14-18Hebdo

14-18Hebdo

89e semaine de guerre - Lundi 10 avril au dimanche 16 avril 1916

 

LUNDI 10 AVRIL 1916 - SAINT EZECHIEL - 617e jour de la guerre

MARDI 11 AVRIL 1916 - SAINT LEON - 618e jour de la guerre

MERCREDI 12 AVRIL 1916 - SAINT JULES - 619e jour de la guerre

JEUDI 13 AVRIL 1916 - SAINT HERMENEGILDE - 620e jour de la guerre

VENDREDI 14 AVRIL 1916 - SAINT JUSTIN - 621e jour de la guerre

SAMEDI 15 AVRIL 1916 - SAINT CRESCENT - 622e jour de la guerre

DIMANCHE 16 AVRIL 1916 - RAMEAUX - 623e jour de la guerre

Revue de presse

-       L'échec du Kronprinz dans son offensive générale à l'ouest de la Meuse

-       Les troupes bulgares ont franchi la frontière grecque

-       Nos poilus tiennent le coup

-       Nouveaux succès des Anglais dans la région de Saint-Eloi

-       L'emprunt allemand se place difficilement

-       L'ennemi s'épuise en vaines attaques - Entre Douaumont et Vaux, il a été rejeté par nos contre-attaques

-       L'inévitable crise du crédit allemand

-       Un "Fokker" survole Remiremont

-       A l'ouest d'Erzeroum les Russes prennent de nouvelles positions turques

-       Violentes attaques des Autrichiens qui s'emparent du Monte Sperone - Ils en sont chassés par une contre-attaque des Italiens qui réalisent de nouveaux progrès

-       Le Mexique demande le retrait des troupes américaines

-       La "libération" de la Pologne - Varsovie affamée par les Allemands

-       Prochaine arrivée de prisonniers malades en Suisse

-       Les Italiens prennent d'assaut la position de Santo Oswaldo

-       Succès anglais en Egypte

 

Morceaux choisis de la correspondance

10 avril - ELLE (Arcachon).- Je t’écris vivement avant de partir à Arcachon où nous allons passer l’après-midi, nous devions y aller Robert et moi et Thérèse y emmène ses enfants pour les faire photographier. J’ai donc permis à nos grands d’y venir aussi et les bonnes les accompagneront à pied et on reviendra tous en tramway. C’est la grande réjouissance de toute la famille en l’honneur de l’anniversaire de Noëlle qui a 7 ans aujourd’hui. Te rappelles-tu, mon Geogi, c’est déjà bien loin, sept ans déjà ! Nous allons tous bien, Maman nous annonce son arrivée pour jeudi, j’en suis bien ravie, car cela lui sera bon d’avoir une quinzaine de repos.

 

Je t’aime mon chéri et voudrais que toi aussi tu m’annonces ta venue prochaine. Ta Mi.

 

11 avril - ELLE (Arcachon).- Je suis contente de penser que mes lettres te font plaisir, quelque imparfaites qu’elles soient et quoique peu intéressantes. Nous continuons à avoir un temps mitigé, on pourrait dire beau si ce n’était le grand vent de mer qui souffle et refroidit tout. Les deux grands sont en forêt avec Elise, moi je me repose ayant une cause de fatigue, je ne quitte pas ma chaise longue aujourd’hui, et j’ai gardé mon Robert qui est étendu sur mon lit. Nous sommes allés hier à Arcachon et nous sommes restés peut-être un peu trop longtemps sur la plage pour voir partir un hydravion, le fait est que Bertus a toussé un peu cette nuit et tu devines qu’après avoir si bien écrit à Maman qu’il allait bien, qu’il avait de bonnes couleurs, qu’il ne toussait presque plus, il ne faudrait pas qu’en arrivant ici elle le trouve enrhumé, elle croirait que je lui racontais des mensonges. Et pour Maguy aussi, si elle l’entendait tousser, elle tremblerait pour Jean, croyant encore entendre la toux de coqueluche.

 

Ce matin Noëlle et André jouaient un moment sur la plage et Noëlle est venue en courant me raconter ce qu’ils faisaient, je te le donne textuellement : « Maman on a fait une grande tour avec des grands fossés, c’est la tour de Louis XV et puis c’est nous qu’on est le peuple, et on monte à l’assaut de la tour et on la démolit parce qu’on est trop fâché contre lui ». On voit qu’ils viennent d’apprendre dans leurs dernières leçons la prise de la Bastille et la Constituante, avec une petite histoire qui est bien laïque donnant raison en tout à la révolution.

 

Hier après midi nous sommes donc allés à Arcachon nous peser, j’ai augmenté de 300 grammes et Robert pas du tout, mais il va tout de même très bien. J’y étais partie en voiture avec Thérèse et les petits et les autres sont venus à pied avec les bonnes. J’ai fait la joie de tous en offrant à goûter dans une pâtisserie où nous avons pris le thé, Thérèse et moi. Nous avons attendu jusque cinq heures sur la plage pour voir partir un hydravion qui était venu le matin, mais il ne voulait plus remarcher. Le lieutenant qui le montait avait dû téléphoner au camp d’aviation voisin pour faire venir des ouvriers. Enfin las d’attendre et surtout parce qu’il faisait froid et que l’heure de notre tram de retour allait sonner, nous sommes partis et avons eu la déconvenue d’entendre le moteur ronfler quelques minutes après avoir quitté la plage, c’était dommage, car cela aurait amusé et intéressé les enfants de le voir s’élever après avoir vogué un peu sur la mer.

 

Nous avons reçu une carte de Georges, une vraie carte de prisonnier cette fois, avec les lignes imprimées pour qu’on ne puisse en écrire de trop serrées. Il ne nous parle que des victuailles qu’il faut lui envoyer, lard, oignons, pâtes, etc. Il faut croire qu’il n’a pas obtenu sa réintégration à Wahmbeck, c’est bien dommage car son nouveau régime va lui sembler d’autant plus dur qu’il a espéré un moment s’y soustraire.

 

J’espère toujours que ta prochaine lettre m’annoncera ton arrivée, mais tu ne dis rien de précis, tu ne me parles que de la fin du mois, dis-moi dans huit jours, cela me conviendra bien mieux, je serais si heureuse de te revoir, mon chéri aimé. En attendant je t’envoie mes meilleurs baisers. Ta Mi.

 

En ce moment, il faut prendre les choses telles qu’elles se présentent et surtout les bonnes choses, car si plus tard les Allemands attaquent de votre côté, les permissions pourraient être suspendues, et nous serions bien navrés l’un et l’autre de n’avoir pas pris ce que l’on nous offrait.

12 avril - ELLE (Arcachon).- J’ai eu une bien grosse déception hier en recevant ta lettre et en voyant que tu ne pouvais venir aussitôt que je l’espérais. Je m’étais tant réjouie à l’idée de te voir arriver. Mais quoique la date du 3 mai ne soit pas très bonne pour moi, car ce sont justement des jours où je suis un peu fatiguée, je ne veux pas que tu retardes. En ce moment, il faut prendre les choses telles qu’elles se présentent et surtout les bonnes choses, car si plus tard les Allemands attaquent de votre côté, les permissions pourraient être suspendues, et nous serions bien navrés l’un et l’autre de n’avoir pas pris ce que l’on nous offrait. Il n’y a rien de plus simple, au lieu de m’arrêter à Paris en retournant, j’irai directement à Docelles, et t’y attendrai. Si tu repasses par Paris au retour, je repartirai avec toi, car je préfère ne pas laisser les enfants si longtemps à Paris. Depuis le 28 jusqu’au 3, jour de ton arrivée, cela fait déjà 5 jours pendant lesquels ils traîneraient inutilement. Je préfère les ramener de suite à moins que tu aimes mieux passer ta permission à Paris où ce serait plus gai pour toi que dans les Vosges. Dans ce cas, on s’arrangerait. Ne t’inquiète pas pour moi, le voyage est bien peu de chose surtout quand on le fait seule, sans mioches autour de soi et ce me sera très facile de le recommencer. J’aime mille fois mieux que tu ne retardes pas ton arrivée de dix jours. Donc c’est entendu ainsi, sauf contrordre tu me trouveras à Docelles.

 

Maguy arrive ce soir avec son petit Jean, Paul n’a pas pu l’amener en auto, elle vient donc par le train, et Maman quitte ce soir son Docelles pour prendre demain matin le train de 4 heures à Epinal qui l’amène à Paris à 2 heures de l’après-midi, et ici vendredi matin.

 

André travaille très bien son piano, sa maîtresse trouve qu’il fait même plus de progrès que Noëlle, car il fait plus attention. D’ailleurs, notre fille en ce moment fait la sotte, elle fronde, elle est fainéante, elle est dans une mauvaise période et aurait besoin de temps en temps d’une bonne petite correction.

 

La gorge délicate de notre Bertus a pâti du grand vent de la plage lundi dernier, il retousse et c’est bien mal tombé pour l’arrivée de sa tante et de sa grand-mère. Je l’ai fait rester au lit aujourd’hui, et espère que cela lui fera du bien. Il n’a aucune fièvre, c’est simplement de l’irritation.

 

Mon Geogi, je me réjouis tant de te revoir, tu mettras ton bel équipement neuf en cuir genre bretelle, que je te voie en tenue de campagne, je ne veux pas te demander d’apporter ton casque puisque tu me dis que c’est lourd et chaud. A dans trois semaines donc, et en attendant je t’aime et t’embrasse. Ta Mi.

 

13 avril - ELLE (Arcachon).- Maguy est arrivée hier soir et son fils très timide a commencé par hurler en voyant tous ces visages inconnus, mais aujourd’hui il s’humanise et montre une affection particulière pour André et Robert. Noëlle s’est dépêchée de faire ses devoirs pour pouvoir plus tôt jouer avec son petit cousin. Le séjour ici pendant quelque temps fera grand bien à ce petit homme trop habitué à n’être qu’avec ses deux nounous, il n’est pas habitué aux heurts ni au bruit. Jusqu’alors d’ailleurs c’est l’admiration complète pour tous ses faits et gestes et on ne songe nullement à le brimer.

 

Malheureusement pour ce premier jour nous avons une pluie détestable et nous n’avons pas pu sortir une seule minute. Tu rirais en voyant nos trois chaises longues (car Thérèse s’en est achetée une aussi) installées au salon, nous y avons passé notre après-midi à bavarder en travaillant. Tous les soirs avec Thérèse nous faisions notre petite partie de piquet et une réussite, tu reconnais bien le vice de ta femme, elle est toujours aussi joueuse, tu sais et elle espère, maintenant que sa sœur est là, qu’elle va faire une petite partie de bridge à trois et à quatre quand Maman y sera. J’espère tout de même que cette dernière quinzaine de séjour ne se passera pas à voir tomber la pluie, car ce serait navrant.

 

Robert ne tousse presque plus aujourd’hui, il n’y a vraiment rien de tel qu’une journée au lit, et au premier beau jour il pourra ressortir. Et toi, mon gentil chéri, que fais-tu, les journées doivent te sembler bien longues et tu dois bien souvent soupirer après la fin.

 

Dédé est en train de faire une composition française, c’est le devoir qu’il abhorre et il peine dessus, on vient trouver sa maman pour avoir des idées. Le brave Dédé est content, parce que j’ai dit à tante Maguy qu’il travaille très bien, cela lui redonne de la confiance et il est tout joyeux.

 

Maman nous télégraphie qu’elle a manqué sa correspondance à Nancy et n’arrivera que samedi matin. Aura-t-elle le temps de faire quelques courses obligatoires chez des marchands de pâte ?

 

Je t’aime, mon Gi et pense tant aux jours prochains où je te verrai, quelle joie. Ta Mi.

 

14 avril - ELLE (Arcachon).- Rien de nouveau ici, toujours le grand vent, on ne peut pas songer à rester sur le côté de la maison qui donne sur la mer. Maguy, habituée à une maison très chauffée, est encore plus frileuse que nous et réclame feux et boule. Son petit Jean s’habitue peu à peu à nous tous et il devient gamin, son séjour ici le débrouillera et le contact des nôtres le rendra loquace. Quant à Maguy, elle est très gentille, un peu L.J. naturellement, devenue très Charentaise et Angoumoise. Thérèse est presque plus comme nous maintenant, mais cela c’était prévu, quand on a parlé de ce projet je me doutais bien que c’était une affection qui deviendrait lointaine et peu à peu étrangère. C’est la vie et arrive tôt ou tard, entre sœurs, de près ou de loin. Tu vois les sœurs de nos mères, elles vivent près l’une de l’autre et il n’y a guère plus d’intimité. Il n’y a vraiment de bon que l’intimité avec ses parents et surtout son mari chéri quand on a un Geogi qui comprend si bien sa femme.

 

Ce matin, les enfants n’ont pas eu leur leçon de piano et au contraire leur maîtresse m’a demandé de venir voir sa petite fille qui était malade, en attendant que le docteur vienne. Cette dame a pourtant 3 enfants, mais comme dans ces petits ménages de Paris, elle a mis les deux aînées en nourrice, aussi elle est pour la troisième, arrivée peu après la déclaration de guerre, comme une toute jeune Maman de 20 ans et n’a aucun principe d’hygiène. De plus les ressources ne semblent pas bien grandes et je crois qu’on fait comme en ville, d’après ce qui disait Mère, on ne mange pas et on achète des livres ou des robes brodées. Mais je n’ose pas blâmer car je pense que ce doit être horriblement difficile de vivre en dépensant peu. Quand je vois ce que coûte la vie, chez moi, alors que je crois faire attention et ne pas dépenser en aveugle.

 

Dans 15 jours nous serons bien près de Docelles, je m’en réjouis comme un collégien qui compte les jours qui le séparent des vacances, et avec la perspective de te voir bien vite, cela me fait tant de plaisir. Je suis contente d’être venue ici parce que je crois que ce séjour aura fait du bien aux enfants, mais je serai encore bien plus contente de m’en aller.

 

Nous sommes remontés au fort de Vaux. J’ai compté montre en mains l’espace par coup de canon, je suis arrivé à 40 secondes, et nuit et jour ainsi.

14 avril - Victorin Noël (Armées) à Georges Cuny, son patron.- Nous sommes remontés au fort de Vaux le 30 mars et l’avons quitté le 11 avril. Nous avons passé 5 jours en réserve et 7 jours en première ligne. Ce que j’ai vu n’est pas croyable, à plusieurs kilomètres de circonférence vous ne trouveriez pas de verdure de quoi couvrir le creux de votre main, les forêts n’existent plus, tout est haché, arraché, mutilé, on dirait un volcan qui est passé là. J’ai compté montre en mains l’espace par coup de canon, je suis arrivé à 40 secondes, et nuit et jour ainsi. De plus, nous avons souffert énormément de la soif aussi. Lorsque nous sommes redescendus et que les prés verts nous sont apparus ainsi que les arbres en fleurs, il nous semblait que nous rêvions, que nous étions heureux de quitter cet endroit maudit de désolation et vous ne pouvez douter du bonheur qu’on éprouve lorsqu’on se retrouve en arrière à l’abri après le devoir accompli.

 

Paul a vu quelqu’un d’influent qui lui aurait annoncé que la guerre durerait encore un peu plus d’un an. 3 ans de guerre, c’est loin des 3 mois qu’on annonçait quand on parlait de la guerre probable.

15 avril - ELLE (Arcachon).- Maman est arrivée ce matin et te remercie de ta lettre arrivée hier soir. Nous nous réjouissons tous de te revoir et comme tu comptes les jours, moi aussi je les compte et voudrais qu’ils coulent bien plus vite encore pour embrasser plus tôt mon chéri aimé.

 

J’ai reçu une belle lettre de Madame Remy d’Alger qui m’a bien surprise et amusée, je te la joins, toute embaumée des fleurs algériennes et vais bien vite lui répondre et la remercier, car il est arrivé à Docelles le colis annoncé de verveine et feuilles d’oranger. C’est une bien brave femme, mais je me demande pourquoi tout d’un coup elle pense à moi depuis deux ans qu’elle est partie et plus. Son mari n’a pas été mobilisé grâce à leur petit dernier, ce qui leur faisait 6 enfants, il a été, dit-elle, leur bonne étoile ce petit dernier.

 

Pour l’adresse du docteur Gaillemin, je ne la sais pas. Tu n’as qu’à adresser ta lettre chez le colonel Gigout à Toul. Mme Gaillemin y est et la fera suivre. Il paraît que le Dr a eu 3 jours de permission pour assister aux obsèques de sa mère.

 

Je me demande mon Geogi pourquoi, en m’annonçant que ton commandant va être promu, tu me dis de suite que ce ne sera pas toi qui le remplaceras, tu crois donc que je pensais encore à ta nomination et que tu as toujours affaire à une petite femme ambitieuse. Note bien tout de même que je serais très contente que tu aies 4 galons, car maintenant on voit des petits capitaines de 24 et 25 ans, et un capitaine de 40, ce n’est plus chic, mais comme c’est mon Geogi, je l’aime quand même, qu’il soit capitaine ou commandant, et comme il n’a pas d’ambition, il faut bien que sa femme rabatte son petit amour-propre, elle n’aura pas de péché d’orgueil à avouer, ce sera déjà quelque chose.

 

Mon Geogi, je suis furieuse aujourd’hui, car Maman a vu Marie Molard qui lui a dit (attends, cela va être long) que Paul Cuny avait vu quelqu’un d’influent qui lui aurait annoncé que la guerre durerait encore un peu plus d’un an. Je les maudis tous ces prophètes de mauvais augure, on voit bien qu’ils n’ont pas un mari chéri comme toi loin d’eux. 3 ans de guerre, c’est loin des 3 mois qu’on annonçait quand on parlait de la guerre probable. Je t’embrasse, mon adoré, de tout mon cœur.

 

Noëlle a été très sensible aux reproches que je lui ai faits de ta part, elle travaille très bien depuis.

 

J’attendrai mon chéri comme le Messie, plus tôt il viendra, mieux ce sera.

16 avril - ELLE (Arcachon).- Nous partons toujours d’ici le 27 au soir, nous passerons la journée du 28 à Paris, j’irai voir le docteur, mes belles-sœurs, faire quelques achats et nous rentrerons le 29 et j’attendrai mon chéri comme le Messie, plus tôt il viendra, mieux ce sera, le 30 ou le 1er mai par exemple.

 

Tu sais qu’hier soir je t’avais dit dans ma lettre que je ne ferais pas de péché d’orgueil et voilà qu’hier soir je me suis prise, je ne dirai pas à m’admirer, mais à me dire quel dommage que mon Geogi ne soit pas là, il aurait plaisir à m’embrasser ce soir. J’ai regagné quelques kilos, mes salières se sont remplies, j’ai de nouveau de bonnes couleurs, autant que je puis en avoir du moins, enfin voilà la chose, j’ai été contente de me regarder dans la glace. Aurais-tu cru cela de ta femme, mon pauvre Gi, faut-il être frivole en ce saint temps de Carême et pendant qu’on est en guerre, d’aimer tant les compliments qu’on s’en fait à soi-même quand on n’a pas son petit Geogi pour vous en faire et vous aimer.

 

Paul L.J. est arrivé hier et nous a bien surprises, car nous ne l’attendions pas. Il repart demain matin et emmènera Maman jusque Bordeaux où il sait qu’il y a un vapeur chargé de houille en déchargement et Maman cherchera à en faire expédier à Docelles puisqu’elle n’obtient rien de ses fournisseurs habituels. Elle aime encore mieux payer cher des charbons anglais qui brûlent bien que de faire des essais de houille du Centre qui ne rend pas bien. Maman reviendra par le train.

 

En ce moment, ils sont tous partis en auto : Paul, Maguy, Maman et Thérèse pour voir le pays environnant. Je suis restée à la maison pour me reposer en t’écrivant, ce pays ne m’intéresse pas du tout, c’est curieux et j’aime bien mieux ma chaise longue qui me fait tant de bien que de faire des kilomètres en auto. Depuis que je conduis l’auto je n’aime plus aller dans une voiture que je ne conduis pas, et le grand vent me donne mal à la tête. Comme c’est évidemment la place de Maguy d’être près de son mari derrière la glace, j’aurais été derrière et j’étais sûre d’avoir la migraine. Je plaisantais autrefois les personnes qui faisaient toujours attention à leur petite santé et voilà que je me prends à faire de même. Mais comme je me sens beaucoup mieux, j’espère que d’ici peu, je serai de nouveau comme tout le monde et pourrai recommencer à me remuer.

 

Notre Bertus n’est plus enrhumé, il est sorti aujourd’hui dans le jardin, car jusqu’alors je le gardais au balcon pour lui éviter les courants d’air.

 

Camille Biesse serait à l’ouest de la Meuse d’après une lettre à sa femme datée du 7. Il était rentré dans le secteur depuis trois jours et n’avait pas eu un instant de repos. Ce n’est pas que la canonnade l’empêche de dormir, il y est si bien habitué ! Mais avec ces combats sans répit, il faut voir soi-même à tout. Il pensait être relevé vers le 15 ou le 16. Cécile espère que le lieu de repos ne sera pas trop éloigné de Thiéfosse. La dernière fois le régiment a été envoyé près de St Dizier pendant une huitaine ; ils ont pu, elle et les enfants, y passer quatre jours avec Camille. Ce fut un bon moment, ils ont été heureux de se retrouver après les terribles journées de la bataille de Verdun. Et puis ce fut le départ brusque du régiment pour les environs de Bar-le-Duc, avant-dernière étape avant de rentrer dans la fournaise. Pourvu que les nouvelles continuent à être bonnes.

 

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 16/04/1916 (N° 1321)

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S. A. R. le prince Alexandre de Serbie - Général en chef des armées serbes

Dans la série de portraits en couleurs des grands chefs militaires que nous publions, et à laquelle le public attache un si vif intérêt, il nous a paru légitime de faire figurer notre hôte d’hier, le prince Alexandre, héritier du royaume de Serbie. Le prince Alexandre comptera, en effet, parmi les grands généraux de cette guerre ; et tous les Français voudront garder son portrait parmi ceux des soldats illustres qui auront concouru le plus efficacement à délivrer le monde du cauchemar germanique.

 

L’héritier du trône de Serbie est né à Cettigné, capitale du Monténégro le 4 décembre 1888. Son père, le roi Pierre Karageorgevitch, était alors simple prétendant au trône serbe, qu’occupait la dynastie rivale des Obrenovitch. Il commença ses études en Suisse et les termina à Petrograd. En 1903, le roi Pierre ayant été appelé au trône de Serbie, ses deux fils, les princes Georges et Alexandre, rentrèrent à Belgrade avec lui. Quelques années après, l’aîné, le prince Georges, ayant déclaré renoncer au trône, le prince Alexandre fut proclamé prince héritier. En 1912, au moment de la déclaration de guerre des alliés balkaniques contre la Turquie, le prince Alexandre, qui était chef du 6e régiment d’infanterie serbe et portait, avec le grade de général, le titre d’aide de camp général, prit le commandement de la première armée avec le général Boyovitch comme chef d’état-major. C’est cette première armée qui inscrivit sur ses drapeaux les victoires de Kumanovo, de Prilep et de Monastir. Pendant la seconde guerre balkanique provoquée par la trahison bulgare, le prince Alexandre conserva le commandement de son armée.

 

Peu de temps avant l’envoi par l’Autriche-Hongrie de l’ultimatum qui de complicité avec l’Allemagne devait déchaîner la guerre européenne, le roi Pierre confia au prince Alexandre la régence du royaume. Ce fut en cette qualité qu’il prit le commandement suprême de l’armée. Pendant toutes les hostilités, il fut au quartier général, avec son état-major, d’abord à Kragoujevatz, puis à Kralievo, et il sut inspirer à ses soldats la confiance la plus sûre et l’affection la plus vraie. Au moment de la retraite de l’armée serbe, c‘est son énergie qui galvanisa les troupes et permit de rallier les régiments dispersés, rompus de fatigue et souvent mourants de faim. Un officier serbe disait l’autre jour à un de nos confrères : « La part effective que le prince a prise durant la guerre dans la conduite des opérations sera connue un jour. On ne s’imagine pas ce que ce jeune homme, à l’intelligence si ouverte, à la ténacité si grande, a appris de l’art de la guerre depuis quatre ans. Il est devenu un chef militaire de premier ordre. Il a encore un trait de caractère très précieux : le sang-froid, un sang-froid imperturbable, qui s’est manifesté surtout pendant la retraite des troupes serbes. Au moment tragique où l’armée serbe, serrée de près par des forces trois fois supérieures, fut menacée d’encerclement, et où beaucoup de gens commençaient à perdre la tête, le prince conserva toute sa présence d’esprit. Le bruit d’offres de paix de la part des Allemands parvenait aux troupes serbes. Le prince jugea que le seul parti à prendre était la retraite générale vers l’Adriatique. « Il faut, dit-il, sauver notre armée à tout prix. Nous ferons l’impossible pour y réussir. ‘Pas de capitulation, pas de trahison’. Voilà notre devise. Ceux qui prononceront le mot honteux de paix seront fusillés sur-le-champ ! »

 

Ses ordres furent donnés en conséquence. Quoique malade, souffrant d’une crise de gravelle, le prince partit pour Durazzo, fit en trois jours, à cheval, un voyage que sa garde ne put effectuer qu’en six jours, et prépara tout pour recevoir son armée. Mais son état empirait. Les médecins lui conseillaient d’aller se faire opérer en Italie ou en France. « On m’opérera ici, répondit le prince. Si je dois mourir je mourrai parmi mes soldats. » L’opération se fit, dans une modeste chambre à Scutari. Le lendemain, le prince apprend que les troupes serbes d’Alessio manifestent de vives inquiétudes sur son état. Il se fait coucher au fond d’une voiture et transporter à Alessio puis, ayant rendu confiance à ses soldats, il revient à Durazzo, et ne consent à partir pour Corfou qu’après que le dernier homme du dernier contingent serbe a été embarqué.

 

Ce prince de vingt-sept ans est un grand général et un admirable conducteur d’hommes. Il est digne de son illustre aïeul Karageorges, le libérateur de la Serbie, et de son noble père, le roi Pierre, le combattant héroïque de l’armée de la Loire en 1870, l’ami fidèle de la France, l’ami des bons et des mauvais jours. Comme eux, il pratique également et le courage et la charité ; il est l’ami de ses plus humbles soldats. « Pendant les opérations, raconte l’officier serbe que nous avons cité plus haut, il parcourait sans cesse le front pour voir ses hommes, pour causer avec eux, pour les encourager, pour surveiller leur ravitaillement. Chaque fois qu’il rencontrait sur les routes un soldat blessé ou malade, il le faisait placer dans son automobile et le faisait soigner par ses médecins et à ses frais. Il dépensait toute sa liste civile pour nourrir les familles indigentes de ses soldats, et toujours discrètement, sans que « la main gauche, comme disent les Serbes, sache ce que la main droite donne. » Et l’officier conclut justement : « Le monde sera étonné quand il saura ce que ce prince a fait pour son armée. »

 

 

 

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Les Allemands brûlent leurs morts dans les hauts-fourneaux

Un Belge habitant Seraing, près de Liège, où se trouvent les importantes forges de Cockerill, a donné quelques détails à un correspondant du ‘Central News’ sur la crémation des cadavres allemands dans les hauts-fourneaux. Il a réussi à y assister à l’insu des Allemands qui, en pareil cas, forcent les habitants à s’enfermer chez eux à la chute du jour et leur interdisent toute lumière. De longs trains de marchandises viennent s’aligner devant les hauts-fourneaux. On en sort les cadavres par ballots de quatre liés avec du fil de fer. Les corps sont dépouillés de leurs vêtements, dont l’étoffe et les boutons de métal sont trop précieux pour être perdus. Les corps sont ensuite jetés dans la fournaise sans cérémonie, mais sans « irrévérence ». On en consume en moyenne huit cents par nuit. Les Allemands incinèrent ainsi par mesure d’hygiène, mais aussi pour faire disparaître les corps de ceux qu’ils ne portent pas sur les listes de décès et qu’ils classent sous la rubrique « disparus », et arrivent ainsi à dissimuler l’importance des pertes subies.

 

 

  

Les instantanés de la guerre (photos)

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Un général en tournée d'inspection dans ses positions

En Champagne - La distribution de 10 000 cigares offerts par un ami du capitaine pour sa compagnie

En Alsace - Mise en batterie contre aéros

En Alsace - Une gare de ravitaillement

Decauville transportant des munitions

Canons de 120 et leurs tracteurs

Abri souterrain des 1res lignes

Dans les tranchées - Tonneaux d'eau potable pour la troupe

En Champagne - Au cantonnement après une journée de travail

Dans un bois - La relève des troupes de 1re ligne, à travers les boyaux

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Soldats russes prenant le thé au retour des tranchées

Sur le front russe - Abri de cosaques

Un convoi de ravitaillement en munitions

Hindenburg et son état-major

Patrouille de cyclistes allemands

Dans la neige jusqu'aux genoux

Un puissant projecteur

"Polo" berger des Flandres, cité à l'ordre du jour

Le roi et la reine des Belges passant des troupes en revue

Les grenades à mains des troupes russes

 

 

 

Thèmes qui pourraient être développés

  • Le Mexique demande le retrait des troupes américaines
  • Pologne - La "libération" de la Pologne - Varsovie affamée par les Allemands
  • Prisonnier - Prochaine arrivée des prisonniers malades en Suisse
  • Egypte - Succès anglais en Egypte
  • Arcachon - Le tramway
  • Aviation - Hydravion
  • Angleterre - Les Dominions et le gouvernement de Londres
  • Armée - Equipement en cuir genre bretelle : tenue de campagne
  • Jeux - Une partie de piquet et une réussite
  • Roumanie - Un accord entre l'Allemagne et la Roumanie
  • Non mobilisés - Les pères de 6 enfants
  • Nourriture - La taxation de la viande est votée par le conseil municipal
  • Généraux - Le prince héritier Alexandre de Serbie, général en chef des armées Serbes (Portrait dans LPJ Sup)
  • Les Allemands brûlent leurs morts dans les hauts fourneaux (LPJ Sup)
  • Verdun - Histoire (LPJ Sup)
  • Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)
  • Religion - Fête religieuse - Rameaux


08/04/2016
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