14-18Hebdo

14-18Hebdo

88e semaine de guerre - Lundi 3 avril au dimanche 9 avril 1916

 

LUNDI 3 AVRIL 1916 - SAINT RICHARD - 610e jour de la guerre

MARDI 4 AVRIL 1916 - SAINT ISIDORE - 611e jour de la guerre

MERCREDI 5 AVRIL 1916 - SAINT VINCENT FERRIER - 612e jour de la guerre

JEUDI 6 AVRIL 1916 - SAINT CELESTIN - 613e jour de la guerre

VENDREDI 7 AVRIL 1916 - SAINT CLOTAIRE - 614e jour de la guerre

SAMEDI 8 AVRIL 1916 - SAINTE MAXIME - 615e jour de la guerre

DIMANCHE 9 AVRIL 1916 - PASSION - 616e jour de la guerre

Revue de presse

-       La bataille de Vaux

-       Nouveau raid de dirigeables allemands sur la côte anglaise dans la nuit de samedi à dimanche : 16 tués, 100 blessés

-       Au nord de Verdun nos énergiques contre-attaques nous font regagner la presque totalité du bois de la Caillette et la partie ouest du village de Vaux

-       L'aspect nouveau de la bataille sur les trois fronts de Verdun

-       L'acharnement des bandits de l'air - Trois raids de zeppelins sur l'Angleterre en trois nuits

-       Un incendie dans une poudrerie anglaise - Le sinistre est purement accidentel - 200 tués et blessés

-       Le général Broussiloff commandant en chef des armées du front sud-ouest en Russie

-       En Mésopotamie - La colonne Townshead près de la délivrance

-       Une violente attaque est repoussée par les Italiens sur le Carso - Les Autrichiens subissent de lourdes pertes

-       La guerre sous-marine - La Hollande voit clair - L'Amérique s'indigne

-       Les Russes sont à 25 kilomètres de Trébizonde

 

Morceaux choisis de la correspondance

3 avril - ELLE (Arcachon).- J’ai été conduire Thérèse ce matin à la gare en voiture ayant quelques petits achats à faire à Arcachon. J’ai emmené mon Robert pour s’occuper pendant que les autres faisaient leurs devoirs et s’en allaient à leur leçon de musique. En ce moment je les ai tous les trois sur le balcon. Robert a préféré écrire à aller se reposer. Cela m’est égal, il est bien tranquille sur une chaise et comme son travail n’est pas bien absorbant ce n’est pas cela qui le fatiguera. Les deux autres étaient en retard pour leurs devoirs hebdomadaires et je les ai condamnés à les faire cet après-midi au lieu de se promener comme d’habitude. Noëlle surtout est traînarde, il est vrai qu’elle est bien plus jeune qu’André, et on est habitué à la voir très intelligente, aussi on lui demande plus de choses que son âge ne le comporte.

 

Mais la brave Noëlle, si elle est fine et d’esprit prompt, elle manque souvent de perspicacité et ne voit pas les choses qu’il faut dire ou taire. Ainsi l’autre jour, de mon balcon j’entendais Françoise qui faisait littéralement enrager sa mère à la salle à manger, refusant une chose, la voulant ensuite, criant et hurlant et j’ai dit tout haut, sans penser que Noëlle était près de moi : « Ah, si c’était ma fille, elle recevrait une bonne fouettée, elle est assommante, cette gamine ». Voilà ma sotte de Noëlle, le soir, qui dit à Thérèse : « Vous savez tante Thérèse que Maman a dit que vous étiez bien trop bonne, que Françoise est assommante et que si c’était sa fille, elle la fouetterait ». Thérèse qui est très bonne, a seulement répondu que si on voulait fouetter les enfants chaque fois qu’ils en ont besoin on aurait bien à faire, qu’il faut souvent fermer les yeux.

 

Nous avons un bien beau temps et je voudrais qu’il vous arrive aussi pour sécher un peu votre boue, car ce doit être si désagréable.

 

Maintenant que les colis postaux sont rétablis sur le front, tu devrais demander à Pauline le linge qui t’est nécessaire, en lui disant de l’envoyer par le bureau central militaire de Paris, cela ira plus vite que par Besançon. N’as-tu pas besoin de chaussures et d’uniformes. Quand tes bottes ou plutôt tes molletières seront usées, il ne faudra plus en racheter de cette forme qui n’est pas élégante, mais prendre des leggins, c’est bien mieux. Je te joins des photos que Maurice vient de m’envoyer. Quoique à l’état-major, il a un air de vrai troupier. Leur village qui n’avait jamais été bombardé l’est depuis une huitaine assez fortement.

 

Hélas ! Tout cela ne nous présage pas une fin prochaine et le retour prompt de mon chéri.

4 avril - ELLE (Arcachon).- Je constate que j’ai le chic de t’annoncer que je joins quelque chose à ma lettre et ensuite de la fermer précipitamment, oubliant d’y glisser ce que je te promettais. C’est ainsi qu’hier je voulais t’envoyer la photo de Maurice et à peine la lettre était-elle partie que je me suis aperçue de mon oubli.

 

Nous payons la chaleur d’hier par de la pluie. Un orage cette nuit a démis le temps. Nos enfants sont allés se promener une heure seulement et maintenant ils font leurs devoirs, mais Monsieur Dédé manque d’ardeur, je ne sais pas ce qu’il a, il ne fait pas attention du tout.

 

J’ai reçu une lettre de Mme Bodenreider qui me dit que son beau-père se ressent de la fatigue de ces deux années de gros travail. Dès le commencement de la guerre il a eu la maladie de sa femme et sa mort, ensuite il s’est employé à faire remarcher les usines de Moyenmoutier et St Maurice. Il partait en auto tous les dimanches après-midi à Moyenmoutier et rentrait le lundi soir. Le mardi il restait à la Bresse, repartait à Moyenmoutier le mercredi en passant par Epinal, rentrait le jeudi à midi, repartait à St Maurice le vendredi. Cette vie peut être supportée par un homme jeune, mais pas à 60 ans passés et pendant de si longs jours. Surtout que les jours où il restait à La Bresse, il se levait à 3 heures du matin pour faire ses écritures, car au début surtout il n’avait pas d’employé. Depuis quelques mois, on lui a rendu son comptable, qui avait six enfants. Mme Bodenreider me dit qu’il a eu une sorte d’étourdissement l’autre jour et qu’elle voudrait le voir enrayer un peu ses occupations. Elle me dit aussi qu’il y a beaucoup de troupes chez nous. Il y a deux E.M. à Cornimont, un chez Pierre Mangin et un chez Marie Nicolas. Il est encore venu des taubes qui ont lancé deux bombes. Enfin aux dernières nouvelles, la mort de Madame Camille Remy. Voilà la gazette de notre pays.

 

Je crois avoir oublié de te dire que Paul L.J. avait entendu parler par ses chefs d’une offre de paix faite par les Allemands à la France. Je te la donne sous toutes réserves car elle me semble extravagante. L’Allemagne rentrait dans ses frontières anciennes, rendait donc à la France son territoire envahi ainsi qu’à la Belgique, gardait l’Alsace naturellement, prenait le Congo belge et français et demandait à la France 50 milliards. M’est avis que les Allemands ont encore un bien gros appétit, si toutefois c’est une histoire vraie et que ceux qui racontent que les Allemagnes sont vaincues se leurrent terriblement. Hélas ! Tout cela ne nous présage pas une fin prochaine et le retour prompt de mon chéri. A part ces belles ou plutôt tristes nouvelles, je n’ai rien de bien intéressant à te conter. As-tu lu l’article de Wells dans le Temps du 31 mars, il est bien amusant au début en montrant toutes les nations au partage du gâteau.

 

Je suis ravie d’apprendre que les permissions ont repris.

5 avril - ELLE (Arcachon).- Nous rentrons de la forêt où nous sommes allés les enfants et moi d’une heure à 4. Il faisait tellement bon que j’ai permis aux enfants de se mettre pieds nus, ce qui les mettait en joie. Les enfants aiment tant ce qui ne se fait pas habituellement. Noëlle et André ont lu à tour de rôle un chapitre d’un livre que Marie Paul leur a donné au passage à Paris, pendant que Robert restait étendu au soleil. On est rentré pour le goûter et maintenant ils travaillent tous les trois sur le balcon, car le côté de la mer est trop éventé. Je remarque qu’à la marée montante il fait toujours beaucoup plus de vent.

 

Maman nous écrit qu’elle pense pouvoir venir vers le 13 avril, j’en suis bien contente car elle a dû trouver ces six semaines bien longues. L’usine va aussi bien que possible. Ils n’acceptent plus de nouvelles commandes depuis quelque temps se trouvant malheureusement trop engagés. Elle en a essayé ces jours-ci. On accepte son prix de 172 pour une sorte à 55 avant la guerre. Qu’en dis-tu ? Faut-il qu’on en manque. Cela l’enhardit pour traîner un peu les anciennes fournitures et en fabriquer quelques-unes de nouvelles.

 

Le fils de Bigaut est prisonnier, ses parents n’avaient plus de nouvelles depuis le 5 mars. Il a dû être prisonnier peu après que le 21e corps est arrivé à Verdun.

 

Nous n’avons plus eu de nouvelles de Georges depuis qu’il nous annonçait son changement de camp. Je lui avais fait expédier un colis de conserves en même temps que je t’envoyais un foie gras. L’as-tu reçu ?

 

Je reçois ta bonne lettre du 2 avril et suis ravie d’apprendre que les permissions ont repris. Mais nous quittons forcément le Moulleau de par nos billets de famille le 27 avril au soir au plus tard. Donc si tu veux venir ici, il faudrait nous arriver avant, ce qui ferait la joie de tous. Maguy serait bien contente aussi de te revoir. Autrement si tu ne peux venir avant Pâques, cela te retardera beaucoup, car au retour le docteur m’a demandé de m’arrêter à Paris pour me faire suivre un traitement. En lui envoyant nos poids et températures il y a trois jours, je lui demandais combien de temps il pensait me garder à Paris, je n’ai pas encore de réponse. Dès que je l’aurai, bien vite je te l’écrirai, mais de crainte que cela ne nous entraîne bien loin, en mai, ce serait bien plus gentil si tu venais ici. Rappelle-toi seulement que nous partons le 27. Il faudrait donc que tu arrives au moins le 18 pour bien profiter l’un de l’autre et nous pourrions voyager ensemble au retour jusque Paris. On n’ose pas se réjouir à l’avance, car on serait peut-être déçu. Les enfants sautent de joie à l’idée de revoir leur papa et la maman a bien envie d’en faire autant.

 

Que je suis contente que tu ne sois pas à Verdun. On lit dans les journaux que la bataille est si dure et si sanglante, et de ce côté pas de permission. Avec cette joyeuse idée de ton arrivée prochaine en tête, je ne sais plus rien à te conter, tout se brouille, je ne puis plus que t’embrasser bien fort de tout mon cœur. Ta Mi.

 

5 avril - JMO 5e RAC/Groupe 95.- Les batteries 44 et 50 font un tir de représailles sur la Verrerie de Evin. Le maréchal des logis vaguemestre de Froissard est tué à Merfy ce même jour.

 

Pourvu qu’on ne les arrête pas au dernier moment, ces bienheureuses permissions, car je serais bien déçue.

6 avril - ELLE (Arcachon).- Depuis hier soir je me réjouis à l’idée de te voir arriver bientôt. Avant ta lettre je n’y pensais même pas, croyant ta permission encore si lointaine. Pourvu qu’on ne les arrête pas au dernier moment, ces bienheureuses permissions, car je serais bien déçue.

 

En tout cas, il n’y a que deux bons trains par jour, un le matin à 8.40 qui t’amène ici à 7.52 du soir avec un changement à Lamothe, petite gare à 1/2 heure d’ici où on quitte la grande ligne de l’Espagne pour prendre l’embranchement. L’autre à 9 h 50 du soir qui t’amène à 9 h 15 du matin, avec changement de train à Bordeaux et suffisamment de temps pour déjeuner au buffet. Selon ton arrivée à Paris, tu pourras donc choisir l’un ou l’autre. Et tu viendras faire connaissance avec ce vilain pays des « Lanndes » et notre petite installation.

 

Maman nous écrit une lettre toute découragée. Je serai bien heureuse de la voir arriver et passer une bonne quinzaine ici pour se reposer car ce temps toute seule, avec personne pour la remonter, a dû lui être pénible. Elle ne reçoit pas de houille, il paraît que son fournisseur n’a pas obtenu l’autorisation d’en exporter d’Angleterre, de sorte que la pauvre Maman est bien ennuyée. Et puis elle s’ennuie surtout de ne pas recevoir de nouvelles de Georges depuis sa lettre du 5 mars à l’arrivée à son nouveau camp. Elle craint que sa médaille militaire soit cause de ce changement, il la désirait, la demandait sans cesse, et elle avait cherché à lui faire comprendre son hésitation, mais il y tenait et ne paraissait pas saisir le motif de son abstention. Elle attend une nouvelle lettre avec impatience.

 

Thérèse est revenue hier soir d’Angoulême, bien contente comme moi de retrouver ses petits. Maguy viendra la semaine prochaine avec son petit Jean et je me réjouis de voir tous ces petits ensemble. Jean est très placide et va être très désemparé au milieu de tous ces lurons qui courent, sautent et se bousculent. J’ai été assister aux leçons de piano des enfants ces deux derniers jours pour juger mieux de la méthode de cette dame. Ils l’écoutent très bien, mais elle trouve que Noëlle, mieux douée qu’André, se donne moins de peine et n’accepte pas les conseils avec docilité, Mademoiselle a son petit quant à elle. Je regrette de n’avoir pas cherché des leçons dès les premiers jours, car ils auraient bien avancé. Enfin cela leur fera un bon mois, c’est déjà cela.

 

A Angoulême on voyait de grands trains pleins de rondins en pin qui devaient être destinés aux armées. Tout cela venait de ce pays sans doute où il y a tant de forêts.

 

7 avril - ELLE (Arcachon).- Je te joins la lettre de Maman reçue ce matin pour que tu y donnes la réponse qu’elle te demande. Je ne sais pourquoi elle a peur de la Banque de Crédit qui n’a rien à voir avec l’Alsace. La Banque de Mulhouse est peut-être plus en danger. C’est Pauline qui me demandait l’autre jour des renseignements en disant qu’à Cornimont le bruit courait que la B. de M. allait couler et me disait que ses parents y avaient un peu d’argent, elle voulait savoir ce que j’en pensais. D’ici je ne pouvais guère lui donner, aussi j’avais écrit à Maman à ce sujet. Mais je crois qu’elle a tort de s’alarmer.

 

Je viens de recevoir une lettre de faire-part de la mort de Madame Gaillemin de Vagney. Si tu as encore l’adresse du docteur, écris-lui un mot, je vais écrire à sa femme et à ses sœurs. Elle a dû mourir très vite, car la petite bonne de Mme Gaillemin qui est la sœur de celle de Thérèse a écrit ces jours derniers et ne parlait pas de maladie.

 

J’ai aussi une lettre de la nourrice de Robert qui se rappelle à mon bon souvenir, tu devines pourquoi. Elle a encore eu un enfant cet hiver, cela fait au moins le 6ème, mais malheureusement, ils meurent tous. Elle a été très malade après ses couches et les médecins l’avaient condamnée dit-elle. La pauvre fille ne doit pas être trop bien. Son mari a presque toujours été dans les dépôts. Il est encore au camp de Valdahon, me dit-elle, et avant à Besançon. Elle est toujours à St Etienne, mais n’a plus travaillé depuis presque un an. Elise prétend qu’elle était fort paresseuse et qu’elle n’a plus travaillé parce qu’elle touchait l’allocation. Je vais lui envoyer un petit secours, c’est ce qui lui plaira dans ma réponse sans doute.

 

Mon Geogi, je pense bien à toi et voudrais savoir que tu n’es pas trop mal dans tes abris, que vous avez du beau temps et que les Allemands oublient de vous bombarder, et surtout que tu viendras bientôt en permission. Depuis quand ton commandant est-il parti ? Est-ce toi qui passeras de suite après lui. Tu m’as dit l’autre jour que Georges Humbert t’avait écrit, de quel côté est-il ? Il me semble qu’il fait partie d’une division de cavalerie, ils n’ont donc pas dû encore taper fort.

 

Noëlle est dans une veine de paresse. Ce matin sa maîtresse était très mécontente d’elle. J’avais dit que Noëlle serait condamnée à te l’écrire, mais ce serait vraiment trop amer d’envoyer une semblable lettre à son papa, aussi j’oublierai ma menace et il y a des chances pour que Noëlle ne m’en fasse pas souvenir.

 

8 avril - ELLE (Arcachon).- Je pense avec joie que tu seras peut-être bientôt près de moi et je serai si heureuse de revoir tes chers yeux si aimants et de recevoir les caresses de mon mari adoré. Qu’est ce que c’est que ce petit mari qui pense déjà au lit qu’il aura dans sa permission. Il faut croire que vous êtes joliment bien dans votre gourbi, Monsieur, pour vous inquiéter à l’avance de la largeur de votre lit. Rassurez-vous bien vite, le mien est très suffisant pour nous deux. J’y ai même eu si froid au début de mon séjour que j’ai pris un de mes enfants avec moi pour me servir de chaufferette vivante et ne pas sentir le froid tout autour de moi, donc je serai ravie de t’y faire une petite place, mon aimé chéri.

 

Je viens de recevoir une lettre du docteur qui me dit qu’il pense me garder à Paris une quinzaine. Ce sera bien ennuyeux, cela amènera donc mon retour dans les Vosges vers le 10 mai. Penses-y, si tu ne peux venir ici, tu aurais peut-être du plaisir à rester quelques jours à Paris, mais tu n’y verrais pas les enfants, car je ne veux pas m’en embarrasser si longtemps, nous n’avons pas des bonnes assez délurées et habituées aux villes pour pouvoir les leur confier, car ce me serait une fatigue. J’aime donc mieux les envoyer à Docelles avec Maman. Je serai plus libre. Je ne sais d’ailleurs pas du tout si je serai obligée d’aller chez le docteur tous les jours ou si ce sera lui qui se dérangera, je crois qu’il veut me faire des piqûres.

 

Madame Bichelberger a la chance d’avoir ses trois gendres à l’abri. Le mari de sa fille aînée est directeur de St Gobain à Bordeaux, et y a une très jolie situation et y a été nommé 3 mois avant la guerre. Au début il a été mobilisé mais il est revenu au bout de quelques mois à la tête de son usine. On lui a même redonné 900 ouvriers plus 200 prisonniers allemands parmi lesquels il a des avocats, des professeurs, même un curé. Je pense que la fabrication des acides ne doit pas trop leur plaire, mais il paraît qu’ils sont très bien installés et bien nourris. A chaque instant, il y a des commissions qui viennent surveiller leur installation. L’autre gendre, Mr Benoist, est secrétaire du médecin-chef de l’hôpital d’Evreux, sa femme a loué une maison dans la ville pour être près de son mari. Et le troisième est dans un dépôt comme garde-magasin d’habillement. Il n’y a que son fils qui est au 69e Rt donc au 20e corps. Pendant ces derniers combats, il était à l’hôpital ayant une fièvre typhoïde et il a eu la bonne fortune d’être évacué sur Bordeaux, de sorte qu’il peut venir passer ses journées chez sa sœur depuis qu’il n’est plus alité.

 

Il paraît qu’on a lancé des bombes à Epinal et que l’hôtel du Louvre a été atteint, heureusement que Paul était à Paris.

 

Je suis si en mal de toi mon adoré, et aussi un peu, faut-il l’avouer, de tes caresses.

9 avril - ELLE (Arcachon).- Il est une heure et demie et nous sommes déjà les enfants et moi installés dans la forêt, c’est tout près de chez nous. Dédé me porte ma chaise longue. J’emporte mon papier à lettres, un livre pour me servir de pupitre et le lire lorsque j’ai fini d’écrire, un porte-plume. Noëlle prend un livre, Robert les pelles et voilà la famille équipée. En semaine, Elise nous accompagne pour s’occuper des enfants, mais aujourd’hui je lui ai laissé sa liberté, car ces demoiselles n’apprécient pas grandement la solitude de la forêt et aiment bien mieux courir le dimanche à Arcachon voir les magasins. Françoise vient avec nous et Lili dort.

 

Le temps est couvert mais très doux, ainsi je suis ici sans jaquette et les enfants n’ont que leurs tabliers sur leurs costumes.

 

Si tu viens ici, mon bon chéri, tu feras bien d’apporter ta cantine pour avoir de quoi te changer, car je n’ai rien à toi ici. As-tu encore un costume propre. N’y aurait-il pas moyen de t’en faire faire à Reims. Je te dis peut-être là une bêtise formidable, ne me doutant pas de l’état de destruction de la ville qui a encore été si fortement bombardée dernièrement, paraît-il. Et n’oublie pas les manchettes que tu aimes si peu et que ta vilaine petite femme aime à te voir. Tu comprends que devant l’élégante Madame Laroche-Joubert, il faut se mettre à l’unisson. Ce que c’est que ces gens de l’arrière comme nous, ils ont encore des idées bien bizarres, n’est-ce pas, chéri. Tu nous trouveras bien bronzés, j’ai honte de mes mains, mes bras tout noirs. Encore 18 jours ici et le grand départ.

 

J’ai écrit au maire de Cornimont ne sachant pas si c’était à lui ou au percepteur que je devais envoyer notre déclaration. Et dès sa réponse je l’enverrai puisque tu crois qu’en mai il ne sera plus temps.

 

Mais ce que j’aimerais bien mieux, ce serait que tu viennes vers moi, je suis si en mal de toi mon adoré, et aussi un peu, faut-il l’avouer, de tes caresses. Ta Mi.

 

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 09/04/1916 (N° 1320)

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Le général Pétain - Commandant de l’armée de Verdun

On sait à quel point le régime de l’anonymat est de rigueur dans cette guerre. Les héros n’ont droit qu’à des initiales. Cependant, une note officielle a permis au public de connaître, dès les premiers jours de la résistance sur la Meuse, le nom du chef auquel en incombait la responsabilité. Cette note disait : « Le président de la République a été reçu au grand quartier général de l’armée de Verdun par le général Joffre et le général Pétain. » On savait donc, dès lors, que le général Pétain avait la haute main sur les troupes chargées de défendre Verdun. Quel était ce chef, inconnu avant la guerre, et chargé aujourd’hui de la plus haute mission pour la défense du pays ? » Voici la réponse à cette question : c’est le simple exposé des états de service du général Pétain.

 

Né à Cauchy-à-la-Tour (Pas-de-Calais) le 24 avril 1856, Philippe Pétain entra à Sant-Cyr en octobre 1876. A sa sortie de l’école spéciale militaire, il fut successivement officier de chasseurs à pied, puis chef de bataillon d’infanterie, professeur de tactique à l’école supérieure de guerre, enfin colonel au 33e d’infanterie, puis professeur à Saumur. Peu de temps avant la guerre (20 mars 1914) il était nommé commandant par intérim de la quatrième brigade d’infanterie. Mais depuis lors, quelle marche rapide vers les sommets de la hiérarchie militaire !

 

Général de brigade, maintenu dans le même commandement, 30 août 1914 ; général de brigade, 5e division d’infanterie, 2 septembre 1914.

Général de division, à titre temporaire, le 14 septembre 1914.

Général de division, commandant le 33e corps d’armée, le 25 octobre 1914.

Général de division, à titre définitif, le 20 avril 1915 (maintenu dans son commandement).

Général de division, commandant la 2e armée, le 21 juin 1915 (décision ministérielle du 25 juin 1915).

Cité à l’ordre de l’armée du 27 septembre 1914, du 8 avril 1915, du 10 mai 1915.

Le général Pétain était chevalier de la Légion d’honneur du 11 juillet 1901, il fut fait officier de la Légion d’honneur le 8 octobre 1914 et commandeur de la Légion d’honneur le 10 mai 1915.

 

Cette rapide accession aux plus hauts grades témoigne suffisamment des grandes qualités militaires du général Pétain et des immenses services qu’il a rendus au pays depuis le début de la guerre.

 

Nul n’ignore aujourd’hui que le 33e corps d’armée, dont il était le chef, se couvrit de gloire aux champs de Carency, de Notre-Dame-de-Lorette, d’Ablain-Saint-Nazaire. Lors de cette grande offensive d’Artois, au mois de mai de l’année dernière, c’est le général Pétain qui commandait les troupes de la première vague d’attaque. On avait escompté, en mettant les choses au mieux, qu’il lui faudrait au moins une journée pour enlever la première ligne allemande. Au bout de deux heures, il envoyait un de ses officiers d’ordonnance prévenir le général commandant l’armée de renfort qu’il avait percé. « Vous êtes fou, répondit celui-ci ? » L’officier n’était pas fou. Non seulement le général Pétain avait enlevé la première ligne, mais les deux suivantes. Le terrain libre s’ouvrait devant lui. Si nous n’avons pas pu profiter, comme nous l’aurions dû, de cette magnifique victoire, ce fut uniquement parce qu’elle avait été trop prompte. C’est encore le général Pétain que l’on a retrouvé en Champagne, le 25 septembre 1915. Tout le monde se rappelle comment, en vingt-quatre heures, il prenait à l’ennemi six kilomètres en profondeur sur 25 en largeur, lui faisant plus de 20 000 prisonniers d’un seul coup. On comprend quand on sait cela qu’on l’ait appelé au poste d’honneur et de danger devant Verdun.

 

Ce qui caractérise le général Pétain, en dehors de sa science militaire, c’est son étonnante jeunesse, sa force extraordinaire de résistance. Notre confrère le ‘Figaro’ contait l’autre jour qu’à Marseille à la noce de la fille d’un de ses amis, alors qu’il était capitaine, Pétain avait valsé toute la nuit, tandis que tous les autres danseurs étaient fourbus. « Il crèvera le pianiste ! » disait un de ses camarades en le regardant tourbillonner. Pétain a continué à « crever le pianiste ». « On dit, racontait ces jours derniers le ‘Daily Mail’ qu’il assiste, depuis dix jours, à la bataille, assis sur le siège d’une auto blindée qui le transporte rapidement le long des positions, à l’abri des tôles d’acier de la voiture. Il a eu, en deux mois, quatorze chauffeurs. Tous disent qu’il voyage à une allure folle, et qu’ils préfèrent mourir sous les balles ennemies que dans un accident d’auto. Les officiers qui veulent faire partie de son état-major doivent être experts en l’art du cycle ou bons coureurs ; il ne veut point d’une cour décorative. Il a, pour son âge, un air de grande jeunesse, et il attribue sa juvénile activité à un exercice constant ; chaque matin, il saute à la corde pendant dix minutes avant de se raser. S’il n’a pas d’autre observatoire, il n’hésite pas à grimper sur un arbre pour avoir du pays une vue d’ensemble.

 

Il s’épargne peu et prend grand soin de ses hommes. Comme Napoléon, il pense que les troupes se battent avec l’estomac ; il veille donc avant tout à la nourriture. Le jour où ses réserves contre-attaquèrent à Douaumont et reprirent le fort, les hommes venaient de toucher un repas chaud, composé de soupe et de viande, et arrosé de café bouillant. » On conçoit par là qu’il soit très populaire parmi les troupiers. Ceux-ci admirent son stoïcisme, son énergie, sa vigueur physique. Un jour en Champagne, Pétain parcourut cinq kilomètres au pas gymnastique dans la terre détrempée, à la tête d’une compagnie de découverte. Et les soldats dirent « le général, c’est un costaud. » Devant Verdun, il est resté parfois des heures sous la pluie et sous la neige sans manteau. Rien n’est tel pour susciter la sympathie et la confiance des hommes. Le témoignage de la force physique fait toujours un grand effet sur les masses, surtout lorsque, comme dans le cas présent, s’y ajoutent les preuves d’une grande valeur morale et aussi celles d’un talent militaire hors de pair.

 

Le général Pétain, disait l’autre jour un de nos confrères qui l’a vu à l’œuvre, est une des figures les plus originales et les plus attachantes de la nouvelle France guerrière. Ce sera aussi, à coup sûr, l’une des grandes figures militaires mises en relief par cette guerre et qui, sans les événements présents, fût demeurée dans l’obscurité. C’est un des privilèges de l’âme française. De même que le besoin crée l’organe, de même chez nous le génie se révèle quand l’exigent les circonstances ; et le modeste officier, hier inconnu, devient, en quelques mois, le chef d’armées qui suscite autour de lui l’héroïsme et fait le pays glorieux.

 

   

 

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Les mitrailleurs héroïques

Quand on étudie les combats autour de Verdun, un fait s’impose à l’attention : c’est le rôle aussi brillant qu’utile de nos compagnies de mitrailleurs. Au cours de la retraite effectuée du 21 au 25 février, les mitrailleurs se sont prodigués pour protéger la marche des colonnes et leur permettre de s’installer sur les positions de repli. Un trait entre mille pour donner une idée de leur bravoure. Au moment le plus violent de l’attaque allemande, un mitrailleur zouave avait réussi à dégager sa pièce ensevelie par l’explosion d’un obus, et il l’emportait en compagnie d’un camarade lorsqu’il aperçut l’ennemi qui débouchait à courte distance. Nos hommes, sans s’émouvoir, s’installèrent dans le trou d’obus fraîchement creusé. L’un des deux zouaves prêta son épaule pour porter la mitrailleuse à la hauteur voulue et pour que l’autre puisse aisément la pointer. Ces deux zouaves brûlèrent ainsi toutes leurs cartouches et, après avoir arrêté la marche de la section qui s’avançait contre eux en lui causant d’énormes pertes, furent assez heureux pour battre en retraite avec leur pièce. Les mitrailleurs, sur tous les points du front menacé, ont prouvé pareillement leur esprit d’à-propos, leur courage et l’efficacité de leur action.

 

  

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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A Ténédos - Le centre sanitaire des Alliés

Mortier rayé de 220

Un camp russe près d'Erzeroum

Prisonniers allemands transportant un de leurs camarades blessé

Une bande de mitrailleuse allemande

Un prisonnier allemand interrogé par des officiers français

Une colonne de soldats italiens dans la montagne

Le prince Léopold de Bavière conversant avec ses officiers

Poilu en tenue d'hiver, près de son abri

 

 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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La plaine de la Woëvre, vue des Hauts-de-Meuse

Allemands faits prisonniers dans les combats devant Verdun

Un pont fait avec des fourragères

Renforts traversant le village de S…, près de Verdun

Un blessé sortant du poste de secours et transporté à l'arrière

Un blessé transporté au poste de secours

Le cuistot

Une batteuse servant de barricade

La boue des tranchées

Cheminement en bois sur les Hauts-de-Meuse

 

 

 

Thèmes qui pourraient être développés

  • Verdun - Les 3 fronts de Verdun
  • Russie - Le général Broussiloff commandant en chef des armées du front sud-ouest en Russie
  • Armée - Les leggins mieux que les molletières
  • Allemagne - Offre de paix faite par l'Allemagne à la France
  • Enfant - La nourrice
  • Le général Pétain, commandant l'armée de Verdun (Portrait dans LPJ Sup)
  • L'éclairage des villes (LPJ Sup)
  • Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)
  • Conseils pratiques - La bonté (LPJ Sup)
  • Religion - Fête religieuse - Passion


01/04/2016
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