14-18Hebdo

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45e semaine de guerre - Lundi 7 juin au dimanche 13 juin 1915

 

LUNDI 7 JUIN 1915 - SAINT ROBERT - 309e jour de la guerre

MARDI 8 JUIN 1915 - SAINT MEDARD - 310e jour de la guerre

MERCREDI 9 JUIN 1915 - SAINT FELICIEN - 311e jour de la guerre

JEUDI 10 JUIN 1915 - SAINT LANDRY - 312e jour de la guerre

VENDREDI 11 JUIN 1915 - SAINT CŒUR DE JESUS - 313e jour de la guerre

SAMEDI 12 JUIN 1915 - SAINT GUY - 314e jour de la guerre

DIMANCHE 13 JUIN 1915 - SAINT ANTOINE DE PADOUE - 315e jour de la guerre

Revue de presse

-       L'Italie célèbre avec éclat sa fête nationale

-       Les Allemands ont fait usage de balles dum-dum au Katanga

-       Succès de l'exposition française à San-Francisco

-       Les Turcs sont incapables de soigner tous leurs blessés

-       Manifestations en Allemagne en faveur de la paix

-       Défense de manger des saucisses à déjeuner

-       Un inventaire général du sucre en Allemagne

-       Un traité russo-chinois règle la question mongole

-       L'Isonzo franchi

-       L'état du roi de Grèce est très grave

-       Les Barbares lancent des bombes sur Venise

-       L’asphyxie et les gaz toxiques - Les Allemands installent en grand la fabrication des gaz asphyxiants

-       La Turquie concentre toutes ses forces sur la défense de Constantinople

-       La liste des pertes allemandes remplit sept mille pages

-       Le choléra à Vienne

-       L'Angleterre réserve son charbon à ses alliés

-       Les Italiens à Monfalcone

-       La viande est chère à Berlin

-       L'armée austro-hongroise est démoralisée disent les prisonniers

-       Les Serbes en Albanie - Ils ont occupé Elbassan et Tirana - On s'attend à une action sur Durazzo

-       La retraite de Przemysl - Les Russes préparent la défense de Lvof

-       A Constantinople - 27 religieuses françaises dans les prisons turques

-       Dans la presqu’île de Gallipoli sous le soleil

-       L’assainissement des champs de bataille – Que deviendront les tombes fleuries ?

Morceaux choisis de la correspondance

Cette terrible guerre n’avance pas vite.

7 juin - ELLE.- Je reçois à l’instant ta carte m’annonçant une plus longue lettre pour demain ou après et ton mandat de 300 fr. Tu vas recevoir ton nouvel uniforme, mais en voyant cette chaleur je crains que tu ne le trouves encore bien épais. Ne pourrais-tu pas porter un uniforme en toile kaki, je ne parle pas de blanc qui serait trop salissant dans les tranchées. Si tu veux, je m’informerai à Epinal si on ne fait rien en toile. Ce serait bien plus agréable. André va très bien et recommence sa classe demain. Comme il te le dit nous sommes allés hier déjeuner chez Thérèse, ses deux petits sont si bons que c’est un vrai plaisir de les voir.

 

Marie Molard m’écrit de Lausanne qu’elle vient de recevoir sa 98ème lettre de condoléances, c’est te dire si elle a à répondre. Un docteur lui a dit qu’elle était atteinte à la vésicule biliaire. Elle a très peur d’avoir la maladie de sa pauvre maman qui débute. Les docteurs lui assurent qu’il n’y a rien de sérieux mais, s’inquiète-t-elle, dit-on toujours la vérité aux malades. Catherine a reçu hier la permission de rentrer mais on la gardera 15 jours et peut-être plus dans un camp de concentration, aussi elle préfère se placer si elle trouve.

 

L’Abbé Hamant trouve aussi que cette terrible guerre n’avance pas vite. Tu verras sa lettre.

 

Les Boches sont tout de même forts pour pouvoir tenir tête ainsi à toute l’Europe et pour que nous ne puissions pas arriver à les décrocher de notre territoire.

5 juin - F. Hamant (Professeur à Saint-Sigisbert à Nancy) à Mimi Cuny.- Cette terrible guerre n’avance pas vite. Les Boches sont tout de même forts pour pouvoir tenir tête ainsi à toute l’Europe et pour que nous ne puissions pas arriver à les décrocher de notre territoire. Je reçois assez facilement des nouvelles de ma famille par la Suisse. Il semble qu’elle supporte assez aisément la situation. Mais comme on va appeler ce mois-ci les jeunes gens de 18 et 19 ans, mon frère qui avait gardé jusqu’à présent 6 ouvriers sur 15 va être obligé de fermer sa boîte. Avec leur esprit prévoyant et organisateur, les Allemands ont déjà tout arrangé en vue de rentrer les récoltes prochaines. Des équipes de soldats du Landsturm sont désignées pour chaque localité ; toutes les moissonneuses et machines à battre sont réquisitionnées. Pour économiser la main-d’œuvre des charrois et engrangements, qui est très dure et impossible sinon par des hommes solides et vigoureux, les denrées seront amoncelées dans les champs, où les équipes militaires feront le battage à la vapeur ou à l’électricité sur place, ne laissant aux paysans que la peine de rentrer peu à peu les pailles et fourrages. Inutile de dire que tout le grain est réquisitionné d’avance par l’Etat et que les paysans ne recevront que du papier monnaie. Voilà des gens précautionneux, et comme on sent, derrière tout cela, la volonté unique et puissante qui coordonne tous les efforts et toute la vie du pays en vue d’un but unique ! Si nous avions seulement la dixième partie de cette puissance d’organisation ! D’abord nous n’aurions pas eu la guerre, et chacun vaquerait tranquillement à ses affaires. Malheureusement chez nous, ça a toujours été à la va comme je te pousse !

 

8 juin - JMO 5e RAC/Groupe 95.- Le 8 juin à 18h le canonnier Cottet Emard a été blessé mortellement par l’explosion d’une bombe d’aéroplane allemand qu’il avait heurtée, la mort a suivi presque immédiatement.

 

9 juin - ELLE.- Ce matin tante Marthe est passée allant à Epinal, elle profite de l’auto pendant que son mari est à Paris. Paul est remonté à l’Hartmann. Après 3 semaines de repos à St Amarin pendant lesquelles on reformait son régiment. Elle aime encore mieux le savoir là que du côté de Metzeral et le Hohneck où on accumule une quantité énorme de canons. André est toujours à Coinches près de St Dié, très au calme. La fameuse Mademoiselle Fritsch, institutrice de tante Alice, qui était depuis le début de la guerre infirmière à Gérardmer et qui avait eu maille à partir déjà avec Suzanne Boucher et Mme Lucien Garnier, vient de quitter son ambulance. Il paraît que quelqu’un s’était imaginé de demander pour elle une citation à l’ordre du jour, cela a amené une enquête qui a abouti à la signification de son congé par le général Maud’huy. Tante Marthe ne savait pas ou n’a pas voulu nous dire ce qu’il y avait contre elle. Nous n’avons plus eu de nouvelles de Nancy depuis longtemps, et je me demande si elle a repris chez tante Alice sa place d’institutrice. Je crois que le général de Maud’huy doit être très sévère. Depuis qu’il est dans la région, il a pris beaucoup d’arrêtés et les consignes sont très strictes.

 

Maurice n’a pas réussi son examen théorique d’auto. Tous ses beaux projets sont donc à l’eau. Thérèse nous disait qu’il allait redemander le commandement de mitrailleuses, il préférerait cela à une compagnie car il ne veut pas rester au dépôt où on a trop l’air de s’embusquer, surtout à Epinal où il est très connu. Chaque fois qu’il rencontre quelqu’un, il voit très bien qu’on s’étonne de le voir encore, et en somme voilà six mois qu’il est loin du feu.

 

Pierre Geny a la médaille militaire, paraît-il. J’en suis bien contente pour lui. Il commence à se lever. Quand il ira mieux, on l’enverra dans un hôpital de convalescents, probablement au bord de la mer, puisqu’il ne peut venir dans cette région. Sa femme est installée dans l’appartement des Henry Boucher, rue Mazarine, et va passer ses après-midi avec lui à l’hôpital.

 

Nous prenons nos repas dehors sur la terrasse où il fait délicieux. Les enfants sont ravis de la nouveauté. Je pense à toi et voudrais bien que tu sois là. J’ai chargé Maurice de te choisir un costume de toile car tu dois trop souffrir de la chaleur dans tes gros habits de drap.

 

9 juin - Emile Lemaire (HGP - Usines de Charmes) à Georges Cuny, son patron.- Ici cela va assez bien, nous travaillons 11 heures par jour, soit 33 heures par semaine dans chaque salle. Les hommes et jeunes gens font 60 heures, ils font la navette dans les 2 salles et sont occupés à divers travaux. On tient à les occuper pour les garder et les empêcher d’aller à la brasserie ou ailleurs.

 

Chevaline vient d’être tué à Arras, j’ai remis hier le mortuaire à sa mère. Les batailles autour d’Arras ont fait de gros vides à Charmes, une douzaine de familles ont été éprouvées. Enfin espérons et prions afin que nous ayons bientôt la victoire et une longue paix.

 

10 juin - ELLE.- Tu ne te douterais pas à quoi tes enfants ont passé leur après-midi de jeudi. André a eu comme grande récompense de suivre les soldats qui font le charroi de houille. Il était assis sur les voitures, conduisait les chevaux. Vers 4 heures ½, ne le voyant pas revenir pour le goûter, nous l’avons fait chercher. Il nous est revenu noir comme un mineur, fier comme Artaban : « J’ai goûté avec les soldats, ils m’ont donné de leur pain, du veau froid et un verre de vin ». Il n’est resté que deux minutes, puis le voilà reparti jusqu’à six heures. Comme sa leçon de piano est à 6 h ¼, il fallait faire avant un bon nettoyage, changement des habits et lessive du jeune homme. Ce soir, il était dans la joie d’avoir travaillé comme un soldat et voulait coucher dehors « comme les soldats qui sont dans les tranchées ». Tu devines ma réponse.

 

Quant à Robert, on l’avait mis au lit à 1 heure ½ pour le lever vers 3 heures et partir faire une bonne promenade en âne. Mais je ne sais ce qui a pris à ce petit Monsieur, quand on est arrivé dans sa chambre elle était parfumée. Il était allé dans mon cabinet de toilette, avait vidé un flacon d’odeur, renversé une petite boîte de poudre de riz, cassé des cachets pharmaceutiques, vidé, pour les prendre dans ses poches, deux petites bouteilles contenant un ingrédient pour le soin des ongles, enfin une vraie révolution. Au lieu de dormir, il avait fait de la chimie très peu à mon goût. Aussi pour l’en guérir et l’en punir, il a reçu une magistrale fessée et a été condamné à rester assis sur un fauteuil près de moi à la véranda sans bouger jusque 6 heures, pendant que Noëlle s’en allait en voiture avec Elise à Cheniménil voir son cher Lili !!! Je ne sais si les autres enfants sont aussi diables que les nôtres mais les deux petits ne me font que des miracles à rebours, renverser des encriers, casser les pots de lait, enfin des polissons.

 

Que raconte-t-on dans votre coin ? Y a-t-il du nouveau ?

 

Il paraît que le garde champêtre de Cornimont, Remy je crois, qui était disparu depuis le commencement de la guerre et dont la jeune femme portait le deuil, vient de donner seulement de ses nouvelles, il est prisonnier. Cela va redonner de l’espoir à Léna Stouvenot qui n’a plus de nouvelles de son mari depuis le début de novembre.

 

La vie est si courte et on passe ainsi une belle année de son existence à être séparés. Que c’est bête !

11 juin - ELLE.- Etant toujours très fatiguée, je me suis résolue à aller demain voir le docteur Haushalter pour qu’il m’examine et me dise enfin ce que signifie cet état. Voilà cinq semaines que je n’ai pas bougé, que je suis mon régime, tout devrait mieux aller et je ne vois guère de progrès. Mon estomac est mieux, je n’ai plus de douleurs, mais il me reste une sensation de lourdeur et des douleurs dans le ventre, de plus j’ai souvent mal dans le dos et les reins, enfin, la femme patraque dans toute l’acception et, comme je tiens à la vie tu sais pourquoi, mon chéri, je veux me soigner et avoir recours à une lumière. Le voyage à Nancy sera un peu assommant et fatigant par cette chaleur, mais si nous pouvons revenir avec l’idée qu’il n’y a rien de grave dans mon état, ce sera de grand cœur que je l’aurai fait. Maman m’accompagne naturellement. Nous quittons ici à huit heures moins le quart en auto jusque Epinal, laisserons l’auto là dans une remise près de la gare. Nous arriverons à Nancy à midi, déjeunerons au buffet, de là rendez-vous avec le docteur à 1 h ¼ et nous reprenons le train à 2 h ½ pour rentrer à Epinal à 6 heures et chez nous à 7, tu vois que c’est très faisable.

 

Robert et Noëlle ont été sur les voitures de foin cet après-midi. André déplorait bien son âge qui l’obligeait à aller à l’école, il aurait bien voulu partager leur plaisir.

 

Te rappelles-tu ce qui se passait il y a 8 ans. C’est dans la nuit que j’ai senti que notre Dédé allait venir et mon Geogi me lisait des comédies pour me faire oublier mon mal. Malgré ces quelques heures de grosse souffrance, je voudrais bien être encore à ce moment et que tu sois ici près de moi, que nous soyons rendus à la vie paisible et heureuse. Notre bon chéri aura donc huit ans demain à 2 heures, comme cela passe vite, c’est déplorable, penser que la vie est si courte et qu’on passe ainsi une belle année de son existence à être séparés, que c’est bête, que c’est bête ! Enfin il est inutile que je te le répète, tu le sais aussi bien et mieux que moi, mon pauvre aimé.

 

Marie Paul est partie pour Lyon où Paul se rend pour affaires : je suis bien heureuse pour Paul, il jouira quelques jours de sa femme qu’il n’a pas vue depuis fin juillet. Elle est au Royal Hôtel, place Bellecour, hôtel qu’elle trouve bruyant. Elle a obtenu un passeport. Le trajet de Lausanne à Lyon n’exige que 6 h ½. Elle trouve Lyon très calme. Elle se doute un peu de la guerre par les blessés qu’elle rencontre. Pauvres gens, en voyant ces jeunes gens infirmes et boiteux, son cœur s’est serré et elle aurait voulu aller vers chacun pour lui causer et le remercier.

 

12 juin - ELLE (Nancy).- Sois tranquillisé à mon sujet. Le dr Haushalter trouve que je suis simplement anémiée et nerveuse, il prétend que je me fais trop de bile, il ne recommande que le repos, quelques piqûres, des lotions tièdes le matin suivies de frictions au gant de crin et souhaite surtout la fin de la guerre et le retour de mon mari. C’est bien dommage que ce dernier remède ne soit pas en notre pouvoir en effet. Je pense tant aujourd’hui à il y a huit ans - à cette heure notre Dédé venait au monde, vois-tu encore sa petite figure grimaçante dans son bain.

 

12 juin - Pauline Ringenbach (Cornimont) à Mimi Cuny, sa patronne.- Ces jours-ci il pleut tous les jours ; c’est ennuyeux pour ceux qui font les foins, on n’avance pas vite. Dans le potager, tout est beau, il y a des pommes de terre qui sont toutes en fleurs. Nous avons souvent des taubes qui survolent sur la gare car nous avons depuis un mois les camions automobiles qui conduisent le ravitaillement en Alsace et ils voudraient bien les bombarder. Jusqu’ici il n’y a pas eu de bombes lancées mais c’est d’une sévérité pour les lumières : le soir après 8 heures, plus de lumières ne doit exister, la laitière s’est vue dresser un procès-verbal hier soir. Nous avons en ce moment 9 prêtres, ici il y a une ambulance qui en a 7 et les 2 d’ici en plus, il y a des messes tous les jours à partir de 5 heures du matin, voilà déjà un mois au moins. Pour l’argent, Mr m’a rendu 560 à la mobilisation pour nous deux mais il ne faut pas que Madame se tourmente pour cela, on arrangera cela après la guerre.

 

L’issue de la guerre me semble ne devoir jamais arriver.

12 juin - Marie Krantz (Nancy) à Mimi Cuny, son amie.- Je suis bien contente des détails que vous me donnez de Georges. J’aurais bien voulu savoir si la grosse brioche de ménage que je lui avais envoyée était encore mangeable à l’arrivée ? C’est un peu long, 3 semaines de voyage ! Je n’ai pas osé lui envoyer l’alcool solidifié que je m’étais procurée à son intention, car on m’a dit, à la Chambre de Commerce, que cela était interdit. Je tenterai peut-être la chose tout de même, car cela lui serait sans doute agréable de pouvoir faire lui-même sa petite cuisine, si par hasard le colis lui arrivait. Et puis j’avais acheté une si belle petite casserole en aluminium ! Je le voyais si bien prendre son thé ! Quoiqu’il fasse bien chaud, à présent, pour boire du thé, il me semble que c’est encore le meilleur mode de rafraîchissement. Mes cours se poursuivent très régulièrement, et j’en profite bien, malgré l’affreuse chaleur qui m’anéantit. Il me semble parfois être dans un bain de vapeur. Je suis comme vous, l’issue de la guerre me semble ne devoir jamais arriver. On gagne du terrain, sur les journaux, et on n’avance pas pour cela. Mon entourage est très optimiste. Les uns annoncent la fin des hostilités pour le 1er octobre, les autres pour la fin d’août. Ah ! S’ils disaient vrai, seulement !

 

J’espère qu’on ne recommencera pas une campagne d’hiver ou alors qu’on vous donnera un congé.

13 juin - ELLE.- Tu as sans doute reçu la carte que je t’ai écrite hier en rentrant de Nancy pour te dire qu’il ne voyait pas de cause grave à ma fatigue, du moins s’il m’a dit la vérité. Nous avons donc mis à exécution les projets que je t’expliquais dans ma lettre de vendredi et nous nous sommes rendues à 1 h ¼ rue de la Ravinelle où nous avons été reçues de suite. Le dr Haushalter m’a auscultée, ensuite m’a fait étendre pour bien palper l’estomac et le ventre. Il a été d’avis que je ne sois pas trop esclave du régime, tout en ne mangeant naturellement que des choses légères, mais il prétend qu’on finit par s’hypnotiser avec ces idées de régime, je crois qu’il est dans le vrai. C’est pour cela que j’aime ce docteur, c’est qu’il n’est pas charlatan et n’abuse pas des drogues. Enfin il m’ordonne donc le repos, le grand air, des piqûres remontantes, des lotions tièdes le matin. Je n’avais qu’une terreur en allant le voir, qu’il ne m’envoie dans un hôtel quelconque, en Suisse ou ailleurs. Depuis que j’ai eu ma pleurite l’an dernier, j’ai toujours peur de devenir malade. D’autre part, j’ai une horreur de l’hôtel, j’ai déjà eu cette impression à Marseille et Nice l’an dernier, je l’ai ressentie encore à Lausanne, en voyant notre pauvre Mère morte dans sa chambre. Maman me dit que c’est nerveux et qu’il ne faut pas se laisser impressionner ainsi. C’est vrai, c’est bête, toi qui me dis que je suis raisonnable, tu vois qu’au contraire je suis terriblement enfant et nerveuse. Espérons que je me guérirai l’esprit en même temps que le corps et que tu me retrouveras en parfait équilibre et non plus une petite personne ayant ses vapeurs comme on disait autrefois.

 

J’espère bien qu’on ne recommencera pas une campagne d’hiver ou alors qu’on vous donnera un congé, de sorte que nous pourrons nous revoir, ce qui me fera tant de bien et à toi aussi, mon pauvre chéri qui es si en mal de nos enfants et, sans me vanter, aussi de moi, n’est-ce pas. Il paraît que dans l’armée allemande, on leur donne de temps en temps trois jours. Mais voilà en Allemagne on est discipliné tandis qu’ici il y aurait sans doute bien des abus. Quand verra-t-on la fin de tout cela ? Mais d’après les communiqués, ce sont encore toujours les Allemands qui attaquent et ils ne se laissent pas repousser facilement, ce qui prouve qu’ils ne manquent ni de munitions ni d’armement.

 

Nous avons eu une très jolie procession et les enfants ont trouvé que c’était le reposoir de Madame Bertin qui était le plus beau ; il y avait de l’écorce et au-dessus Saint Antoine tenant une clochette qui sonnait tout le temps de la procession.

 

J’ai acheté à mon Dédé pour ses 8 ans un très beau couteau avec 2 lames et un tire-bouchon.

 

Une lettre de Georges nous annonce qu’il n’est plus Sprecher et qu’il ne pourra plus guère écrire, j’espère que ce n’est pas une punition.

 

13 juin - Louise Germain (Ventron) à Mimi Cuny, son amie.- Que pensez-vous de cette horrible guerre ? Avec tristesse on envisage la possibilité d’une nouvelle campagne d’hiver, car rien ne fait prévoir une heureuse issue pour prochainement. Albin est à Celles-sur-Plaine depuis trois semaines, ce coin est relativement calme et il se plait assez dans ce pays où les habitants sont accueillants pour les soldats. Il est vrai qu’ils ont vu déjà deux fois les Allemands.

 

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 13/06/1915 (N° 1277)

 

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En Italie - Le roi Victor-Emmanuel à la tête de ses troupes

Nous avons dans notre « variété » évoqué le souvenir de la glorieuse campagne d’Italie de 1859 et celui de Victor-Emmanuel II, grand-père du roi actuel. Comme son aïeul, le souverain d’aujourd’hui a pris le commandement suprême de l’armée. Comme lui, il la conduira à la victoire.

 

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Comment meurt un officier français

Voici le récit qu’a fait un soldat de la mort héroïque de son commandant : « Le commandant X… était passionnément aimé de ses hommes et de ses camarades. S’il sut toujours faire respecter la discipline, jamais on ne fit appel en vain à sa bonté. Son esprit élevé, son cœur généreux lui attiraient toutes les sympathies. Dans l’après-midi du 11 mai, lorsque l’ordre fut donné d’enlever la carrière de C…, opération qui devait nous assurer la possession du village, le commandant tint à ses hommes ce bref langage : « Vous savez, mes enfants, ce que la France attend de vous ?... En avant !... ». Hélas ! avant même que la carrière ne fût atteinte, notre chef, frappé par un obus, tombait pour ne plus se relever. Néanmoins, il conserva toute sa lucidité, et comme ses hommes voulaient le transporter à l’ambulance, il refusa obstinément. « Non, mes amis, répéta-t-il, ma place est ici. Je ne m’en irai que lorsque je serai sûr que la victoire est à nous ! » Le vaillant officier eut en effet cette consolation. A … heures, il apprenait que la carrière avait été enlevée après deux heures de lutte opiniâtre, et que les défenseurs de C… venaient de capituler. Une immense satisfaction se lut sur son visage. Il dit alors aux soldats qui l’entouraient : « Maintenant, mes amis, conduisez-moi auprès de mes hommes. Je veux mourir auprès d’eux ! » Emus, les hommes obéirent. Ils placèrent le commandant sur un brancard et le transportèrent sur la place de C…, où le régiment était rassemblé. Les forces du blessé diminuaient à vue d’œil, mais, en apercevant son bataillon, il se raidit, et c’est d’une voix encore ferme qu’il s’adressa à ses soldats : « Merci, mes amis ! Vous avez bien mérité de la patrie, et votre commandant est fier de vous ! Continuez maintenant votre besogne. Soyez toujours vaillants et forts, et retenez la dernière recommandation de votre chef : Encore et toujours en avant ! » A ce moment le commandant vit que de grosses larmes roulaient sur les mâles figures qui l’entouraient. Après une pause, il reprit lentement : « Ne me plaignez pas, mes amis ! Cette mort est celle que j’ai toujours rêvée. Je meurs un jour de victoire ! » Il eut une sorte d’évanouissement, puis le délire le prit. Il récita d’une voix enfiévrée les ‘Chants du Soldat’ de Déroulède. Soudain, il se redressa dans un suprême effort. Ses yeux brillaient d’un éclat extraordinaire. Il fut agité d’un long tremblement et, comme s’il revenait brusquement à la réalité, il regarda fixement les témoins de son agonie. Alors un sourire passa sur ses lèvres décolorées et, dans un râle, il murmura : « Adieu ! Vive la France ! » Sa tête retomba doucement. Il était mort… »

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Sur le front de l'Oise - Un 75 braqué à 45° pour le tir contre les avions et dirigeables ennemis

Dans les Vosges - L'atelier du tailleur de la compagnie

En Argonne - Un blockhaus

En Argonne - Les habitations construites par nos poilus à l'aide de branchages coupés dans la forêt

Dans les Vosges - Au cantonnement. Les alpins conduisent leurs mules à l'abreuvoir

Dans les Vosges - A l'Hartmannswillerkopf. Une pièce de 80 pendant le tir

Ecurie dans la forêt

La pièce tire et recule sur son frein. Bon voyage au pruneau et surtout bonne arrivée

A table dans la forêt

La douille est éjectée

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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La toilette des poilus à la rivière du village de La Harazée

Aux environs de Berry-au-Bac - Chez les Sénégalais. Le balayeur de tranchées

Prisonniers russes amenés dans le nord de la France et travaillant pour les Allemands

Cyclistes italiens - Un régiment en route pour la frontière

Clermont-en-Argonne - Ville rasée par les bombardements allemands

Lieutenant jouant de la cithare pour distraire ses hommes construisant une tranchée

Dans son laboratoire portatif - Photographe allemand du service aéronautique

Soldats allemands en route pour le front - Ils ont écrit sur la voiture : Pour Londres

Lord Curzon visite le front - On le voit avec des soldats anglais derrière une maison détruite par les Allemands

"La mère" d'un régiment allemand. Ce soldat fait toutes les réparations de ses camarades

 

 

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05/06/2015
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