14-18Hebdo

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131e semaine de guerre - Lundi 29 janvier au dimanche 4 février 1917

 

LUNDI 29 JANVIER 1917 - SAINT FRANCOIS DE SALES - 911e jour de la guerre

MARDI 30 JANVIER 1917 - SAINTE MARTINE - 912e jour de la guerre

MERCREDI 31 JANVIER 1917 - SAINT PIERRE NOLASQUE - 913e jour de la guerre

JEUDI 1ER FEVRIER 1917 - SAINT IGNACE - 914e jour de la guerre

VENDREDI 2 FEVRIER 1917 - PURIFICATION - 915e jour de la guerre

SAMEDI 3 FEVRIER 1917 - SAINT BLAISE - 916e jour de la guerre

DIMANCHE 4 FEVRIER 1917 - SEPTUAGESIME - 917e jour de la guerre

Revue de presse

-       Succès russe en Bucovine

-       Un attentat contre le roi d'Espagne

-       L'Autriche prend possession de l'Albanie

-       Torpillage de "l'Amiral-Magon" qui transportait 900 hommes - 809 ont été sauvés

-       La troisième proclamation allemande de guerre sous-marine à outrance - L'Allemagne, affamée par le blocus, prétend bloquer les Alliés

-       La Chambre vote la loi sur les exemptés et réformés

-       La crise alimentaire allemande - Le cri d'alarme de la "Gazette de Francfort"

 

Morceaux choisis de la correspondance

29 janvier - ELLE.- Je voudrais bien que tu reçoives enfin de nos nouvelles et que tu saches que nous ne sommes pas partis pour Chamonix. Maman n’a pas voulu, avec grand raison, nous laisser voyager par ce froid. Nous avons ici d’ailleurs le même climat que nous trouverions à Chamonix, soleil de 8 h à 4 heures, froid très vif, vent d’est violent. Le devant de notre maison est bien abrité contre ce dernier et Robert et moi y passons de onze heures à quatre. Comme le docteur me recommandait encore dans sa lettre (je crois te l’avoir déjà dit) aucun sport, ni fatigue, ce n’est franchement pas la peine de s’en aller dans un hôtel pour le seul plaisir de changer de place, j’aime vraiment mieux aller un peu dans le Midi quand nous serons dans une période d’humidité. Mais je ne fais plus de projets, n’écris plus aux hôtels pour avoir leurs conditions, car une chose trop bien préparée rate toujours, l’impromptu réussit bien mieux. Donc chéri, continue à me donner de tes nouvelles ici et aussi souvent que tu le peux, pour ma plus grande joie.

 

Hier visite de Thérèse et Marie Krantz et bridge de 2 à 4, puis Thérèse est repartie avant la nuit. Ensuite semonce à Noëlle qui m’a encore dit un gros mensonge, elle m’inquiète vraiment cette enfant avec cette manie de cacher, de toujours altérer la vérité. Ce matin encore elle a volé un crayon à Robert mais, prise sur le fait, elle n’a pu nier et je l’ai fouettée de bonne façon. Puisque les paroles douces, remontrances, privations de dessert, ne servent à rien, peut-être les fouettées auront-elles plus d’effet. En tout cas, il est entendu que si elle dit encore un mensonge ou fait un vol dans la semaine, elle aura un écriteau dans le dos dimanche pour aller à la messe. Elle est orgueilleuse et cela l’humiliera et lui sera, j’espère, une bonne leçon. Quelle drôle de petite bonne femme.

 

C’est dommage qu’on vous ait envoyés au repos si vite après ta permission, si cela avait été un peu plus tard, j’aurais pu en profiter pour te faire une petite visite, chose impossible lorsque tu es au front, c’est bien mal tombé.

 

Je t’aime, mon Gi et pense déjà au doux revoir. Ta Mimi.

 

30 janvier - ELLE.- Nos journées se passent bien calmement, je t’assure, voilà deux jours que nos enfants sont sages tout à fait. Hier soir ils étaient si tranquilles de 6 à 7 que nous nous regardions, Maman et moi, tout étonnées de ce calme, les deux grands lisaient, Robert dessinait des animaux apocalyptiques mais qu’il admirait sincèrement. La veille, André avait dessiné sa ferme future avec écuries et dépendances, bétail, chariots, etc., et Robert voulait l’imiter. André est très sage depuis ta venue, il est devenu très raisonnable. Ils se réjouissent tous beaucoup de revoir demain leurs petites amies Bodenreider. Noëlle n’est plus retombée dans ses gros péchés, pourvu que cela dure jusque dimanche et qu’on n’ait pas à sévir.

 

Ils sont si bons tous les trois ainsi, chacun avec son caractère différent. André très tendre, sensible, très humble, admirant les autres, ayant peur de se mettre en avant, un peu paresseux. Noëlle plus personnelle, voulant dominer et ne sentant pas le même besoin de protection, mais fine, intelligente, pas assez franche malheureusement, trop débrouillarde. Robert bien plus homme du monde que son frère, poli, sachant prendre les gens par une petite amabilité, sera beau parleur, très tendre. Si Dieu lui prête vie, ce sera un jeune berger très entreprenant aimant les bergères légères. Il aime beaucoup le piano pour le moment, à l’encontre de tous les enfants qui redoutent l’heure de la leçon, c’est lui qui la rappelle à Mlle.

 

N’as-tu pas trouvé un piano au cours de tes pérégrinations ? Qu’est devenu votre phonographe, avez-vous pu tout emporter ? Ce serait dommage de l’avoir perdu.

 

Maman, se sentant refroidie aujourd’hui, n’est pas sortie cet après-midi, cela lui fera du bien de se reposer. Dédé glisse et essaie de patiner sur le jet d’eau, c’est ennuyeux que je ne sois pas assez forte pour l’accompagner et lui montrer, il serait si content. J’y étais allée un peu hier, mais au bout d’un quart d’heure j’étais fatiguée, il a fallu rentrer.

 

Maman est allée hier à Epinal, mais je n’ai pas bougé, il fait trop froid. Je t’aime mon Geogi et pense aux bons jours que nous perdons en étant séparés ainsi.

 

31 janvier - ELLE.- Nous avons eu la déconvenue les enfants et moi de ne pas voir venir Madame Bodenreider et ses filles. Dès le matin chacun s’était dépêché, les petits vers leur travail, moi à mon lever, pour être prêts de bonne heure, car l’an dernier Madame Bodenreider était arrivée dès huit heures et demie. Mais au courrier de 10 heures nous est arrivé contr’ordre, au dernier moment elles ont reculé devant ce long voyage par le froid.

 

Nous n’avons eu que Thérèse et Marie Krantz, avec la cousine de Thérèse, Madame Klein. Ces dames sont allées patiner jusque trois heures, inutile de te dire que je ne les ai pas accompagnées, les sports me sont interdits et ne me tentent d’ailleurs pas. Ce matin, Maman était un peu grippée et je lui ai fait plusieurs commissions. Je me demande vraiment ce que je deviendrai quand il me faudra reprendre une vie active. Mon pauvre Gi tu as une bien faible petite femme, juste assez de forces pour aimer son mari chéri et s’en laisser aimer.

 

Ce soir les enfants vont veiller et tu peux te représenter leur joie, les yeux de Noëlle en brillent à l’avance. Samedi soir on a joué et en changeant Robert de lit le soir (car il s’endort dans mon lit pour ne pas être avec Noëlle et ne pas bavarder et je le transporte quand je vais au lit), il disait encore en rêvant « sans huit ». Les deux petits adorent les cartes. André n’y tient guère jusqu’alors, mais l’appât du gain finira par les lui faire apprécier.

 

Nous avons un passage de troupes aujourd’hui, le 3e chasseurs dont nous attendions la venue n’est pas encore arrivé, et je me demande s’il finira par venir cantonner ici. Cela aurait été amusant car le capitaine Dupuis est un très bon bridgeur, et moi qui aime tant jouer, j’aurais été bien enchantée d’avoir un partenaire ou adversaire qui aime aussi.

 

Maurice est parti vers Vauquois paraît-il. Et toi, mon Geogi, vers quel côté vas-tu te diriger ?

 

31 janvier - LUI.- J’ai eu la chance de recevoir aujourd’hui cinq de tes lettres et cela m’a fait bien plaisir, car voilà plusieurs jours que je n’avais pas de nouvelles et comme tu m’avais dit que Robert toussait un peu j’étais non pas inquiet mais désireux de savoir si son rhume ne s’était pas aggravé. Il n’en est rien et ta lettre me rassure complètement.

 

Je me disais aussi que ce n’était guère la peine par ce beau soleil de s’en aller à Chamonix. Tu fais parfaitement de le mettre à l’air et au soleil et je crois réellement que vous en avez plus qu’à Chamonix. Il vaudra beaucoup mieux, comme tu en as l’intention, aller passer le mois de mars et le mois d’avril qui sont si pluvieux dans le Midi. Seulement il faut faire un peu attention car tu me parles de Cannes et je ne sais pas si tu te rappelles que Mr Humbert et d’autres personnes disaient qu’il y avait à Cannes beaucoup de malades.

 

Tu me dis que Paul L.J. a renoncé à son usine. Je crois qu’il a bien fait et que c’était risquer gros pour un résultat qui me paraissait à moi problématique.

 

Nous avons eu encore aujourd’hui une journée très employée. J’espère que le Ct va revenir de permission et que je pourrai sous peu aller retrouver ma batterie. Une vingtaine d’hommes vont venir seuls maintenant pour commencer les constructions, qui doivent nous dit-on monter très vite.

 

Tu diras à Dédé combien je suis content qu’on soit content de lui. S’il veut faire plaisir à son papa, il continuera.

 

Nos enfants trouvent que Mme Guynemer doit être bien fière de son mari.

2 février - ELLE.- Tante Alice a annoncé hier à Maman la mort de Zizi en la priant d’en faire part à tous ses enfants. Elle est morte le 29 janvier. Tu feras donc bien d’écrire un mot à l’oncle Paul, villa Zénoïde, avenue des Arènes, Nice-Cimiez (Alpes Maritimes). Au fond, je pense que, dans la famille, tante Alice seule est peinée, car l’oncle Paul n’aimait guère Zizi et Titite ne s’occupait pas de sa sœur. Pour elle au contraire, c’est presque un bienfait et une délivrance que la mort de sa sœur, qui aurait pu lui être bien encombrante dans l’avenir. Pauvre Zizi, je lui fais une navrante oraison funèbre ! Je t’assure que Maman et moi hier avions bien du mal de composer notre lettre de condoléances.

 

Dédé était content de son jeudi hier. Il s’est d’abord promené avec Mlle et Noëlle, puis il est allé à bicyclette à Cheniménil chercher des souliers chez le cordonnier, cela a duré assez longtemps car il a eu la présence d’esprit de faire recoudre les souliers qu’il avait aux pieds et qui étaient décousus, puis il est revenu et nous a fait plusieurs commissions au village, mandat à la poste, factures à payer, etc. Enfin il est rentré et, de quatre à sept, a joué aux soldats avec Robert. Ils étaient heureux.

 

Pendant ce temps, je faisais le bonheur de Noëlle en jouant à l’écarté avec elle pendant une demi-heure. La petite personne tient de sa maman une passion pour les cartes, j’aime mieux que ce soit elle qui l’ait en partage qu’un des garçons, c’est plus dangereux pour un homme.

  

J’ai reçu ta lettre contenant celle adressée à Noëlle, qui lui a fait de l’impression, elle n’a pas voulu la montrer à ses frères. J’y ai vu que tu n’es pas resté au repos comme je le pensais et l’espérais. N’auras-tu pas eu bien froid pendant tes reconnaissances ?

 

Nous avons des alpins pour 15 jours, un bataillon qui était à Arches et qui vient attendre ici qu’on envoie sa division au front. Je pense que le commandement attend qu’il fasse meilleur, on ne peut guère faire d’attaque avec cette glace et ce froid.

 

Les enfants sont très occupés de Guynemer qui a abattu plusieurs avions. Hier en jouant aux soldats, j’ai entendu qu’ils se décoraient mutuellement et ils parlaient de palmes d’argent, d’avion boche abattu, etc. Ils trouvent que Mme Guynemer doit être bien fière de son mari. Moi j’aime mieux mon Geogi si bon, si tendre, dont je suis bien en mal et dont je regrette tant l’absence.

 

2 février - LUI.- Je n’ai pas reçu de lettres de toi depuis avant-hier où cinq m’étaient parvenues à la fois. C’est ce qu’il y a un peu d’ennuyeux dans ces reconnaissances où l’on est tout seul et éloigné de ses batteries. J’apprends ce soir qu’elles se rapprochent et je pourrai peut-être être plus facilement en liaison avec elles. Je suis sûr d’ailleurs que par ce beau temps vous devez très bien aller et si notre petit Robert ne tousse plus c’est l’essentiel.

 

Nous sommes arrivés ici 9 officiers de groupes et de régiments différents et, comme tout est comble, nous avons dû demander l’hospitalité à un de mes anciens camarades, le commandant Evrard de Mirecourt, fils du banquier que ton père connaissait. Il nous a fort bien reçus mais n’a pu mettre malgré toute sa bonne volonté que la chambre qui lui sert de popote et de bureau à notre disposition. On arrangeait donc les lits tous les soirs avec des brancards d’infirmiers mais heureusement pourvus de paille. Comme on est très nombreux on n’a pas froid et on dort bien ce qui est l’essentiel. Nous avons un temps excellent pour nous promener et le plus souvent un beau soleil qui nous réchauffe. J’espère d’ailleurs que le commandant qui a dû rentrer hier de permission viendra me retrouver ici et que je pourrai rejoindre ma batterie.

 

Je compte bien que mon petit Dédé va continuer à bien travailler pour faire plaisir à son papa et j’espère bien que d’ici quelques semaines ma petite Noëlle m’écrira qu’elle s’est corrigée de son vilain défaut.

 

La guerre sous-marine que vont entreprendre les Allemands ne sera pas faite pour faciliter le travail en France.

3 février - ELLE.- Rien de toi aujourd’hui, mais je ne m’inquiète pas puisque tu m’as prévenue du retard qui pourrait arriver.

 

Ici Maman est grippée. Depuis mercredi, elle avait mal aux oreilles et ne sortait pas. Hier elle disait aller mieux et pensait reprendre aujourd’hui sa vie habituelle et dans la nuit, elle a senti des frissons, elle avait beaucoup de fièvre ce matin et s’est vue forcée de rester au lit. J’espère que les microbes ne passeront pas à toute la maisonnée, ce serait bien ennuyeux. Nous avons bien fait de ne pas partir par ce froid, on voit dans les journaux qu’il fait très froid dans toute la France, même dans le Midi.

 

Nos enfants vont bien. André surtout a très bonne mine mais il a encore souvent mal aux yeux et il faudra vraiment qu’on le soigne pour cela. Robert semble aller bien aussi, mais il reste pâlot, et cela m’ennuie, enfin, il ne faut pas se faire du souci inutilement. Dès qu’il fera meilleur, je l’emmènerai ailleurs pour le changer d’air, ce qui lui fera du bien.

 

Je crois que la guerre sous-marine que vont entreprendre les Allemands ne sera pas faite pour faciliter le travail en France. Bien des matières premières vont ainsi tomber au fond de l’eau. Il est vrai que cela permettra peut-être aux ports de Rouen et Nantes de se désencombrer, on n’en sort toujours rien pour nos régions, et Maman gémit en pensant à ses pâtes qui sont aux quatre vents.

 

Il paraît qu’ils ont froid, et qu’ils ne trouvent pas de quoi se chauffer, on va seulement commencer à souffrir de la guerre à Paris. Jusqu’alors la vie normale du temps de paix y semblait être restée.

Marie Molard n’est pas partie non plus à Chamonix. Finalement, elle a eu des névralgies qui l’ont empêchée de se mettre en route, mais je me demande comment elle fait, car elle ne doit pas avoir de cuisinière en ce moment, la sienne avait demandé un congé de 15 jours. A Paris, il est vrai, on a toujours la ressource des restaurants. Il paraît qu’ils ont froid, et qu’ils ne trouvent pas de quoi se chauffer, on va seulement commencer à souffrir de la guerre à Paris. Jusqu’alors la vie normale du temps de paix y semblait être restée.

 

Je pense bien à toi, mon Geogi. Par ce froid, auras-tu emporté suffisamment de couvertures et manteaux dans ton voyage de reconnaissances, j’ai bien peur que non, car je connais mon chéri peu précautionneux. Pense à ta petite femme qui t’aime tant et a si besoin de son Geogi pour la protéger et garde-toi pour elle. Ta Mi.

 

4 février - LUI.- J’ai reçu ta bonne lettre du 29 janvier. Comme je te l’ai déjà écrit, je suis tout à fait de ton avis pour Chamonix et vous avez parfaitement raison de ne pas y aller et d’attendre les mois pluvieux pour aller dans le Midi.

 

Tes lettres m’arrivent maintenant plus régulièrement, bien que je sois détaché de mon groupe. Mais comme j’ai mis en train tout le travail je voudrais bien aller le retrouver, pour profiter des quelques jours de repos qu’on lui octroie avant de retourner au front. J’aurais ainsi un bon lit et certainement moins froid. Mais il est probable que le commandant n’a aucune envie de venir prendre ma place. A ce propos tu peux être tranquille, quand je suis à l’arrière dans une maison habitée, je vais toujours faire une visite. Je ne mets pas mes gants mais je les tiens à la main. Ainsi te voilà contente et rassurée.

 

Tu as parfaitement raison de sévir contre Noëlle. Il faut absolument la corriger de ce vilain défaut qui passera certainement avec l’âge.

 

Tu sais qu’au repos nous ne pouvons pas du tout faire venir nos femmes. Ainsi Déon avait voulu voir sa femme à Château-Thierry, elle n’a pas pu y venir et s’est heurtée à une consigne inflexible. D’ailleurs voilà bientôt quatre semaines que je suis parti en permission. Dans trois fois autant je reviendrai et je n’ai pas besoin de te dire que je m’en réjouis déjà.

 

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 04/02/1917 (N° 1363)

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Le général Duchêne

Comme les généraux Pétain, Nivelle, comme tant d’autres grands chefs qui se révélèrent dans l’action, le général Duchêne n’était que colonel avant la guerre. Son esprit de décision, son autorité, son énergie ne tardèrent pas à le désigner à l’attention de ses chefs et il gravit rapidement les derniers échelons de la hiérarchie militaire.

 

 

 

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Plaisirs d’hiver sur le front

La neige qui attriste nos villes sert là-bas, sur le front d’Alsace, aux jeux de nos poilus. En voici qui, après avoir modelé dans la neige les effigies du Kaiser et du Kronprinz, les assaillent à coups de boules de neige et se divertissent, tout en se réchauffant, à lancer ces blanches grenades. Partout où la neige fut abondante, il se trouva des statuaires amateurs qui s’en servirent pour modeler des chefs-d’œuvre éphémères.

 

Et ceci nous rappelle une belle page des ‘Tableaux de siège’ dans laquelle Théophile Gautier raconte qu’en décembre 1870 il vit sur un bastion de Paris deux belles œuvres de neige sculptées ainsi en quelques heures par des statuaires célèbres. C’était au bastion 85, occupé par la 7e compagnie du 19e bataillon de la garde nationale, laquelle contenait beaucoup d’artistes peintres et sculpteurs. La neige qui tombait depuis quelques jours s’était maintenue sur le rempart, et les gardes nationaux se livraient à une bataille à coups de boules de neige. « Ne vaudrait-il pas mieux, dit l’un d’eux, faire une statue avec ces pains de neige ? » Or, trois sculpteurs célèbres, Falguière, Moulin et Chapu, se trouvaient là. On dressa un semblant d’armature en moellons, et Falguière et Moulin à qui Chapu servait complaisamment de praticien, se mirent à l’œuvre. Falguière fit une statue de la ‘Résistance’ et Moulin un buste colossal de la République.

 

Le poète raconte que Falguière avait donné à sa ‘Résistance’ l’expression d’une résistance morale plutôt que physique. « Assise, ou plutôt accotée contre un rocher elle croise ses bras sur son torse nu avec un air d’indomptable résolution. Ses pieds mignons s’appuyant, les doigts crispés, à une pierre, semblent vouloir s’agrafer au sol. D’un fier mouvement de tête, elle a secoué ses cheveux en arrière, comme pour faire bien voir à l’ennemi sa charmante figure, plus terrible que la face de Méduse. Sur les lèvres se joue le léger sourire de dédain héroïque, et dans le pli des sourcils se ramasse l’opiniâtreté de la défense… »

 

Il est douloureux de penser, dit Théophile Gautier, que le premier souffle tiède fera fondre et disparaître ce chef-d’œuvre, mais l’artiste a promis d’en faire à sa descente de garde une esquisse de terre ou de cire, pour en conserver l’expression et le mouvement. Falguière réalisa-t-il ce projet ? Nous l’ignorons. Mais il nous a semblé intéressant à propos des statues de neige que font en ce moment nos poilus sur le front, d’exhumer ce souvenir du siège de Paris, souvenir que l’actualité évoque doublement, car cette idée de la ‘Résistance’, aujourd’hui comme en 70, c’est encore elle qui inspire toutes les pensées et qui domine tous les cœurs.

 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Prisonniers autrichiens en Sibérie

Guillaume et Mackensen

Un mortier avant le tir

En Champagne - Poste avancé

Dans la Somme - Trou de mine

Eclatement d'un obus de 210

Goumier sortant du cantonnement faisant saluer son cheval

Camp russe à Salonique - Le repas des hommes

A Verdun - Tirailleurs marocains aux tranchées

Camp russe à Salonique - Russes autour d'un instructeur français

Camp russe à Salonique

Un dépôt de torpilles

 

 

 

Thèmes qui pourraient être développés

  • Bucovine - Succès russe en Bucovine
  • Espagne - Un attentat contre le roi d'Espagne
  • Albanie - L'Autriche prend possession de l'Albanie
  • Marine - Torpillage de "l'Amiral-Magon" qui transportait 900 hommes - 809 ont été sauvés
  • Allemagne - La troisième proclamation allemande de guerre sous-marine à outrance - L'Allemagne, affamée par le blocus, prétend bloquer les Alliés
  • Politique - La Chambre vote la loi sur les exemptés et réformés
  • Enfant - Punition avec un écriteau dans le dos
  • Autriche - L'empereur Charles nomme Ferdinand feld-maréchal
  • Jeu - Le nain jaune
  • Cannes - Il y a beaucoup de malades
  • Météo - Le froid
  • Aviation - Nos enfants trouvent que Mme Guynemer doit être bien fière de son mari !
  • Jeu - L'écarté
  • Le général Duchêne, nos grands chefs (Portrait dans LPJ Sup)
  • Front - Plaisirs d'hiver sur le front (LPJ Sup)
  • Santé - A propos d'un soldat qui dort (LPJ Sup)
  • Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)
  • Conseils pratiques - Lait qui peut manquer pour les bébés (LPJ Sup)
  • Religion - Fête religieuse - Purification - 2 février
  • Religion - Fête religieuse - Septuagésime


27/01/2017
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