14-18Hebdo

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125e semaine de guerre - Lundi 18 décembre au dimanche 24 décembre 1916

LUNDI 18 DECEMBRE 1916 - SAINT GRATIEN - 869e jour de la guerre

MARDI 19 DECEMBRE 1916 - SAINT AVIT - 870ejour de la guerre

MERCREDI 20 DECEMBRE 1916 - SAINT EUGENE - 871e jour de la guerre

JEUDI 21 DECEMBRE 1916 - SAINT THOMAS - 872e jour de la guerre

VENDREDI 22 DECEMBRE 1916 - HIVER - SAINT FLAVIEN - 873e jour de la guerre

SAMEDI 23 DECEMBRE 1916 - SAINTE VICTOIRE - 874e jour de la guerre

DIMANCHE 24 DECEMBRE 1916 - STE DELPHINE - VIGILE DE NOEL - 875e jour de la guerre

Revue de presse

-       La victoire de Verdun - Butin : 11,387 prisonniers dont 284 officiers - 115 canons - 44 lance-bombes - 107 mitrailleuses

-       Mort du capitaine aviateur de Beauchamp

-       A la Chambre italienne - M. Sonnino dénonce la manœuvre allemande - "Gardons-nous de faire le jeu de l'ennemi"

-       Grève générale en Espagne

-       690,000 blessés, tués ou disparus - Tel serait pour les Allemands le bilan de la bataille de la Somme

-       Le retour du général Lyautey

-       Au Maroc - Action victorieuse de nos troupes contre les dissidents

-       La médaille militaire au général Foch

-       Le 21e appareil abattu par Nungesser

-       Les Russes reculent en Dobroudja

-       Une démarche du président Wilson - Les Etats-Unis interrogent tous les belligérants sur les conditions et les garanties de la paix

-       Important succès en Egypte - Les troupes anglaises s'emparent d'el Arish

-       Intrigues allemandes au Mexique

-       La violation par l’Allemagne de la neutralité de la Suisse envisagée par l’Italie

-       L'offensive ennemie progresse sur le front roumain

 

 

Morceaux choisis de la correspondance

19 décembre - ELLE.- Je reçois ta lettre du 16 et j’espère que votre situation va s’améliorer au moins au point de vue du chauffage qui me semble bien défectueux. Tu ne me dis pas si vous couchez dans un village, une maison quelconque ou si vous êtes dans des abris.

 

Ici la neige est tombée fortement cette nuit et les enfants viennent de partir en promenade avec leur luge entre onze heures ½ et midi.

 

Depuis 3 jours on n’a pas eu à gronder Robert : miracle. Il n’a plus caché aucun livre, car c’était sa marotte, il cachait non seulement les siens mais ceux d’André, de Mademoiselle, les cahiers, et il mentait comme un saltimbanque, on n’arrivait pas à lui faire avouer. Quelques maîtresses corrections ont eu raison de cette vilaine façon, il faut l’espérer. C’est mercredi dernier qu’il a fait sa dernière cachette, mais ensuite il a trouvé bon de barbouiller d’encre les radiateurs et de vider l’encrier dans le trou du plancher dans lequel passent les tuyaux du chauffage. Enfin je ne peux te mentionner toutes ses idées saugrenues.

 

Ce matin, il m’a dit : « J’apprends une valse pour Papa quand il viendra, mais il ne faut pas le lui dire ». Note bien qu’il ne joue encore que cinq notes, il n’a pas encore appris à passer le pouce. Tu imagines ce que peut être la valse, il en est très fier tout de même.

 

Noëlle fait des progrès en piano, elle joue déjà très gentiment. Ils aiment tous les trois et se mettent souvent d’eux-mêmes au piano.

 

Ce que tu me dis pour les demoiselles Marchal m’aurait séduite moi aussi, mais elles sont très heureuses ensemble, gagnent très bien, très considérées par leur inspecteur et bien plus libres dans leur petit logement que si elles étaient dans une maison. Avant la guerre on obtenait facilement un congé, mais depuis deux ans on manque d’instituteurs et d’institutrices et même malades elles ont du mal d’obtenir des congés.

 

J’ai écrit à Marie Mathieu qui est à Paris, qu’elle s’informe autour d’elle, mais que je veux quelqu’un de très bien, de travailleur. C’est dommage qu’elle veuille rester à Paris pour travailler son agrégation d’allemand, car en voilà une qui est parfaite, ayant beaucoup d’ardeur au travail, elle doit la communiquer à ses élèves. J’attends sa réponse, si elle m’a trouvé quelqu’un dans son genre, tant mieux, je préviendrai celle-ci en lui donnant des dommages et intérêts et m’en débarrasserai avec joie, car elle n’a rien qui attire et soit plaisant.

 

Marie Krantz est partie ce matin à Nancy appelée par télégramme à son ambulance, elle pense qu’il y a des infirmières malades qu’il faut remplacer.

 

Robert s’est déjà informé si je resterais encore au lit demain, car c’est la réjouissance de faire le petit serveur. André m’a monté les plats hier, aujourd’hui c’est Noëlle, il faut absolument que Robert ait son tour.

 

19 décembre - LUI.- Nous sommes arrivés ici hier soir après avoir voyagé toute la nuit précédente et toute la journée d’hier. Nous sommes à la position que j’avais construite à Toussicourt et que nous avions quittée pendant ma dernière permission. Malheureusement on a tout démoli. Il n’y avait plus ni postes d’abri, ni carreaux aux fenêtres. Les planchers avaient été enlevés, de sorte que par ce froid mes hommes ont passé une bien mauvaise nuit après n’avoir pas dormi la veille. Heureusement j’ai pu trouver dans une batterie voisine la cagna d’un officier en permission et j’ai passé une excellente nuit tout en ayant eu assez froid. Mais je me demandais ce que nous ferions les nuits suivantes, puisqu’on m’avait dit que nous ne pourrions pas toucher de matériaux, lorsque j’ai appris que le capitaine Callies (te rappelles-tu, c’est celui que nous avons vu à Docelles en janvier) était à l’état-major du colonel Ct l’artillerie. Il a été excessivement aimable et grâce à lui j’ai pu toucher vingt couchettes toutes prêtes et de la toile huilée pour boucher toutes nos ouvertures, de sorte que cette nuit j’espère que nous serons mieux. Je m’installe de suite dans ma cagna, l’officier chez qui je logeais revenant demain. J’aurai une couchette. J’espère que ce soir on nous donnera un peu de paille. Les ouvertures de la porte et de la fenêtre seront fermées et je dormirai très bien dans mes couvertures. Si on pouvait nous donner quelques poêles pour nous chauffer pendant la journée, tout irait pour le mieux. Et puis enfin je vais revenir en permission. Malheureusement celle-ci se trouve retardée car un sous-officier nouvellement promu s/lieutenant et nommé à notre groupe n’a pas eu de permission depuis juillet et doit partir avant nous. Je ne pense donc pas partir avant le 13 ou 14 janvier. Cela m’ennuie car je me réjouissais tant de te revoir. Il est vrai que le 13 ou 14 janvier, je me réjouirai de ce retard puisqu’autrement à cette date je serais bien prêt de revenir ici.

 

Tu me dis que l’affaire de Thaon est vendue. C’est un coup de tête de Paul et je crois qu’il le regrettera plus tard car il y a tant travaillé, j’entends il y a 16 ou 17 ans quand il ne maniait pas encore les broches à la pelle. Il y a tout fait et il me semble qu’à sa place je ne me séparerais pas sans regret d’une pareille affaire. Je suppose bien d’ailleurs qu’il n’a fait la chose qu’avec le consentement de tous les associés. Je me défie du fameux Boussac et son arrivée dans les Vosges ne m’inspire aucune confiance. Il ne connaît rien aux usines ni aux ouvriers, va les gâter et c’est bien dommage.

 

Je te joins une lettre de Voinson, toujours le même, tu verras.

 

20 décembre - ELLE.- Nous avons eu la visite de tante Anna et d’Yvonne repartant à Nancy et conduites jusqu’Epinal par l’auto des Henry Boucher. Il paraît que Paul Boucher est arrivé en permission ce matin, il part demain pour Paris avec sa femme, laissera ses enfants à Nancy où il viendra passer le Nouvel An. Il a droit à 9 jours puisque son bataillon a eu une citation mais il en prend 13. Je ne sais pas comment cela se fait. Maurice tire aussi toujours sur la corde et a chaque fois deux ou trois jours de plus, il n’y a que toi qui ne sais pas t’arranger, mon pauvre chéri.

 

Tante Anna n’a rien dit de neuf ou d’intéressant. L’oncle Henry a été appelé devant une commission pour expliquer sa déclaration sur les bénéfices de guerre à Epinal. Je me demande ce qu’on lui aura demandé et ce qu’il a répondu. Chez nous, on ne nous a rien dit jusqu’alors, mais nous sommes bien inquiètes de la santé de Mr Bigaut. Il a perdu sa femme il y a six semaines, mais ce n’est pas le grand amour qu’il avait pour elle qui le rend malade à ce point. On le voit changer tous les jours. Il a déjà été consulter à Epinal, mais Maman va l’y renvoyer cette semaine, mais j’ai bien peur qu’il n’y ait rien à faire car il a maigri terriblement. Ce serait bien ennuyeux pour Maman car c’est un très brave homme qui avait bonne mine dans un bureau et puis Maman a déjà tant de choses à faire, au point de vue comptabilité au moins elle était tranquille.

 

Les enfants vont bien, mais Robert est encore puni aujourd’hui car il a dit un gros mensonge. Je ne sais vraiment que faire pour le corriger.

 

21 décembre - LUI.- Nous commençons à nous installer et à nous trouver déjà un peu mieux que le jour de notre arrivée. Lorsqu’on voudra bien nous donner les poêles que nous avons demandés, je crois que cela ira tout à fait bien. Malgré tout et bien que notre position ait été bien abîmée, mes hommes sont très heureux de s’y retrouver. Ils ont toujours préféré les positions qu’ils avaient faites eux-mêmes. Nous faisons popote avec une autre batterie du groupe qui est notre voisine. Malheureusement ce n’est pas celle de Déon, qui est à 600 mètres de nous, trop loin pour que nous puissions manger ensemble mais assez près cependant pour que nous puissions souvent nous voir. Déon a comme moi une santé de fer. A son âge (il a près de 50 ans), c’est extraordinaire de supporter aussi facilement non seulement les fatigues mais surtout le froid.

 

Evidemment on ne peut pas admettre les propositions de l’Allemagne, qui en ce moment est victorieuse. Ses offres de paix ne sont qu’un énorme bluff, qui lui permettra de soutenir qu’elle n’est pas responsable de la continuation de la guerre. Ma petite Mie, tu me permettras de te gronder un peu. Non ce ne sera pas bien fait si nous devenons Allemands. Il y a quand même des honnêtes gens parmi les Français. Mais je dois dire que les plus honnêtes sont encore ceux du peuple. Quand je vois mes hommes supporter aussi courageusement et sans mot dire des fatigues qu’en somme on aurait pu leur éviter, je me dis qu’il y a encore des ressources en France et que notre pays ne peut pas mourir. En tout cas ce n’est pas à nous ma pauvre Mie, malgré notre séparation qui dure évidemment trop longtemps, à nous plaindre. Songeons aux pauvres gens qui sont morts, à ceux qui actuellement sont obligés de se restreindre pour pouvoir vivre et nous nous estimerons encore très heureux. Et puis tu vas très bien, nos chéris aussi, ton Geogi n’est pas exposé, tu vas le revoir dans une quinzaine. Ne songeons qu’à cela et aux bons moments que nous allons passer ensemble.

 

On a toujours peur que les Allemands envahissent encore la Suisse pour nous tomber dessus par une frontière non gardée.

22 décembre - ELLE.- Je suis contente que tu aies retrouvé le capitaine Callies.

 

Ma grippe est finie, et je sortirai demain pour aller me confesser pour Noël avec Dédé.

 

Tu devrais bien envoyer de suite en permission ton sous-lieutenant car c’est ennuyeux de retarder ta permission, d’abord parce que cela nous prend des jours puisque toutes les autres se trouveront retardées d’autant, et puis pour mon départ en Suisse que cela recule aussi. Les hôtels ferment le 1er mars, enfin cela nous fera encore un mois. Au fond cela m’ennuie de m’en aller, mais je crois que cela ferait tout de même du bien à Robert de faire une petite cure d’altitude. Mais c’est un peu désagréable d’aller en pays neutre et si près de l’Allemagne, on a toujours peur que les Allemands envahissent encore la Suisse pour nous tomber dessus par une frontière non gardée. De sorte que je suis bien indécise. Et puis là-bas on se sent très loin, car les lettres mettent huit jours pour arriver et les télégrammes 4, s’il t’arrivait une blessure, quand serais-je prévenue ?

 

Je te joins aujourd’hui une de mes photos, demain, je t’enverrai l’autre. Tu me renverras celles qui ne sont pas collées. J’allais dire qu’elles orneront ta cagna, mais tu n’as sans doute pas de table et rien pour les attacher aux murs. Mon pauvre chéri, j’admire ta vaillance et ta bonne santé qui résiste à tous les ennuis, fatigues et intempéries de cette campagne.

 

Je t’envoie la lettre de Marie Paul qui est bien amusante, elle semble dire que c’est sur le désir du conseil de la Vologne que Paul vend Thaon, puis après elle dit que cet achat a été proposé par Paul lui-même à Boussac. C’est d’ailleurs ce que Paul m’avait dit, qu’il avait offert son usine. Je suis comme toi au sujet de Boussac, il ne m’inspire pas confiance et il va faire dans les Vosges ce qu’on avait fait dans le Nord, des usines dont les patrons ne sont pas connus et qui deviennent des nids à grèves.

 

Thérèse part demain à Raon pour les fêtes de Noël et Nouvel An chez ses parents. Nous irons déjeuner le jour de Noël chez les Tantes d’Epinal pour la grande joie des enfants, cette petite sortie nous fera plaisir à tous. André a reçu de Paul L.J. un beau couteau de poilu avec tire-bouchon, poinçon, etc., muni d’une chaîne de sûreté pour le tenir à un bouton de culotte, il en est enchanté.

 

23 décembre - ELLE.- Nous nous décidons à ne pas aller en Suisse, craignant non pas l’envahissement de l’Allemagne mais les arrêts momentanés de circulation à la frontière, les retards de correspondance, enfin tous ennuis et désagréments que nous voulons éviter. Nous irons plutôt un peu à Chamonix, de cette façon nous restons en France, nous n’avons besoin pour aller et venir que d’un laissez-passer et pouvons rentrer d’un instant à l’autre, et notre argent dépensé restera en France, œuvre patriotique.

 

Cette organisation plaira mieux aussi à Maguy qui pourra voir son Paul au milieu de son séjour. Ç’aurait été trop dur de rester 6 semaines sans se voir. Comment auraient-ils fait s’ils avaient été, comme tout le monde, séparés depuis deux ans et demi. Ils auraient été bien forcés de s’y résigner. Mais enfin, il ne faut pas envier leur bonheur. Je suis seulement en mal de toi et voudrais te revoir mon Gi chéri, ces dernières semaines vont me sembler terriblement longues, surtout quand je pense à ta mauvaise installation, j’ai toujours peur que tu n’attrapes du mal.

 

On va avoir à écrire les lettres de Nouvel An. Je t’enverrai cet après-midi une dizaine de cartes de correspondance pour que tu puisses envoyer tes vœux aux oncles et tantes sans avoir à en écrire long.

 

Maman va probablement partir à Rouen la semaine prochaine, pour y voir ses pâtes arrivées sur les derniers vapeurs et qui traînent à quai et s’y abîment. Elle veut trouver un entrepositaire qui les mette à l’abri en attendant qu’on ait des wagons pour le transport. Ce seront des frais en plus évidemment mais on y regagnera si la marchandise n’est pas salie et détériorée comme elle l’est maintenant. Maman continue à se faire un souci énorme pour toutes ces marchandises qui lui arrivent en mauvais état et avec lesquelles elle ne peut faire que du papier ordinaire. Je cherche à ce qu’elle y mette un peu plus de philosophie mais je n’arrive pas à un grand résultat. Il serait temps pour elle aussi que la fin arrive car elle s’en fatigue.

 

Les enfants vont bien, mais ils sont dans une veine de mensonges contre laquelle je lutte en vain, je ne sais quelle punition leur donner pour qu’ils se corrigent de ce vilain défaut, on en arrive à ne plus les croire ni l’un ni l’autre.

 

23 décembre - LUI.- J’ai reçu ta bonne lettre du 19 courant et suis bien ennuyé de te sentir souffrante. Heureusement que je te sais entre bonnes mains et que Maman va te forcer à te soigner pour que tu sois rétablie le plus tôt possible. Mais tu vois, ma petite Mie, tu ne prends pas encore assez de précautions. Avec ce mauvais temps et ces sautes brusques de température, il faut faire bien attention.

 

Nous ne sommes pas encore tout à fait installés, les poêles surtout nous font défaut. Le capitaine Callies est venu me voir hier et voyant que je n’avais rien pour me chauffer m’a fait envoyer un poêle qu’il a déniché je ne sais où. Heureusement qu’il était ici. Je crois que mes hommes auraient été malades puisque nos abris n’étaient pas fermés. La toile huilée ne remplace pas les portes mais ferme cependant suffisamment pour qu’on ne sente pas trop les courants d’air. Mr Callies a été blessé pour la troisième fois à Verdun et a été décoré. C’est vraiment un bien gentil garçon. Tu vas te moquer de moi mais je crois bien que si notre petite Noëlle avait vingt ans je tâcherais de l’avoir pour notre gendre. Il est vrai que tu as toujours dit que tu ne voulais pas envoyer ta fille si loin mais tu vois voilà un cas où il ne faudrait pas hésiter à le faire. Il m’a raconté tout le mal qu’ils ont pour se procurer les matières premières et le charbon. D’après lui les prix actuels sont très mauvais et ne sont pas du tout rémunérateurs. Ils ne continuent à tourner que pour garder leurs ouvriers. Il reconnaît cependant que l’an dernier on a gagné de l’argent. Je crois d’ailleurs que Maman est de son avis et que les prix ne valent plus ceux de l’an dernier.

 

Je suis heureux que notre petit Robert soit plus raisonnable et tu fais bien de sévir lorsque c’est nécessaire pour le corriger de ce vilain défaut. Je me réjouis de les entendre jouer leurs morceaux. Tu as raison de songer à remplacer Mademoiselle. N’hésite pas à offrir beaucoup pour avoir quelqu’un de tout à fait bien, car c’est nécessaire pour Dédé qui va avoir bientôt dix ans.

 

La permission avance à grands pas et je n’en suis pas fâché car, depuis que je suis revenu, nous avons eu fort à faire et je serai content d’oublier un peu auprès de vous le front et les chefs. Tu m’excuseras si j’écris sur deux feuilles volantes mais avec tous ces déplacements mon ordonnance n’a pu trouver à acheter du papier à lettres et il ne m’en reste plus.

 

Soigne-toi bien ma Mie pour être tout à fait d’aplomb lorsque je reviendrai afin que nous puissions bien nous aimer.

 

J’ai reçu une lettre de Maurice. Il va bien. Prends les photos mais renvoie m’en une bien vite.

 

23 décembre - JMO 5e RAC/Groupe 95.- Le s/lieutenant Glachant venant du dépôt est affecté à la 44e batterie.

 

24 décembre - ELLE.- Nous avons aujourd’hui un temps idéal et j’espère que vous avez le même. La fête de Noël vous semblera moins triste loin de vos foyers si elle est ensoleillée.

 

Nos garçons sont dehors, André à bicyclette et Robert joue à la toupie devant la maison, en attendant les Vêpres où je vais les conduire. En général, c’est Mademoiselle qui y va avec eux, mais, comme aujourd’hui nous sommes seules par extraordinaire, Thérèse étant à Thaon, j’en profiterai pour y aller et Mlle s’en abstiendra avec joie, car elle est loin d’être pieuse. J’avais promis à Dédé de l’emmener à la messe de minuit cette année pour la première fois, mais Monseigneur les interdit dans tout son diocèse, nous n’irons donc qu’à la messe de l’aurore demain matin. Je rentrerai seule demain soir d’Epinal avec les enfants,

 

Maman partira de là pour Paris et Rouen où elle veut aller s’entendre avec un entrepositaire qui lui mettra ses pâtes à l’abri en attendant qu’on puisse obtenir des wagons. Elle a télégraphié à Mr Vérilhac pour lui demander un rendez-vous. Il saura peut-être lui donner le nom d’un homme débrouillard et consciencieux. Et elle ira même peut-être à Nantes pour y faire les mêmes démarches.

 

Heureusement que Maman est intelligente et active, elle se débrouille mieux que bien des hommes. L’autre jour Geoffroy est venu quêter deux tonneaux de colophane pour Louis Claudel qui en manquait et allait arrêter. Si ce n’avait pas été pour l’usine Claudel, Maman n’en aurait pas donné car les provisions sont si difficiles à faire qu’égoïstement on préfère les garder pour soi.

  

Je suis contente de savoir que tu es à peu près installé. Pourvu qu’on vous envoie vite des poêles et que vous ne souffriez plus tant du froid.

 

 

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 24/12/1916 (N° 1357)

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Le général Guillaumat - Grand-officier de la Légion d’honneur

Le général Guillaumat est le digne chef de ce corps héroïque qui reprit Combles aux Allemands. Récemment, dans une grande plaine voisine du front, ce corps fut rassemblé pour recevoir les récompenses méritées par tous, général, officiers et soldats.

 

 « Chacun des régiments de ce corps d’élite, dit un témoin, avait envoyé un détachement et son drapeau. Quand, à neuf heures, le général d’armée, entouré de son état-major, arriva devant le front des troupes, il s’arrêta, rendit au général Guillaumat son grand salut et contempla le plus beau spectacle. Les vainqueurs de Combles étaient là, en une longue ligne de colonnes. Au premier rang, à la droite de chaque détachement, les drapeaux. Quelques-uns de ceux-ci portaient la Croix de guerre, dont le long ruban vert et rouge flottait au vent frais de ce jour d’automne. D’autres, déchiquetés, élevaient à tous les regards leurs restes glorieux… On ouvre le ban. D’une voix forte, le chef de l’armée lit la citation du 201e régiment d’infanterie. Il épingle la Croix de guerre au drapeau. Nous saluons tous, rigides, pétrifiés d’émotion. Nous entendons maintenant les titres de gloire du général Guillaumat qui a conduit au feu tous les hommes assemblés ici. La plaque de grand-officier est fixée à sa poitrine. Sur sa joue, tandis qu’il reçoit le baiser de son chef, on voit jouer vivement un rayon d’argent. C’est le soleil pâle qui brille dans une larme… »

 

Et le témoin de cette cérémonie imposante note que l’émotion des spectateurs était d’autant plus poignante que chacun se disait que ces soldats du général Guillaumat sont des ‘gars du Nord’, des enfants de ces pays martyrs, la Flandre, l’Artois et que leurs femmes, leurs enfants, leurs vieux, depuis deux ans ne leur écrivent plus… »

 

 

 

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Le colis de Noël

Avec quelle sollicitude on prépare le colis de Noël pour le poilu ! Chacun y met ses soins, chacun y apporte sa part : les grands-parents, la femme, les enfants. Le chocolat, les friandises, le pâté dont on se régalera dans la tranchée ; et les objets utiles, et la bonne pipe, compagne du poilu qui lui fait prendre en patience les heures de solitude et fait fuir le morose cafard.

 

Certes on apporte une pieuse attention à composer tous les colis destinés au combattant ; mais on prépare celui de Noël avec un souci spécial. C’est que Noël reste traditionnellement l’époque des petits cadeaux et celles des joies familiales. Ce jour-là on veut que le fils, que le mari, que le papa que retient au loin le service de la patrie, soit comblé par les siens. Et c’est un peu de l’âme de la famille qu’on enveloppe pieusement avec les petites douceurs et les menus présents dans le colis de Noël.

 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

LPJ Illustre 1916-12-24 C.jpg

La salle de bains mobile des soldats belges

Les petits travaux ingénieux de poilus

La Croix-Rouge japonaise en Angleterre

Nouveau masque anglais

Environs de Salonique - Prisonniers bulgares mangeant leur soupe

Batterie roumaine et ses servants

Sénégalais devenus conducteurs de camions automobiles

L'oie de Noël

Evacuation des blessés à travers les boyaux

A l'E… de M… - Eclatement d'un obus devant nos 1res lignes

Pièce contre aéros

Blockhaus édifiés par les boches sur le front de la Somme

 

 

Thèmes qui pourraient être développés

  • Verdun - La victoire de Verdun - Butin : 11,387 prisonniers dont 284 officiers - 115 canons - 44 lance-bombes - 107 mitrailleuses
  • Aviation - Mort du capitaine aviateur de Beauchamp
  • Espagne - Grève générale en Espagne
  • La Somme - 690,000 blessés, tués ou disparus - Tel serait pour les Allemands le bilan de la bataille de la Somme
  • Généraux - Le retour du général Lyautey
  • Les Russes reculent en Dobroudja
  • Egypte - Important succès en Egypte - Les troupes anglaises s'emparent d'el Arish
  • Mexique - Intrigues allemandes au Mexique
  • Allemagne - Les offres de paix de l'Allemagne
  • Officier - Son ordonnance
  • Politique - La fin du comité secret au Sénat
  • Religion - Les messes de minuit ont été interdites dans le diocèse
  • Le général Guillaumat, grand-officier de la Légion d'honneur (Portrait dans LPJ Sup)
  • Soldat - Le colis de Noël pour le Poilu (LPJ Sup)
  • Impôt - La chasse aux impôts (LPJ Sup)
  • Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)


16/12/2016
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