14-18Hebdo

14-18Hebdo

113e semaine de guerre - Lundi 25 septembre au dimanche 1er octobre 1916

 

LUNDI 25 SEPTEMBRE 1916 - SAINT FIRMIN - 785e jour de la guerre

MARDI 26 SEPTEMBRE 1916 - SAINTE JUSTINE - 786e jour de la guerre

MERCREDI 27 SEPTEMBRE 1916 - SAINTS COME ET DAMIEN - 787e jour de la guerre

JEUDI 28 SEPTEMBRE 1916 - SAINT WENCESLAS - 788e jour de la guerre

VENDREDI 29 SEPTEMBRE 1916 - SAINT MICHEL ARCHANGE - 789e jour de la guerre

SAMEDI 30 SEPTEMBRE 1916 - SAINT JEROME - 790e jour de la guerre

DIMANCHE 1ER OCTOBRE 1916 - SAINT REMI - 791e jour de la guerre

Revue de presse

-       Le canon tonne de plus en plus au nord de la Somme - Faible réaction allemande

-       Brillants exploits de nos aviateurs sur tout le front - Vingt-six avions ennemis abattus ou désemparés - Guynemer abat ses 17e et 18e avions

-       La reprise des relations avec le Chérif de la Mecque

-       Le 38e raid aérien sur l'Angleterre - Deux zeppelins abattus - L'un tombe en flammes - L'autre est capturé et son équipage fait prisonnier

-       Les usines d'Essen bombardées - 46 obus sur les usines de Rombach et de Thionville

-       Les Anglais occupent Jenmina et Karatzkov-Bala

-       Un soulèvement dans les Indes néerlandaises

-       Brillant succès de l'offensive italienne entre Avisio et Vanoi-Cismon - Les Alpins s'emparent de la plus haute cime à 2,456 mètres d'altitude

-       Victoire anglo-française - Thiepval, Combles, Frégicourt, Gueudecourt sont pris - Enorme butin - Plusieurs milliers de prisonniers

-       L'inutile attaque allemande entre Fleury et Thiaumont

-       Les événements de Grèce - Les intrigues allemandes reprennent plus que jamais

 

Morceaux choisis de la correspondance

25 septembre - ELLE.- Nous avons été ce matin à la messe dite pour les défunts de la paroisse, car c’était la fête de Docelles hier et, le lundi de la fête, il y a toujours un service. Ensuite j’ai porté le courrier au bureau, été faire un petit tour d’usine et prévenir Boullery que son sursis lui était accordé pour deux mois, ce qui va faire plaisir à Maman, et nous sommes partis tous à Epinal où les tantes nous avaient invités à déjeuner. Avant midi j’ai envoyé deux télégrammes. L’un à Maman à Angoulême pour lui dire de ne pas s’arrêter à Chaumont comme elle voulait le faire à son retour pour voir le général, chef des sursis de notre 21e région, car elle craignait qu’il ne lui accorde pas Boullery. Et un télégramme aux petites Claudel de Ville s/Saulx à l’occasion de la mort de leur père.

 

Puis on a déjeuné, les enfants ont été très gâtés, on leur avait fait toutes sortes de friandises. Après les tantes ont tenu à les emmener au château, je m’en serais bien passée mais je me suis rendu compte que mes trois chevaux échappés ne resteraient pas au repos dans l’appartement et qu’il fallait les occuper. Je n’ai pas d’ailleurs circulé beaucoup et me suis assise sur un banc pendant que tante Marie faisait le tour des jardins avec les petits.

 

Nous sommes rentrés pour le goûter et à cinq heures on s’est enfin dirigé chez Mr Gercet. André n’y a plus qu’une séance samedi prochain et j’en suis bien contente car cela est un peu ennuyeux d’y aller ainsi à jour fixe.

 

En rentrant j’ai trouvé une lettre de Maman, qui m’a dit que la fausse couche était arrivée samedi chez Maguy. Maguy était désolée mais Maman et Paul en sont plutôt soulagés car ils craignaient que l’intervention faite si près du petit corps ne l’ait déformé ou ait causé des perturbations pour la croissance normale.

 

Maman pense revenir mercredi. Mme Laroche-Joubert reste à Angoulême jusqu’au 10 oct. Maman y retournera plutôt quelques jours après cette date pendant que Maguy sera encore obligée à du repos. Pour le moment à la clinique elle n’a pas besoin de Maman, Paul y vient le plus qu’il peut, sa belle-mère y passe aussi ses après-midi, elle est donc très entourée.

 

Le chauffeur Voirin accepte le prix de 4 750 pour la voiture de Maman, je lui ai donc télégraphié de rapporter la magnéto qui est chez Paul. Celui-ci ne sera peut-être pas très satisfait de l’opération, mais il paraît qu’on trouve maintenant facilement des magnétos à acheter.

 

Je voudrais bien avoir de tes nouvelles, mon petit chéri. J’ai hâte de savoir que tu as fait bon voyage et es bien arrivé. Nous allons tous bien, les artilleurs sont toujours ici.

 

Bonnes tendresses de ta Mimi.

 

25 septembre - LUI.- Je t’ai écrit très rapidement hier. Je vais aujourd’hui te donner un peu plus de détails. J’ai retrouvé Georges Garnier à la gare de Charmes, ai pu causer un peu avec Emile Lemaire, qui m’a paru plus gai qu’en janvier dernier. J’ai voyagé avec Georges, Mademoiselle Krantz et Mr Bauvillers fils à partir de Varangeville jusqu’à Nancy. Nous avons dîné avec Georges à l’hôtel d’Angleterre et n’avons rien dit de bien intéressant. Georges ne m’a pas parlé d’affaires personnelles. Nous avons simplement un peu parlé filature, inventaires, etc. L’oncle Paul est venu nous retrouver et a paru très content de me voir. Nous sommes allés ensemble chez l’oncle Vautrin, que j’ai trouvé en effet très vieilli et amaigri. Il paraît cependant, me disait l’oncle Paul, qu’il va beaucoup mieux et qu’on espère qu’il s’en tirera. La pauvre Madeleine, à qui j’exprimais tous les regrets que m’avait causés la mort de son mari, a beaucoup pleuré. C’est bien triste. Ses sœurs, Yvonne et Marguerite, sont vraiment trop intransigeantes au point de vue devoir militaire. Comme on causait des pauvres Kempf et que j’exprimais l’idée que lorsqu’une famille a perdu deux de ses fils on devrait mettre à l’abri le troisième, ces demoiselles m’ont dit que le troisième en question, s’il voulait faire son devoir, ne devrait pas accepter. Tu vois c’est un peu outré. Paul Boucher paraît-il est proposé pour la croix. Tant mieux.

 

Rien de particulier pour le voyage de Paris. Le lendemain j’ai été voir les Molard après dîner. Je t’ai dit que Paul Laroche-Joubert n’était pas venu au rendez-vous fixé, ce qui m’a un peu ennuyé. Je craignais que Maguite ne fût plus souffrante et je serais très heureux d’avoir des nouvelles. Les Molard vont bien tous. Adrien pense qu’il restera à Paris, ce qui les enchante évidemment. J’ai passé ensuite chez Mme Déon, que je n’ai pas trouvée, elle était partie la veille à la campagne. Un petit tour chez Pathé et j’ai pris mon train à la gare du Nord vers cinq heures.

 

Arrivé à Villers-Cotterêts à huit heures et demie où mes chevaux m’attendaient. 25 kilomètres à cheval par une belle nuit étoilée et je suis arrivé ici vers minuit. Comme je te l’ai dit hier, je remplace le commandant qui remplit à son tour l’emploi de colonel, de sorte que j’occupe une très belle chambre au château de Belleu à 2k5 au sud de Soissons. Nos batteries sont mieux installées qu’à Tournicourt. Elles sont malheureusement très repérées mais les boches ne tirent presque pas.

 

J’attends avec impatience une lettre de ma chérie. Je te rappelle que mon secteur postal est maintenant 79. Je t’embrasse ma chérie avec nos bons enfants de tout cœur. J’espère qu’ils sont sages et qu’ils ne fatiguent pas leur maman. Ton Geogi.

 

26 septembre - ELLE.- As-tu au moins l’idée de suivre dans le Temps la marche ascendante de notre Gafsa ? Et as-tu vu que si nous les revendions nous gagnerions 200 francs. Notre rouble ne progresse pas aussi vite, je le regrette, car j’aurais vivement désiré des félicitations sur cette opération, dont tu semblais te moquer un peu quand je t’en ai entretenu. Enfin tout en ne montrant pas une belle confiance, tu m’as laissé la latitude de la faire, c’est déjà un honneur, alors maintenant il me faut la gloire d’avoir réussi.

 

Nous sommes allées cet après-midi à Arches. Maman avait un lieutenant des G.V.C. à voir et nous avons passé une heure chez les Prononce, qui détestent toujours autant leurs voisins. Ils étaient furieux car Mr Perrigot trouve moyen de ne jamais loger ni troupes, ni chevaux dans son usine, trouvant qu’il n’y a pas de place libre, et voilà que le Théâtre aux armées vient demain donner une représentation à la division et pour cette occasion on a trouvé des hangars et tout ce qu’il faut. C’est évidemment plus agréable de recevoir acteurs et actrices que de pauvres poilus. Les dames Prononce étaient en rage et trouvaient très mauvais que je prenne la chose en riant.

 

En rentrant, nous avons passé chez Thérèse pour embrasser les bons petits. Elle a toujours de bonnes nouvelles de Maurice, assez au calme près de la Meuse. Il faisait très froid et pluvieux et, pour la première fois depuis l’hiver, j’avais mis les rideaux à l’auto.

 

Nous avons à la maison un capitaine d’artillerie et un sous-lieutenant qui sont tellement indolents, cela fait peine à voir, et je ne suis pas étonnée que l’infanterie se plaigne parfois d’être peu soutenue s’il y a beaucoup d’artilleurs comme cela, et le capitaine est de l’active, c’est insensé. Il faut croire vraiment qu’ils avaient l’habitude de ne rien faire avant la guerre, en tout cas c’est déplaisant à voir en ce moment.

 

Je t’aime mon Gi, parce que tu n’es pas de cette race, parce que tu es mon Geogi aimé depuis toujours, duquel je suis fière autant qu’on peut l’être en ce monde. Je te donne tout mon amour, tu es forcé de me conserver un peu du tien puisque c’est toute ma vie. Ta Mi.

 

27 septembre - ELLE.- Maman est rentrée à trois heures ½ au moment où je me préparais à aller la chercher à Epinal. Elle est passée et s’est arrêtée à Chaumont pour voir le général qui s’occupe des sursis, n’ayant reçu ni ma lettre ni les deux télégrammes que je lui avais envoyés pour la prévenir que Boullery nous était accordé à nouveau pour deux mois. Son retour t’indique que l’état de Maguy est satisfaisant. Mme L.J., étant à Lescalier pour une quinzaine encore, ira passer tous ses après-midi avec Maguy à la clinique où Maguy est très bien soignée. Maman n’aurait donc servi à rien et il sera meilleur qu’elle y retourne quand Maguy sera rentrée chez elle et ne pourra pas encore reprendre la vie active.

 

Je pense que tu recevras peu à peu les lettres encore adressées au 162. Tu sauras ainsi que la fausse couche est venue tout de même samedi. D’ailleurs l’oncle Vautrin m’avait prévenue, il s’y attendait. Mais Maman est stupéfaite de voir combien Maguy a bien supporté tout cela. Quand on pense à certaines personnes, comme notre brave Marie Paul après son opération qui n’a pas voulu nous recevoir, Marie Molard et moi, avant huit jours, elle n’avait pas été endormie plus longtemps que Maguy à laquelle on a enlevé aussi l’appendice. Enfin tant mieux, Maguy n’a pas eu de fièvre, elle va rester encore une quinzaine au lit.

 

Avec Maman, j’insiste pour que tu acceptes la somme qui t’est offerte, non pas par idée de lucre, tu le sais bien car je partage tes idées sur ce point, mais je crois que tu blesserais tout le monde en continuant dans tes refus, ton frère Paul le premier, Adrien et tous les associés. J’espère donc chéri que tu n’as pas écrit dans le sens que tu soutenais pendant que tu étais ici et que tu accepteras tout simplement.

 

Je suis contente d’avoir enfin reçu une lettre de toi. Depuis vendredi, je trouvais le temps bien long.

 

27 septembre - LUI.- J’ai reçu ta bonne petite lettre que tu m’as écrite dès ton retour d’Epinal après m’avoir reconduit. Celle-là m’est encore parvenue bien que tu aies mis le secteur postal 162, mais je crains que celle que tu m’auras sûrement écrite le samedi ne me parvienne que plus tard et j’attends impatiemment des nouvelles de Maguy. J’ai d’ailleurs indiqué à Maman mon nouveau secteur postal de sorte que je compte recevoir une lettre demain.

 

Je suis toujours très occupé car il faut mettre le nez dans un tas de paperasses, dont la plupart d’ailleurs ne sont pas intéressantes, mais il faut cependant les regarder toutes car il peut y avoir un paragraphe, un seul, qu’il faut connaître. Comme c’est bien plus simple d’opérer comme nous avons toujours fait, d’extraire de tous les papiers les choses intéressantes et de les reporter dans un carnet de tir où tout est rassemblé, on se met alors très facilement au courant de tout et on ne perd pas de temps.

 

Et toi, ma bonne chérie, que fais-tu ? N’es-tu pas trop fatiguée et les enfants sont-ils sages ? Ne t’en occupe pas trop pendant que Maman est partie. J’espère que tu les envoies jouer à la salle d’études et que tu profites des derniers jours de vacances pour les faire sortir le plus possible. Je compte bien aussi que tu ne t’occupes pas trop de l’usine et que tu laisses un peu les choses aller toutes seules. Faites-vous encore de bonnes parties de bridge et votre cagnotte monte-t-elle suffisamment pour nous promettre un excellent voyage en Alsace après la guerre ?

 

Le commandant part en permission prochainement. Mais comme il part hors tour, puisqu’il remplace le lieutenant-colonel, il ne compte plus avec nous et cela nous avance tous de dix jours. Tu peux donc compter que je reviendrai dix jours plus tôt que je ne pensais, c’est toujours cela. Tu vois qu’on escompte déjà la permission prochaine. C’est qu’on est bien vite en mal de sa petite Mimi qu’on voudrait bien retrouver définitivement le plus tôt possible.

 

Ce capitaine a grande confiance en de prochains événements, il s’attend à être sur la Meuse dans peu de temps. Tant mieux, ce sera toujours autant de fait.

29 septembre - ELLE.- J’espère que ma lettre et celle de Maman te seront arrivées à temps, avant que tu aies reçu avis des Héritiers te mettant au courant de la réunion et de ce qui s’y est dit. Je t’assure Geogi qu’il faut accepter, tu n’as qu’à écrire à l’oncle Vautrin, puisque c’est lui qui a pris la parole en termes élogieux pour toi, que tu es confus, que tu voulais ne rien prendre mais que devant cette amabilité et cette façon gracieuse de t’offrir, tu ne peux que t’incliner et les remercier, lui et les autres associés. Comme le dit Maman, si tu t’obstinais dans ton refus ce serait jeter un blâme à tous les autres. Tu peux bien avoir confiance en nous, tu sais que je m’étais rangée à ton idée, mais étant donné la manière dont les choses ont été présentées tu ne peux qu’accepter. Fais-le donc de bon cœur.

 

Nos artilleurs doivent s’embarquer cette nuit à Epinal, nous avons fait la joie du capitaine V. en lui offrant de prendre un bain et comme Mr Jacquinet est venu hier nous faire sa visite d’adieu, il en a été question et on lui en prépare un ce matin. Cela a paru leur faire grand plaisir. Ils sont contents de quitter le camp d’Arches, où les exercices étaient peu intéressants. Le capitaine, sous son air froid, a grande confiance en de prochains événements, il s’attend à être sur la Meuse dans peu de temps. Tant mieux, ce sera toujours autant de fait.

 

Nous avons reçu un télégramme de Paul L.J. hier, nous disant que Maguy continue à bien aller, ce qui nous ravit.

 

Robert a un peu de fièvre ces jours-ci, pendant que tu étais là j’avais déjà remarqué une élévation. Je pense que cela vient encore des reins car il urine très peu. Je le remets au régime pour deux ou trois jours et lui fais prendre de la tisane de queues de cerises pour activer. Ce matin, la fièvre tombe un peu, nous sommes donc sur la bonne voie. Tendresses, mon chéri Geogi de ta petite femme. J’ai reçu ta lettre dès lundi et suis contente d’avoir des détails.

 

29 septembre - LUI.- J’ai reçu tes bonnes lettres du 23, 24, 25 et la lettre de Paul que je retourne inclus. Tu me combles ma bonne chérie et je suis si heureux de te lire. Je suis bien content que tout s’est bien arrangé pour Magui. Maman vient de m’écrire et d’ailleurs tu me le dis dans ta dernière lettre que l’accident s’est produit. Tout est donc pour le mieux car j’avoue qu’à la suite de cette opération j’étais un peu inquiet pour l’avenir. Oh oui tant mieux que nous n’ayons pas découvert le véritable sens du mot Descure. Lorsque le major de Docelles m’avait dit que cela pouvait peut-être se rapporter à une autre personne que nous devions connaître, j’avais de suite songé à de Reure, mais en somme la maladie de Louise n’avait aucun rapport avec celle-là et je ne m’étais pas arrêté à cette hypothèse. La pauvre Maman aurait été bien inutilement inquiète et je suis heureux que ces angoisses lui aient été épargnées. Je lui reprocherai seulement d’avoir quitté Angoulême trop tôt, car je suis sûr qu’elle aurait pu se reposer et que cela lui aurait fait grand bien. A Docelles c’est impossible.

 

Tes grandes lettres m’ont bien intéressé. On va dire certainement, je ne dis pas dans notre famille mais ailleurs, que mon soi-disant désintéressement n’était qu’une comédie. Mais n’est-ce pas Mimi, nous avons la sage habitude de laisser dire et de ne pas nous occuper de ce qu’on pense de nos faits et gestes. Crois-tu que je ferais bien d’écrire aux associés de la branche Perrin pour les remercier, puisque réflexion faite je ne puis plus guère refuser. Tout cela en somme s’est mal emmanché. Que veux-tu, je ne suis pas de l’avis de Paul LJ qui disait paraît-il à Maman que je serais responsable des pertes s’il en survenait et qu’il était par conséquent juste que je profite des gains. C’est la théorie des Molard et c’est probablement la bonne puisque tout le monde est de cet avis. J’avoue que je ne la comprends pas. Enfin assez causé sur ce sujet.

 

Voilà Mademoiselle qui va venir. Recommande-lui bien de ne pas aller trop vite avec Dédé et de ne pas trop lui apprendre de choses nouvelles avant qu’il sache parfaitement les précédentes. C’est le secret de toute bonne instruction à mon avis. Ne t’inquiète pas s’il est le dernier de la classe qu’il suit, puisqu’on doit me disais-tu envoyer ses compositions à Paris. Je t’assure que tout cela viendra petit à petit et moi, l’ennemi de l’instruction à la maison, je suis maintenant fort heureux que tu l’aies conservé avec toi, j’imagine que dans les lycées on abrutit les enfants et on les fait trop travailler quand ils sont jeunes.

 

J’ai reçu une bonne lettre de Maguite qui a été véritablement trop gentille, elle qui doit être fatiguée, de penser à m’écrire un mot. Je vais lui répondre.

 

Je trouve très dure la séparation.

30 septembre - ELLE.- Hier vendredi, nous avons eu les visites de Jeanne Prononce, Marie Krantz et Thérèse avec ses enfants. En même temps nous avions tes deux camarades Villaume et Jacquinet qui venaient prendre le thé. Ils l’aimaient beaucoup avec des tartines de miel ou de beurre et nous avons regretté qu’ils aient été aussi occupés au camp d’Arches, car presque toutes leurs après-midi étaient prises. Les deux dernières avec simplement leurs préparatifs de départ leur laissaient un peu plus de liberté. Le capitaine est vraiment très bien, très sérieux, bien élevé et aimable, il nous a dit qu’avant la guerre il était un célibataire endurci mais que désormais il considérait que le devoir des Français était de se marier et qu’après la guerre il se déciderait. Mais cela lui est très difficile, n’ayant jamais eu de sœur ni cousine autour de lui, il connaît très peu de jeunes filles. Ils sont partis hier soir à 9 heures du soir pour s’embarquer à Epinal à 2 heures du matin par une nuit affreusement noire et une pluie torrentielle. C’était vraiment mal tombé.

 

La fièvre de Robert est baissée mais je continue à surveiller son alimentation et à lui faire prendre de la tisane « d’évacuation ».

 

On approprie la salle d’études aujourd’hui, les peintres y posent du papier et donne un coup de pinceau. Les enfants y avaient donné tant de coups de pieds et de griffes dans le papier que c’était vraiment trop laid. Tout sera propre pour lundi si « Mademoiselle » arrive.

 

J’ai reçu avis de Demangevelle qu’on va nous verser 1 500fr. contre l’envoi du coupon 2. Cela ne fait que 4%, ce n’est pas riche.

 

A part cela rien de nouveau. Je vais cet après-midi en conduisant Dédé à sa dernière séance de dentiste prendre le thé chez Madame Vourion, que j’ai rencontrée l’autre jour à Epinal avec sa belle-sœur Madame Bleurme. Son mari est depuis 3 semaines au parc d’autos d’Epinal où sa voiture est en réparation. Sa femme est donc bien vite venue le rejoindre. Leur petite fille a l’air toujours aussi délurée.

 

Bonnes tendresses, mon Geogi aimé, donne-moi souvent de tes nouvelles, car je suis en mal de toi, de ta tendresse et je trouve très dure la séparation. Ta Mi.

 

1er octobre - ELLE.- Comme je te l’ai dit dans ma lettre d’hier, je suis allée l’après-midi chez Madame Vourion où j’ai pris le thé avec une autre dame, femme d’un capitaine de génie à Remiremont, qui s’était installée près de son mari mais a été obligée par ordre militaire de quitter la ville, « Femmes légitimes et amies attitrées » ont été expulsées. Elle s’est donc réfugiée à Epinal.

 

Ces deux braves dames paraissent très renseignées sur les opérations militaires actuelles et futures, sur la valeur des chefs, sur la révolution qui éclatera après la guerre entre officiers de carrière et de réserve, les premiers voulant mettre un « roy » sur le trône de France. Enfin elles m’ont mise au courant de mille petites histoires amusantes auxquelles je ne crois d’ailleurs pas, mais qui prouvent combien les potins les plus extraordinaires circulent de par le monde. Mme Vourion se plaint de la longueur de la guerre, de l’angoisse perpétuelle dans laquelle elle vit. Mais tu me l’as déjà dit, pour toute femme son mari est un héros et c’est lui qui aura sauvé la France. Ces dames trouvent que Villaret est bon à mettre dans un asile de fous, je te fais grâce des détails qu’elles m’ont donnés pour appuyer leur dire. Mais ce qui est amusant, c’est la petite Colette qui se mêle à la conversation. A un moment elle s’est plantée devant nous, les deux poings sur les hanches : « Oh, ce Villaret quand donc en sera-t-on délivré, on devrait l’enfermer ». Elle avait sans doute entendu son père, en tout cas sa mère craignant une réflexion peut-être intempestive lui a dit de se taire. On voit que c’est une enfant à laquelle on cause beaucoup trop et qu’on fait causer. Avec cela très élégante de même que sa petite Maman. Ce sont de jeunes personnes très civilisées, auprès desquelles nos enfants paraîtraient rustres et campagnards.

 

Tu sais que Paul L.J. a dit à Maman qu’il ne comprenait pas que tu ne prennes pas tes tantièmes. Eux ils ont tout pris, appointements et bénéfices. Marie Molard m’a écrit aussi qu’elle ne t’approuvait pas, tu vois, mon pauvre Gi.

 

Nos hommes sont tout à fait heureux de la décision du général Joffre relative aux permissions. Je disais bien aussi qu’il fallait, si l’on devait passer l’hiver, augmenter le nombre des permissions. C’est le meilleur et l’unique moyen de soutenir le moral des hommes.

1er octobre - LUI.- Je reçois ta bonne lettre du 29 septembre. Tu peux être tranquille, je ne peux évidemment pas refuser ce qu’on m’offre de cette façon et, d’autre part, je ne voudrais pas avoir l’air de blâmer les autres que je n’ai d’ailleurs jamais blâmés. Seulement, si j’avais su que cela se terminât ainsi, je n’aurais rien dit du tout car évidemment la situation est plutôt bizarre. Je vais écrire un mot à l’oncle Paul, qui m’avait déjà dit à la gare de Nancy qu’il voulait qu’on me donnât quelque chose et je le chargerai de remercier en mon nom tous les autres, mais je ne dirai pas, ma petite mimi, que je suis confus, tu sais que cela ne prendrait plus, bien que ce soit la vérité.

 

Je crois que Villaume se trompe et que nous ne serons pas de sitôt sur la Meuse. Au fait s’il veut parler de St Mihiel ou de Verdun c’est autre chose, mais de la Meuse en Belgique il ne peut en être question avant l’été prochain.

 

Je suis heureux des bonnes nouvelles que tu me donnes de Maguy. Je lui ai écrit hier. Je viens de recevoir de sa part un colis d’excellents ananas, qui ont dû faire du chemin car l’adresse portait encore Sect 169.

 

Nos hommes sont tout à fait heureux de la décision du général Joffre relative aux permissions. Je disais bien aussi qu’il fallait, si l’on devait passer l’hiver, augmenter le nombre des permissions. C’est le meilleur et l’unique moyen de soutenir le moral des hommes.

 

Tu me donneras des nouvelles des premières leçons de Mademoiselle. Qu’a dit notre Dédé lorsqu’il a appris qu’il n’irait plus à l’école de Mr Defer. Il n’a pas dû être très enchanté et j’imagine qu’il eût préféré avoir une bonne petite vie bien tranquille. Pauvre Dédé, qu’on doit déjà faire travailler et qui ne se doute pas de ce qu’il faudra qu’il sache plus tard. J’espère que l’indisposition de notre petit Robert ne donnera rien. Ne le fais pas trop travailler, il faut avant tout qu’il se fortifie.

 

Voilà la nuit qui vient et je dois monter à la batterie pour dîner. Nous n’éclairons pas dans le château pour ne pas être vus des Allemands. Tu excuseras donc mon écriture car je n’y vois presque plus.

 

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 01/10/1916 (N° 1345)

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Le général Cordonnier - Commandant le corps français de Macédoine

Quand se constitua la grande armée alliée de Salonique, armée à la composition de laquelle Français, Anglais, Russes, Serbes et Italiens participèrent, et dont le commandement suprême fut donné au général Sarrail, on songea à mettre un chef spécial à la tête du corps français. Le général Cordonnier fut choisi.

 

Le général Cordonnier, dit un de nos plus éminents critiques militaires, est une des jeunes valeurs que la guerre a mises en lumière, je ne dis pas révélées, car tous les initiés connaissaient la distinction technique de l’ancien chef de la mission militaire attachée à l’armée japonaise pendant la guerre de Mandchourie. Un enseignement remarquable à l’Ecole de guerre avait achevé de désigner pour de hautes fonctions celui qui entrait en guerre comme colonel du 119e. De fait, les échelons ont été rapidement franchis : brigade, division, groupe de divisions. Il y a un an déjà que le général Cordonnier commande un corps d’armée qui s’est distingué en Champagne et à Verdun. Et cette belle carrière va se poursuivre en Orient, par les nouveaux services que le général Cordonnier rendra au pays.

 

 

 

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Le prince Eitel n’aime pas les marmites

C’est le fils préféré du Kaiser. Il a montré dès le début de la guerre qu’il avait quelque ressemblance avec son homonyme le chef des Huns. Au mois de septembre 1914, il rançonna et pilla la ville de Coulommiers. Il se disposait même à faire fusiller trois otages de cette ville parce qu’on n’avait pu recueillir autant d’argent qu’il en exigeait, lorsqu’à la suite de la victoire de la Marne, on lui annonça l’arrivée d’un corps anglais. Eitel ne demanda pas son reste. Abandonnant ses otages, il monta précipitamment dans une automobile et fila à cent à l’heure. Ce fut le premier fait d’armes du prince Eitel, fils chéri de Guillaume II.

 

Eitel est, paraît-il, l’homme d’esprit de la famille. Il est coutumier d’aimables plaisanteries et de lazzis de toutes sortes qui faisaient beaucoup rire son papa, au temps où son papa riait, ce qui ne doit plus guère lui arriver depuis quelque temps. Et chaque fois qu’Eitel faisait quelque farce, le Kaiser s’écriait : « Que cet enfant est donc spirituel ! Il est digne vraiment de régner sur les Français. » Et, de fait, c’est à Eitel qu’était destiné le trône de France. Emile Hinzelin raconte à ce propos une bien jolie histoire qui a cours en Alsace. Il arriva un beau jour à Eitel de se laisser choir à bas de son cheval. Et il se blessa au genou. C’est alors que les Alsaciens se répétèrent les uns aux autres : « Voilà le rêve de Guillaume II qui se réalise : Eitel est ‘couronné’ en France.

 

Mais arrivons à l’incident qui fait le sujet de notre gravure. Depuis sa fuite de Coulommiers, le prince Eitel avait pu espérer qu’on avait oublié. Hélas ! son prestige vient d’être plus cruellement atteint encore. Eitel avait installé son quartier général au château de Temple-la-Fosse, sur le front nord de la Somme. Repéré par nos batteries, le château fut bombardé. Une trombe d’acier vint s’abattre tout autour du quartier général. Dès les premiers obus, Eitel quitta la chambre où son état-major étudiait la carte avec lui et, comme naguère à Coulommiers, sautant dans une rapide automobile, il fila tout d’une traite à vingt kilomètres en arrière des lignes. Ses soldats, paraît-il, ont jugé sévèrement ce recul stratégique. Ils doivent trouver que cet Attila est bien dégénéré.

 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Sur le front russe - Le baiser au drapeau

Le transport d'un grand blessé en Galicie

Sirène-signal contre les gaz asphyxiants

Automobile blindée munie de plusieurs mitrailleuses

Sur le front - Le bureau du vaguemestre

Entrée d'un abri souterrain

Le 400

Les péniches ambulances de l'armée anglaise

Une luge de guerre

A Faucaucourt - Le calvaire bombardé par les Allemands

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Sur le front - La musique au cantonnement

Le camion bazar de l'armée

Un zeppelin de marine

Batterie lourde de 320 en activité

Tranchée allemande conquise entre Thiaumont et Fleury

Poste de Secours à Thiaumont

Sur le front italien - Mitrailleurs alpins en embuscade

Flore de guerre

La taupinière

A Salonique - Evzone conversant avec un soldat français

 

Thèmes qui pourraient être développés

  • Arabie - La reprise des relations avec le Chérif de la Mecque
  • Bombardements - Les usines d'Essen bombardées - 46 obus sur les usines de Rombach et de Thionville
  • Indes néerlandaises - Un soulèvement dans les Indes néerlandaises
  • Grèce - Les événements de Grèce - Les intrigues allemandes reprennent plus que jamais - Dans toute la Grèce le mouvement national s'étend
  • Commémoration - Fête du village - Le lendemain le service des défunts
  • Devoir militaire, chacun doit avoir la possibilité de le faire. Ex lorsqu’une famille a perdu deux de ses fils on devrait mettre à l’abri le troisième, ces demoiselles m’ont dit que le troisième en question, s’il voulait faire son devoir, ne devrait pas accepter
  • L'Espagne rappelle son ambassadeur à Rome
  • Allemagne - Les Sozialdémokrates allemands votent la "guerre à outrance" par 251 voix contre 5
  • Aviation - Le 39e raid de zeppelins sur l'Angleterre - 36 morts
  • Artillerie - Le carnet de tir : extraire de tous les papiers les choses intéressantes
  • Santé - Tisane aux queues de cerise ou tisane d'"évacuation"
  • Armée - Expulsion des femmes légitimes et amies attitrées
  • Industrie - Verser des tantièmes aux gérants mobilisés
  • Permissions - Décision de Joffre d'augmenter le nombre des permissions
  • Le général Cordonnier, commandant le corps français de Macédoine (Portrait dans LPJ Sup)
  • Allemagne - Le prince Etel n'aime pas les marmites (LPJ Sup)
  • Décorations - Les villes à décorer (LPJ Sup)
  • Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)


23/09/2016
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