pas se rendre. On se demande si on ne sera pas obligé de bombarder Lunéville puisqu’on ne peut pas les en faire sortir. Un état-major allemand a été fait prisonnier entre Pont-St-Vincent et Bayon. Ce sont quelques chasseurs qui les ont pris pendant qu’ils mangeaient. La foule a murmuré parce qu’on les a fait monter en 1ère classe.

 Les Allemands ont bombardé le cimetière de Rambervillers. Mme de Turckheim femme de l’ancien maire de Lunéville a demandé au Général allemand qui se trouve à Lunéville en ce moment de lui donner un sauf-conduit pour pouvoir venir à Nancy. Le Général lui a répondu : « Mais dans trois jours, nous vous y conduirons Madame ». Quelle morgue !

Le canon ne tonne plus depuis midi. Alexis a un Allemand blessé par son capitaine. Il ne pouvait plus marcher aussi son capitaine l’a à moitié assommé. Les blessés qu’on a amenés hier à Alexis étaient restés sur le champ de bataille depuis 4 jours. Les malheureux souffraient tant de blessures et avaient si soif qu’ils suçaient parait-il leurs casques qui avaient reçu de la rosée. D’autres mangeaient de l’herbe et d’autres mourant de soif ont bu leur urine. C’est affreux. Un malheureux blessé depuis 4 jours est arrivé mourant. La gangrène s’est mise partout. Il est mort laissant 5 enfants et combien d’autres comme lui. Alexis dit que c’est navrant de voir cela, des pauvres garçons qu’on aurait pu sauver si on les avait amenés plus tôt. Le service des brancardiers n’est pas assez surveillé. Ils viennent quand ils veulent et les médecins ne surveillent pas assez le service.

Lundi 31 août 1914

Le canon tonne mais parait plus éloigné. Depuis le 4 août le téléphone ne marche plus dans la ville. A Paris un aéroplane a fait tomber une bombe sans occasionner de dégâts. Les Allemands sont passés près de Dun-sur-Meuse. Ils sont toujours près de Lunéville. On apprend aujourd’hui que plusieurs jeunes gens ont été tués. Le fils du Dr Chrétien de Sfax a été tué près de Lunéville ainsi que deux capitaines dont les femmes sont à l’ambulance des Beaux-arts. Le colonel d’Edouard est tué. Tous les officiers sont du 69ème qui parait il a été complètement décimé ainsi que le 26ème près de Lunéville.

A suivre…



17/10/2014
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